Faut-il se protéger contre les baisses boursières?

Publié le 29/07/2017 à 11:17

Faut-il se protéger contre les baisses boursières?

Publié le 29/07/2017 à 11:17

Nous avons connu toute une montée boursière depuis la crise financière (année 2009). Plusieurs experts s’inquiètent de l’évaluation des bourses américaines. Tout récemment, le milliardaire Howard Marks mettait en garde les investisseurs, alors que l’indice S&P 500 se transige à 25 fois les profits par rapport à une médiane historique de 15. M. Marks gère près de 100 milliards de dollars par le biais de la firme Oaktree Capital, et aurait apparemment prédit la crise financière. Une autre mesure, le «Shiller Cyclically Adjusted PE Ratio», s’élèverait à 30 contre une moyenne de 16. Ce multiple aurait été excédé uniquement en 1929 et en 2000, alors que le marché se retrouvait en territoire de bulle boursière. Quoi de plus normal que de vouloir se protéger contre une éventuelle baisse dans ces cas-là?

Tout d’abord, il s’avère essentiel de distinguer la différence entre «se protéger» et «chercher à profiter d’une baisse». Le gestionnaire de Greenlight Capital (NASDAQ, GRLE), David Einhorn, gère environ 7 milliards de dollars, et vit des temps difficiles cette année. Comme il détient un fonds de couverture, il tente de profiter du meilleur des deux mondes, c’est-à-dire, bénéficier des hausses et des baisses de certains titres. Or, il éprouve des difficultés depuis quelques années, car ses ventes à découvert hypothèquent sérieusement ses rendements. Prem Watsa de l’assureur Fairfax Financial (Tor., FFH) a quant à lui longtemps tenté de protéger le portefeuille de sa société contre les chutes boursières, à l’aide notamment de produits dérivés. Cette stratégie lui a largement souri lors de la crise financière, mais considérablement nui les six années suivantes. Ironiquement, suite aux élections de M. Trump, il changea son fusil d’épaule, et réduisit ses positions de protection.

Protection ou spéculation?

L’idée de tirer profit tout autant des baisses que des hausses boursières s’avère séduisante. Pour ceux qui cherchent à se protéger toutefois, nous préconiserions plutôt une approche basée sur la «compensation» en cas de scénario négatif prononcé. C’est comme pour l’assurance. Votre maison est assurée contre les incendies, mais vous ne souhaitez pas qu’elle brûle! L’assurance constitue une consolation en cas de malheur, et non scénario recherché ou souhaité.

Dans le cadre de la gestion de notre fonds, nous investissons en fonction des aubaines que nous dénichons sur les marchés. Nous devons l’avouer: ces aubaines se faisant plus rares, la tâche est devenue beaucoup plus ardue depuis quelques mois. Nous détenons donc une encaisse plus élevée qu’à l’habitude, ce qui constitue en quelque sorte une forme de protection en cas de baisse des marchés.

Plutôt que de conserver une certaine encaisse, vous pourriez opter pour l’achat de produits dérivés. Par exemple, une option de vente échéant en décembre 2019 vous coûterait environ 230$ pour un niveau de l’indice S&P 500 à 2475 (pour simplifier, nous omettons ici le fait qu’il faut multiplier par 100 pour un contrat). Cela correspond à un coût de 9% pour une échéance de 2,4 années, équivalant à approximativement 3,8% par an, ce qui est passablement onéreux.

Pour abaisser le coût, vous pouvez opter pour une protection qui repose davantage dans l’esprit de la «compensation». Par exemple, en choisissant un niveau de l’indice de 2000 plutôt que 2475, le coût s’élèverait à seulement 1,5%. En contrepartie, vous assumez les premiers 20% de baisse. Absurde, nous direz-vous? La majorité des corrections ne sont pas aussi sévères!

Voilà la grande différence entre tenter de profiter d’une baisse des marchés, comparativement à se protéger en cas de catastrophe. Dans le premier cas, difficile de ne pas «souhaiter» que tout s’écroule, d’où la forte tentation de spéculer. Dans le deuxième cas, la perte à assumer avant d’être protégé fait en sorte que vous souhaiterez ne jamais en avoir de besoin!

Durant la crise financière de 2008-2009, l’indice S&P 500 avait enregistré une perte bien supérieure à 50% du sommet à son creux. Cela ne survient que rarement, et c’est dans cet esprit que l’on devrait considérer un coût de protection si vous jugez en avoir de besoin: pour les événements rares et que l’on ne souhaite pas voir arriver.

Certes, en misant sur une baisse des marchés, certains investisseurs auront raison de temps à autres, et ne manqueront pas de le souligner après coup. Cependant, nous avons observé qu’à très long terme, ces mêmes investisseurs ont tendance à faire moins de profits en bout de ligne, rendant inutile tout le temps qu’ils avaient consacré à leur stratégie de «protection».

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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