Urgence climatique: les voeux pieux ne suffiront pas


Édition du 05 Octobre 2019

Urgence climatique: les voeux pieux ne suffiront pas


Édition du 05 Octobre 2019

CHRONIQUE. «Comment osez-vous ?», a lancé, exaspérée, la jeune Greta Thunberg, 16 ans, du haut de la tribune que lui avait donnée l'ONU lors du Sommet Action Climat, tenu la veille de son assemblée générale annuelle.

Elle aurait pu ajouter : comment osez-vous vous gargariser de belles paroles et de promesses, ne pas écouter les scientifiques qui nous disent que les calottes glaciaires fondent, que des vagues de chaleur tuent la faune aquatique, que de plus en plus de tornades et d'inondations tuent et détruisent, que la température se réchauffe sans cesse et que nous polluons à qui mieux mieux? «Si vous nous laissez tomber, nous ne vous pardonnerons jamais», a-t-elle dit sur un ton qui ne cachait pas son irritation.

La jeune Thunberg, qui a commencé sa croisade seule en faisant la grève scolaire et en manifestant devant le Parlement suédois, est maintenant une source d'inspiration de premier plan pour des millions de jeunes et de moins jeunes qui descendent dans les rues pour faire valoir l'urgence climatique.

Comme le répètent plusieurs rapports d'experts, la planète que nous léguons graduellement à nos enfants, à nos petits-enfants et aux enfants de nos petits-enfants est de plus en plus mal en point. Comment osons-nous saccager autant cette Terre, qui nous a été prêtée et que nous devons laisser aux prochaines générations ?

Les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) contenues dans l'Accord de Paris, que 195 pays ont signé ou promis de signer, paraissent aujourd'hui de plus en plus irréalistes. Malgré les beaux engagements pris dans l'enthousiasme du moment, toutes sortes de circonstances (enjeux économiques, politiques ou purement électoraux) font en sorte qu'on ne prend pas de mesures significatives pour réduire les GES.

Certes, chaque petit geste vaut la peine d'être posé, mais ce ne sera pas suffisant par rapport au développement de nouveaux projets énergétiques (chez nous, les sables bitumineux, les oléoducs, les gazoducs, etc.), et par rapport aussi à l'irresponsabilité de certains dirigeants, comme Jair Bolsonaro, qui fait brûler l'Amazonie pour élever plus de bétail, et Donald Trump, qui affaiblit systématiquement l'écosystème environnemental du pays le plus puissant de la planète.

Alors qu'il a retiré son pays de l'Accord de Paris, qu'il veut rouvrir des mines de charbon, qu'il allège les normes environnementales pour la protection des cours d'eau et dans les secteurs de l'agriculture et de l'énergie et qu'il parle de démembrer l'Agence pour la protection de l'environnement, le président américain veut maintenant empêcher la Californie (13 États copient sa réglementation sur les émissions des voitures) d'adopter des mesures antipollution plus sévères que celles qu'il propose, mesures pourtant convenues avec Ford, BMW, Volkswagen et Honda. En réalité, Trump n'a qu'un but : se faire réélire, quelles qu'en soient les conséquences sur l'environnement et pour les personnes qui ne font pas partie de sa base électorale.

La protection de l'environnement et l'urgence climatique ne sont pas des préoccupations qui mobilisent autant que la satisfaction des besoins de base, l'argent, le travail, le confort.

C'est normal. On le voit dans les résultats d'un récent sondage de Léger sur les attentes des électeurs du pays. Alors que l'économie et les taxes constituent la première préoccupation respective de 43 % des Canadiens et de 36 % des Québécois, l'environnement ne compte que pour 16 % et 22 % dans l'échelle de leurs priorités. Cela explique pourquoi les partis politiques promettent autant de baisses d'impôt et d'autres avantages fiscaux pour séduire l'électorat.

Certes, on propose aussi certaines mesures sur le plan environnemental, mais on fait davantage dans les voeux pieux, tels que la promesse du Parti libéral d'avoir une économie carboneutre en 2050, une impossibilité selon certains experts, et le plan climatique du Parti conservateur, qui propose plusieurs mesures incitatives pour amener les entreprises à développer des technologies vertes et pour intéresser les consommateurs à mieux isoler leur résidence.

Pour plaire aux électeurs qui ne se préoccupent pas des changements climatiques, le chef conservateur, Andrew Scheer, va jusqu'à dénoncer la taxe carbone du Parti libéral, dont le produit est à 90 % retourné aux citoyens. Pourtant, selon le FMI, la taxe carbone est une des mesures les plus efficaces pour contrer les émissions de gaz polluants.

Cette taxe, qui est de 20 $ la tonne, doit augmenter de 10 $ par année jusqu'à 50 $ en 2022, alors qu'elle représenterait environ 0,10 $ du litre d'essence. Or, selon le Directeur parlementaire du budget, cette taxe, qui vise le transport - lequel compte pour environ 25 % des GES produits au pays - devrait monter à 102 $ la tonne (0,23 $ le litre) pour permettre au Canada de respecter la cible qu'il s'est donnée dans le cadre de l'Accord de Paris : réduire de 30 % ses GES en 2030, soit au même niveau qu'en 2005.

Ce défi est immense, certes, mais c'est le prix à payer si l'on veut être sérieux dans la lutte aux changements climatiques.

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J'aime

Le gouvernement du Québec et les organismes représentant les municipalités ont conclu un pacte fiscal de 1,2 milliard de dollars sur cinq ans. Cette entente accroîtra leur autonomie financière quant à l'impôt foncier. Les municipalités recevront annuellement un montant égal à la croissance de un point de la taxe de vente, ce qui représentera un total de 660 millions de dollars. S'ajoutent à cette somme une dotation spéciale de 70 M$, une aide de 200 M$ pour la voirie, et des améliorations à différents programmes (partage de redevances sur les ressources naturelles, péréquation municipale, etc.). Elles bénéficieront aussi d'une enveloppe de 1,3 G$ qui sera versée à un fonds de développement local et régional.

Je n'aime pas

Selon l'Institut du Québec, personne ne sait combien il manque d'enseignants au Québec. Comment peut-on évaluer les besoins du milieu si l'on n'est pas capable de faire une planification des ressources ?

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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