Coopératives : le Desjardins qui cache la forêt

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Octobre 2018

Coopératives : le Desjardins qui cache la forêt

Offert par Les Affaires


Édition du 13 Octobre 2018

[Photo: Coopérathon / Facebook]

« J’ai décidé d’écrire ce livre, parce que je constate une sous-exposition ahurissante du modèle coopératif dans le débat public. » On comprendra que Jean-Pierre Girard, co-auteur du livre Les coopératives, une utopie résiliente paru fin septembre chez Fides, est un fervent partisan de ce modèle entrepreneurial.

Le fait est que, partisan ou pas, les coopératives qui font les manchettes se comptent sur les doigts d’une main. Elles rassemblaient pourtant déjà plus de 8 millions de membres au Québec (particuliers et entreprises) en 2016, rappelle l’auteur. À l’échelle mondiale, une personne sur deux est membre (parfois consommateur) d’une coop.

À la veille de la Semaine de la coopération organisée par le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (du 14 au 20 octobre) et alors que le Coopérathon, une compétition d’innovation ouverte organisée par Desjardins,, bat son plein (du 26 septembre au 1er novembre), le moins que l’on pouvait faire était de porter notre attention sur l’entrepreneuriat collectif. En manchette de ce numéro du journal, Diane Bérard met en lumière de nouveaux entrepreneurs qui nous expliquent pourquoi ils ont choisi ce modèle.

Diane porte son regard au-delà des gros noms. Oui, «Desjardins rassemble 7 personnes sur 10 au Québec et il n’y a aucun autre endroit dans le monde où une entreprise coopérative a une telle pénétration », comme me le rappelait Jean-Pierre Girard. Mais l’empreinte du plus gros employeur du Québec reflète-t-elle les tendances en matière de coopératives.

D’après les statistiques compilées par le MESI, le nombre de coopératives a connu une hausse modeste de 2000 à 2015 (+2,5%) et leur actif, une hausse considérable (+85%). La variation de l’actif est tirée vers le haut par les coops de producteurs (+138,2% de leur actif), mais ce sont les coops de solidarité qui gonflent les rangs, avec une hausse de 91,6% du nombre des constitutions sur la période. Cette forme juridique flexible créée en 1997 est prisée. «Plus d’une nouvelle coop sur deux adopte ce modèle. Il touche de nouveaux secteurs et intéresse des gens qui a priori n’étaient pas dans le mouvement coopératif. Il y a même des microbrasseries qui sont des coops de solidarité », m’a expliqué Jean-Pierre Girard, qui est aussi chargé de cours à l’ESG-UQAM dans le programme court de deuxième cycle en gestion des entreprises sociales et collectives.

L’engouement s’est cependant beaucoup tassé depuis 2015. En coïncidence avec la montée en puissance de l’entrepreneuriat social. Est-ce que les entrepreneurs qui veulent changer le monde préfèrent le faire en solo plutôt que collectivement ? Entrepreneuriat social et entrepreneuriat collectif ont des intentions communes, mais des statuts bien différents. Or, ce qui importe, c’est le statut, m’avait répondu Jean-Martin Aussant à une époque où il était encore à la tête du Chantier de l’économie sociale.

M. Girard est aussi de cet avis : « Souvent, on gomme les différences entre les statuts. Dans mon cours à l’UQAM, je m’applique à dégommer : la propriété collective, le pouvoir réparti de façon égalitaire, le partage des résultats et le caractère inaliénable du patrimoine, c’est ce qui fait une grosse différence sur le plan de la pérennité.» Ce qui nous ramène au titre de son livre, la résilience. Une résilience maintes fois démontrée.

Julie Cailliau
Éditrice adjointe et rédactrice en chef, Groupe Les Affaires
julie.cailliau@tc.tc

À propos de ce blogue

Julie Cailliau est éditrice adjointe et rédactrice en chef du Groupe Les Affaires, dont l’équipe de journalistes chevronnés publie le journal Les Affaires, le site lesaffaires.com et le magazine Les Affaires Plus. Elle est également présidente du conseil d’administration de la Fondation des prix pour les médias canadiens. Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, en France, Julie a pratiqué le métier de journaliste au sein de plusieurs publications françaises et québécoises. Dans une vie précédente, elle a œuvré à titre d’ingénieure en biotechnologies. Son « why », c’est d’apprendre et d’informer afin de nous permettre de faire les bons choix. La prise de conscience de l’urgence environnementale et l’émergence de l’entrepreneuriat social comptent pour elle parmi les tendances les plus réjouissantes actuellement.