Conviction ou entêtement?

Publié le 03/02/2018 à 16:23, mis à jour le 04/02/2018 à 13:28

Conviction ou entêtement?

Publié le 03/02/2018 à 16:23, mis à jour le 04/02/2018 à 13:28

Le géant de la vente en ligne, Amazon (NASDAQ, AMZN), a publié d’excellents résultats jeudi après la fermeture des marchés. Le titre a connu une belle progression (environ +37%) depuis que nous en avons discuté dans ce billet , en octobre dernier. Comme nous l’avions mentionné, parier contre Amazon comporte certains risques, malgré l’apparence d’absence de profits. David Einhorn, un gestionnaire de fonds de couverture qui gère actuellement environ 6GUS$, avait monté un panier de titres technologiques à vendre à découvert en 2014. Depuis déjà un certain temps, il estimait que plusieurs titres s'échangeaient à des prix qu’il considérait déconnectés des données fondamentales.

Quelque quatre ans, et 300% plus tard dans le cas de Amazon, on pourrait s’attendre à un changement d’opinion. Or, dans sa récente lettre aux investisseurs, il a émis un commentaire à l’effet que ces sociétés n’ont pas livré la marchandise, signifiant que la hausse du titre du géant en ligne s’avère totalement injustifiée.

Soulignons la bonne performance du fonds de M. Einhorn depuis sa création en 1996: 16% par an. Toutefois, il y a 7 ans, il affichait un rendement annualisé de 21,5%! Juste en janvier dernier, alors que le S&P 500 grimpa de 5,6%, son fonds céda 6,6%. À sa défense, mentionnons que certains titres de son panier se sont appréciés probablement beaucoup plus rapidement que leur valeur intrinsèque. C’est le cas de Amazon, à notre avis. Si vous entrevoyez une croissance de 40% pour un titre, et que celui explose de ce même pourcentage en seulement quelques mois, vous pouvez affirmer que l’équation rendement/risque a été passablement modifiée.

Étudier les gestionnaires qui connaissent beaucoup de succès fait partie de nos recherches. Nous scrutons les actions de ceux que nous admirons, et cherchons à comprendre leur raisonnement lorsque nous soupçonnons une erreur. Apprendre des erreurs des autres, et plus particulièrement de ceux qui ont bien réussi, nous aide grandement à nous améliorer, car nous sommes loin d’être à l’abri.

Pour bien réussir dans le monde de l’investissement, on doit développer la capacité de penser de façon indépendante. Cela implique souvent d’être à contre-courant, et de maintenir ses convictions dans les temps difficiles. M. Einhorn en discute dans cette entrevue avec CNBC.

Toutefois, où se situe la ligne entre l’indépendance d’esprit et l’entêtement? Si vous êtes convaincu d’une idée, et qu’autour de vous, on tente de vous expliquer pourquoi vous avez tort, serez-vous attentif et prêt à changer d’avis au besoin? Ou resterez-vous sur votre position, par respect pour vos convictions ainsi que dans la ferme volonté de ne pas vous laisser influencer?

Il suffit de songer à l’histoire de Robert Goldfarb avec Valeant Pharmaceuticals (N.Y., VRX). Il avait joint la firme Ruane, Cunniff & Goldfarb en 1971, qui gère le célèbre fonds Sequoia. Il s’agit du même fonds qui avait été recommandé par Warren Buffett lorsqu’il termina ses partenariats en 1969. Il y a deux ou trois ans, M. Goldfarb s’était entêté à augmenter la position de Valeant dans le portefeuille en pleine tourmente, malgré l’opposition qu’il avait rencontrée autour de lui. Le fonds a enregistré une lourde perte avec ce titre, et M. Goldfarb a quitté la firme. Il suffit d’une seule erreur importante pour nuire gravement à des décennies de succès. Avec le recul, on peut facilement conclure à l’entêtement, mais à l’époque, on aurait pu plutôt admirer la force de ses convictions.

C’est pourquoi, en tant qu’investisseur, on doit toujours être prêt à se remettre en question, tout en maintenant une certaine confiance envers son propre jugement. Il s’agit d’un travail constant, qui vise à conserver ce fragile équilibre. Étudier les erreurs commises par les meilleurs s’avère un incontournable.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

 

Blogues similaires

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Bourse: la Banque Royale fait trembler le marché des actions privilégiées

19/04/2024 | Denis Lalonde

BALADO. La Banque Royale envoie un signal clair qu'elle pourrait racheter toutes ses actions privilégiées.