La multiplication des détestables murs payants est-elle inévitable?

Publié le 09/07/2015 à 16:01

La multiplication des détestables murs payants est-elle inévitable?

Publié le 09/07/2015 à 16:01

Dans un contexte où les tarifs publicitaires sont en baisse, les médias qui font le pari de la gratuité sont condamnés à produire un nombre de pages vues de plus en plus important avec des ressources de plus en plus limitées. [Photo : Bloomberg]

Lorsque je suis revenu de vacances mardi dernier, j’ai constaté que mon site de nouvelles technos préféré, Pando, avait érigé un mur payant. Le consommateur de nouvelles que je suis était furieux, tandis que le journaliste en moi se réjouissait.

Même si la viabilité du modèle basé sur les abonnements reste à démontrer, il constitue selon moi le seul espoir d’assurer la pérennité de médias qui n’ont pas peur de montrer les dents et qui ont les moyens d’investir dans de coûteux reportages.

Lancée par l’ancienne collaboratrice de TechCrunch Sarah Lacy, Pando incarne depuis ses débuts cet idéal. Contrairement à ses concurrents, qui misent beaucoup sur la quantité, Pando publie de longues tartines, le plus souvent accompagnées d’illustrations faites sur mesure, et ne recule pas devant la controverse.

Or, dans un contexte où les tarifs publicitaires sont en baisse, les médias qui font le pari de la gratuité sont condamnés à produire un nombre de pages vues de plus en plus important avec des ressources de plus en plus limitées. Comme c’est une course que les médias ne peuvent pas gagner, un nombre grandissant d’entre eux se tournent vers le marketing de contenus, qui leur permet d’exiger des tarifs plus élevés. 

Un pari prometteur, mais incertain

Dans ce contexte, ce n’est pas étonnant que Pando, qui a toujours défendu farouchement son indépendance éditoriale, ait décidé d’ériger un mur payant. Le pari est loin d’être gagné, car ce n’est bien évidemment qu’une fraction des anciens lecteurs de Pando qui débourseront 10 $ par mois pour continuer à accéder à ses articles. Il suffirait toutefois que 1% de ses deux millions de visiteurs mensuels (20 000 d’entre eux) s’abonnent pour que le site engrange 200 000 $ par mois.

Les exemples de médias numériques ayant prouvé la viabilité de ce concept ne sont toutefois pas nombreux. À l’exception d’une poignée de publications professionnelles, le seul exemple ayant du succès qui me vient en tête est celui de Mediapart, un site français de nouvelles en ligne rentable depuis 2011. Fort de quelque 112 000 abonnés qui payent 9 euros par mois, le site Web a réalisé un bénéfice de 1,5 million d’euros sur un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros en 2014.

Au Québec, le magazine en ligne traitant de thématiques familiales Planète F mise sur ce modèle. Co-fondé en 2013 par les journalistes Mariève Paradis et Sarah Poulin-Chartrand, Planete F vise à recruter 5000 abonnés. À son tarif actuel de 28,74 $, atteindre cet objectif permettrait à Planete F d’engranger quelque 143 700 $ par année. À un tel niveau de revenu, Planete F serait rentable, puisque son seuil de rentabilité est évalué à 125 000 $ par Mariève Paradis.

Pour l’instant, cependant, Planete F a un peu moins de 500 abonnés, mais Mariève Paradis a espoir de rentabiliser sa publication : « Mediapart n’est devenu rentable qu’après trois ans », note la journaliste et entrepreneure. Cette dernière souhaite ainsi commencer à vendre des articles à la pièce et à vendre des livres électroniques pour diversifier ses revenus. « Les marques produisent désormais leur propre contenu et les tarifs publicitaires sont en chute libre, alors, on ne peut pas tout miser sur les revenus publicitaires, lance Mariève Paradis. Le travail des journalistes a une valeur et le lecteur devra payer s’il veut continuer à être informé par des médias qui ne dépendent pas des annonceurs et des articles commandités. »

Si rien ne semble gagné pour Planete F et Pando, la lecture du marché de leurs dirigeantes semble juste. Le problème, c’est qu’en faisant face à de nombreux médias qui donnent leurs contenus à perte sur le Web, ces start-ups pourraient manquer de fonds avant que le marché confirme la justesse de leur modèle.

À propos de ce blogue

DE ZÉRO À UN MILLION est le blogue de Julien Brault, qui a fondé la start-up Hardbacon en juin 2016. L’ancien journaliste de Les Affaires relate ici chaque semaine comment il transforme une idée en entreprise. Dans ce blogue, Julien Brault dévoile notamment chaque semaine ses revenus. Une démarche sans précédent qui est cohérente avec les aspirations de Hardbacon, qui vise à aider les gens à investir intelligemment en faisant voler en éclat le tabou de l’argent. Ce blogue sera ainsi alimenté jusqu’à ce que Hardbacon, qui n’avait aucun revenu lors de la publication du premier billet, génère un million de dollars en revenu annuel.

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