Élections: comment aider les entreprises à redevenir autonomes?

Publié le 26/08/2022 à 10:15

Élections: comment aider les entreprises à redevenir autonomes?

Publié le 26/08/2022 à 10:15

La revalorisation des métiers chez les jeunes, en parcours scolaire, est un sujet en lui-même. Nous manquons cruellement de couturières, de soudeurs, de mécaniciens, d’opérateurs de machines d’usinage, et j’en passe. (Photo: 123RF)

 Un texte de Stéphanie Bernadet, PDG, Naturmania 

COURRIER DES LECTEURS. Au cours des 50 dernières années, les métiers liés au secteur manufacturier ont presque totalement disparu. Les capacités de production qui nous permettaient d’être autonomes ont été réduites à néant. Cela nous conduit lentement, mais sûrement, vers une dépendance commerciale envers les pays étrangers. 

Nous avons perdu notre expertise, notre savoir-faire, notre indépendance et une certaine richesse, au profit de pays manufacturiers, aux tarifs économiques et aux pratiques pas toujours nobles. Nous avons accepté de nous soumettre, commercialement et économiquement, à des marchés délocalisés. Nous leur avons permis de développer leurs capacités, leur expertise, leurs moyens et ainsi leur pouvoir sur nous. 

Nous avons perdu beaucoup plus que des emplois, au change. Notre capacité à affronter des évènements extérieurs, comme la pandémie ou des conflits mondiaux, a été anéantie. Nous payons les conséquences, en ce moment, de cette négligence. 

La diversité des emplois est une nécessité. La capacité à nous autosuffire l’est tout autant. Nous avons sacrifié énormément, pour sauver quelques dollars. Et l’avenir pourrait se révéler pessimiste si nous n’agissons pas, dès maintenant, pour rétablir un peu les choses. 

La revalorisation des métiers chez les jeunes, en parcours scolaire, est un sujet en lui-même. Nous manquons cruellement de couturières, de soudeurs, de mécaniciens, d’opérateurs de machines d’usinage, et j’en passe. Des métiers permettant de gagner sa vie honorablement et de participer au projet commun, de reprendre en main notre expertise, délocalisée vers l’étranger. Et ça doit passer par les écoles. 

En ce moment, notre système scolaire ne considère que la réussite scolaire de haut niveau. On encourage les jeunes à viser des études universitaires et à envisager des carrières qui leur permettront, si on le croit, de gagner leurs vies adéquatement. Je crois que l’on peut dire, avec certitude, que les longues études ne conviennent pas à tous les jeunes. Et que, porter le message que seuls ceux qui étudient jusqu’à l’université réussiront bien dans la vie est non seulement mensonger, mais destructeur. Nous devrions permettre à tous les jeunes de découvrir leur voie. Pour certains, les métiers manuels leur permettraient de travailler dans des milieux beaucoup plus propices à leur développement, à leur confiance en soi, à leur épanouissement et, ultimement, à leur bonheur. 

Cela étant, je suis, comme plusieurs de mes collègues entrepreneurs, d’avis que le gouvernement devrait prioriser les projets entrepreneuriaux de productions localisées. Nous devrions promouvoir les solutions de développement durable et concret visant à créer des emplois ici, chez nous, et de ramener notre expertise près de nous. Cette démarche permettrait de résoudre une partie des problèmes d’opérations et nous redonnerait, en partie, la capacité de nous autosuffire. 

Cela fait des années que les entreprises demandent le retour des planchers de production. Les besoins sont de plus en plus criants. Et chaque fois que des évènements surviennent, nous réalisons combien nous sommes vulnérables. La pandémie nous a permis de constater combien nous dépendions de l’Asie pour tout ; vêtements, électronique, mécanique, et autres articles divers. Combien de fois, dernièrement, avez-vous eu besoin de quelque chose et n’avez pas été capables de vous le procurer tout de suite ? Avez-vous tenté d’acheter un vélo, un réfrigérateur, une voiture, un téléphone cellulaire, des bottes hautes, etc. au cours des dernières années? 

Voilà pourquoi la production locale devient capitale. On ne parle plus de certaines compagnies, faisant faire leurs articles à l’étranger, on parle de marchés entiers ! Nous sommes complètement soumis aux ressources étrangères. Dépendants de leurs capacités de produire et d’acheminer. C’est critique. Nos instances gouvernementales devraient investir leurs efforts sur les secteurs rendant l’économie vulnérable. Et pas seulement sur celles qui donnent bonne presse. 

Le maillage d’entreprise permettrait aux entrepreneurs de se rassembler, de discuter ensemble de leurs besoins respectifs et de déterminer la meilleure façon d’adapter les planchers de productions nécessaires pour la confection de plusieurs articles provenant de plusieurs compagnies. Plusieurs entreprises, trop petites pour avoir leur propre usine, verraient leurs capacités d’offrir des articles provenant d’une usine locale, libre des restrictions d’importations, de douanes et de transports maritimes. Elles auraient la possibilité de se concerter afin de partager le calendrier de production et de veiller à obtenir leurs articles en temps désiré, sans contraintes. 

Nous sommes arrivés à un moment décisif de notre histoire. Nous devons reprendre en main nos capacités de fabriquer, de transformer, de développer et de résoudre. Le gouvernement doit favoriser les entreprises prêtes à travailler dans ce sens. Nous devons, collectivement, travailler à nous redonner une économie diversifiée et riche. Il est temps de reprendre notre expertise et de la mettre au service de notre population. Nous avons tout ce qu’il faut, ici, chez nous, pour ramener de la richesse et offrir à nos entreprises les ressources dont elles ont besoin pour réussir. 

Pour mon entreprise, je rêve d’autonomie et d’indépendance. Je voudrais pouvoir revenir à de la production locale, uniquement, par choix ! J’aimerais pouvoir avoir à la source mes matières premières en économie circulaire et ainsi, réduire de manière encore plus significative l’empreinte écologique de mes marques. Je voudrais pouvoir aller visiter, facilement, mes planchers de production. Et continuer de créer des produits innovants, encore plus performants. Je voudrais favoriser les emplois locaux et pouvoir embaucher des jeunes motivés à créer des vêtements et articles qui leur ressemblent et ayant envie de voir leurs créations portées par des gens de chez nous! Alors je repose la question: qu’allez-vous faire pour nous, vos entreprises, chers candidats?

Stéphanie Bernadet, PDG de Naturmania (Photo: courtoisie)

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