Pour une offre rehaussée de logements

Publié le 10/05/2023 à 09:42

Pour une offre rehaussée de logements

Publié le 10/05/2023 à 09:42

Au Québec, le parc locatif comptait près de 1,6 million de logements en 2021. Malgré cela, les taux d’inoccupation baissent à un niveau préoccupant, parce que l’offre ne suit pas la demande. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Un rapport de 135 pages publié mardi pose un regard rigoureux sur le marché locatif qui évite les clichés, autant sur les propriétaires que sur les locataires. L’objectif des propositions formulées est de favoriser une offre de logements de qualité, diversifiée et présente sur tout le territoire du Québec. C’est le rapport le plus complet à ce jour sur la question de l’habitation locative.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) a donné le mandat à Aviseo Conseil, une firme spécialisée en économie et en stratégie, de préparer en toute indépendance une étude exhaustive sur l’état de situation. Ce rapport vise à 1) développer une base de faits relatifs au portrait du locataire québécois, 2) identifier les principaux défis et 3) proposer des pistes de solutions.

Le groupe de travail de Aviséo fut chapeauté par un comité de lecture composée de deux sommités: Claude Chapdelaine, qui a rédigé les fondements de la création de la Régie du Logement en 1980 et qui fut le président du tribunal par la suite, et Mario Polèse, professeur émérite à l’INRS et spécialiste d’économie urbaine et de développement régional.

 

L'abordabilité en meilleure posture au Québec

Se loger au Québec est moins coûteux que dans le reste du Canada et la différence est importante. Les ménages locataires québécois allouent en moyenne 18,1% de leurs revenus bruts à leur logement, contre 22,9% dans le reste du Canada.

On utilise généralement un seuil de 30% du revenu brut pour déterminer l’abordabilité d’un logement. En 2021, 25,2% des ménages locataires allouaient 30% ou plus de leur revenu brut en dépenses liées au logement. C’est une baisse importante. Avec les hausses récentes et futures des loyers, il ne faut pas dormir sur nos lauriers. Cette proportion est sujette à monter selon moi.

Le Québec se distingue aussi du reste du Canada par un niveau de satisfaction des locataires sur leur logement qui atteint même un seuil record de 81%. «Ces données confirment que les locataires occupants des logements sont en général dans une situation favorable, mais que ceux qui sont à la recherche d’un logement sont aux prises avec un manque de choix, ce qui rend l’accessibilité plus difficile», a indiqué Jean-Pierre Lessard, économiste et associé d’Aviseo Conseil.

Pas moins de 52% des ménages locataires sont constitués d’une seule personne, une hausse de six points de pourcentage en 20 ans. Conjugué avec la croissance démographique, cet accroissement a changé le portrait du secteur locatif, faisant chuter la disponibilité.

 

Parc locatif en croissance, mais sous tension

Au Québec, le parc locatif comptait près de 1,6 million de logements en 2021. C’est la RMR de Montréal qui a connu la plus forte croissance au cours des dix dernières années, en hausse de 35%.

Malgré tout, les taux d’inoccupation baissent à un niveau préoccupant, parce que l’offre ne suit pas la demande, encore davantage hors de la métropole. Aviseo estime qu’il manquait 16 300 logements locatifs afin de retrouver un taux d’inoccupation d’équilibre de 3% dans le marché québécois en 2021.

«Le marché locatif en habitation est sous pression et l’offre actuelle ne correspond pas à la demande sur le terrain. Le tout dans une conjoncture difficile avec un manque de main-d’œuvre et des taux d’intérêt élevés. Nous allons connaître une période encore plus tendue si nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande sur le marché immobilier et de prendre soin des logements existants», a expliqué Jean-Pierre Lessard.

L’étude estime qu’il faudra ajouter près de 130 000 logements durant la décennie d’ici 2031.

 

Réglementation à revoir

Afin de s’assurer que le Québec se dote d’un parc de logements diversifié, de qualité et présent sur tout son territoire, l’étude souligne qu’il faut revoir le mécanisme de négociation lors du renouvellement d’un bail locatif. La méthode actuelle n’encourage pas la rénovation et l’entretien du parc, ce qui conduit à des situations où tous sont perdants: le locataire, le propriétaire, mais aussi la municipalité pour ses revenus fonciers.

«La formule mise de l’avant par le Tribunal administratif du logement est difficilement réconciliable avec l’objectif de la rénovation du parc existant et de la détention à long terme des logements», a rappelé Jean-Pierre Lessard.

La réglementation municipale est un enjeu qui a des effets majeurs sur la construction. L’étude met en lumière des coûts réglementaires importants. Les immeubles d’appartements locatifs font face à des coûts cinq fois plus élevés en comparaison aux résidences unifamiliales. De plus, Aviseo considère que le zonage de certaines municipalités québécoises restreint l’implantation et le développement d’habitations locatives.

Aviseo souligne aussi que plusieurs politiques municipales, dont les obligations de stationnement, affectent le portefeuille des locataires avec des coûts qui représentent jusqu’à 13% du loyer. Enfin, le rapport invite à une réflexion sur la fiscalité municipale afin de notamment éviter de pénaliser le secteur locatif et les objectifs en matière de densité.

«Le milieu municipal est un partenaire de choix pour les propriétaires locatifs et les constructeurs. Malheureusement, il arrive que des réglementations et la fiscalité constituent des désincitatifs importants à la construction locative», indique Jean-Pierre Lessard.

 

Des solutions pour résorber la crise

Le diagnostic et les analyses objectives de ce rapport ont permis d’identifier une série d’enjeux prioritaires affectant le bon fonctionnement des marchés locatifs en habitation: 

●     Neuf propositions sont sur la table afin d’inciter les propriétaires à gérer leurs immeubles de manière à maintenir et à en améliorer la qualité;

●     Onze recommandations veilleront à augmenter l’offre de logements par des assouplissements multiples notamment dans l’industrie de la construction et la réglementation municipale;

●     Quatre mesures visent à ne laisser personne de côté et invitent les gouvernements à soutenir spécifiquement les clientèles plus vulnérables.

Pour prendre connaissance de ces solutions, je vous invite à consulter le rapport d’Aviseo.

«Si certains ménages sont vulnérables, la situation globale des locataires québécois est avantageuse et la forte majorité des locataires est en bonne posture. Cette situation est cependant menacée par un déséquilibre en défaveur de l’offre, d’où l’importance qu’il y ait une convergence de solutions pour s’attaquer aux tensions actuelles», résume Jean-Pierre Lessard.

Pour la CORPIQ, les recommandations sont utiles à la réflexion et vont mettre la table à un dialogue de tous les partenaires en habitation. «La conjoncture est une invitation à agir et notre association prend acte des recommandations pour en assurer un suivi auprès des décideurs. Ce document est maintenant une référence», a conclu Marc-André Plante, porte-parole de la CORPIQ.

Il n’y a pas encore de consensus sur les solutions. Mais la qualité de l’analyse du marché locatif fera que ce rapport restera une source de référence.

 

Je vous invite à consulter mes articles précédents.

 


À propos de ce blogue

Étudier, expliquer et proposer. Passionné d'immobilier, fier montréalais, actuaire de formation et courtier immobilier chez KW Urbain, Jean Sasseville vous aide à prendre des décisions plus judicieuses en utilisant des faits. Il n'est pas facile de naviguer dans le marché immobilier et le futur est par définition incertain. Il partage avec vous son interprétation du marché immobilier et des tendances.

Jean Sasseville

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