La philanthropie en arrache: il faut exiger plus des fondations privées

Offert par Les Affaires


Édition du 12 Mai 2021

La philanthropie en arrache: il faut exiger plus des fondations privées

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Édition du 12 Mai 2021

(Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Alors que la pandémie fait la vie dure aux organismes de bienfaisance, les fondations privées bénéficient d’une forte croissance de leur actif. Consciente de cette situation, la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, envisage de porter de 3,5% à 5% en 2022 la part minimale de leur actif que les fondations devraient consacrer à la philanthropie.

La ministre répond ainsi aux attentes de plusieurs intervenants qui plaident pour ce minimum de 5 %, taux en vigueur aux États-Unis. Des consultations auront lieu à cet effet. Porter ce seuil à 5 % débloquerait 1,3 G$de contributions par les fondations privées.

Au moment où les besoins grandissent, la philanthropie en arrache. Selon Fondations communautaires du Canada, l’actif global des fondations canadiennes aurait doublé en six ans, pour atteindre 85 milliards de dollars (G$), alors qu’elles redistribuent une plus faible proportion de leurs actifs. Pour sa part, l’Institut Fraser a constaté que la proportion des contribuables canadiens qui déclarent des dons de bienfaisance est passée de 24 % en 2008 à 19 % en 2018 et que la part de leurs dons est alors passée de 0,62 % à 0,54 % de leur revenu.istinctions essentielles Différents types Il existe trois grandes catégories de fondations. Il y a d’abord les fondations communautaires qui, normalement, redistribuent généreusement et rapidement leurs collectes de fonds aux bénéficiaires des causes qu’elles soutiennent.

Pour leur part, les fondations publiques financent des besoins (équipements, bourses, programmes) pour les établissements auxquels elles sont affiliées. C’est le cas des fondations universitaires et hospitalières. Elles n’ont pas de difficulté à dépenser les fonds qu’elles recueillent.

Il en va autrement des fondations privées. Créées généralement par des familles qui ont fait fortune, ces fondations permettent de placer une partie de leur richesse à l’abri de l’impôt tout en finançant des causes sociales (santé, éducation, lutte à la pauvreté, etc.) qu’elles déterminent elles-mêmes.

Au Québec, la Fondation Lucie et André Chagnon, la plus importante de la province, gère un actif supérieur à 2 G$provenant de la vente de Vidéotron. Au Canada, la Fondation Mastercard est la plus imposante, avec un actif de 42,5 G$US. Créée à la suite d’un don d’actions, elle se consacre surtout à l’éducation en Afrique. Une hausse de 3,5 % à 5% du seuil de contribution entraînerait pour elles des déboursés additionnels respectifs de 30 millions de dollars (M $) et de 600 M $US.

 

Seuil non respecté

À l’instar de la Fondation Chagnon, la Fondation Mastercard ne respecte pas toujours, sur une base annuelle, le seuil réglementaire de 3,5 %. Mais puisqu’elles prennent des engagements à long terme, il se peut qu’elles y arrivent sur une période plus longue. Selon The Charity Report, 28 fondations privées possédant un actif global de 28 G$(moyenne de 1 G$) à la fin de 2018 ne respectaient pas ce seuil de 3,5 %. Par contre, 65 fondations détenant alors un actif global de 2,2 G$(moyenne de 34,5 M$) ont déboursé cette même année entre 10 % et 25% de leur actif. On voit que les petites redistribuent davantage que les grandes.

Il est justifié que l’État en demande plus aux grandes fondations privées, qui bénéficient d’importants privilèges fiscaux payés par les contribuables. Celles-ci aiment gérer leurs propres programmes, mais l’État pourrait aussi exiger que ceux-ci soient mieux alignés avec des priorités nationales.

Pour la même raison, il est légitime que l’État leur impose des obligations et exige une reddition de comptes rigoureuse. Les fondations déposent annuellement un rapport à l’Agence du revenu du Canada, mais les renseignements accessibles au public sont très succincts pour savoir si celles-ci accomplissent leur mission adéquatement et si elles sont bien gérées. Une meilleure transparence serait la bienvenue.

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J’aime

Ottawa pourra acquérir jusqu’à 9 % du capital-actions d’Air Canada et jusqu’à 20 % de celui de Transat A.T.dans le cadre des plans de sauvetage respectifs de 6 G$et de 700 M$accordés aux deux transporteurs. La reprise de l’industrie permettra ainsi aux contribuables de profiter de la plus-value des actions acquises. Ottawa a imposé des restrictions quant à la rémunération des hauts dirigeants, aux versements de dividendes et aux rachats d’actions. On ne pouvait se fier aux administrateurs pour agir avec modération à cet égard relativement au fric obtenu de l’État.

Je n’aime pas

Ottawa, Québec et Montréal verseront 51 M$en 2030 et 2031 pour la tenue de la F1 à Montréal. Ottawa et Québec dépenseront aussi 5,5 M$pour sa promotion. Une fois l’entente conclue avec Formula One et le promoteur local Octane, le Grand Prix de Montréal a été immédiatement vendu à Bell, une transaction tenue secrète jusque-là. Mais ce n’est pas le seul accroc à la transparence dans cette aventure. On ne sait rien non plus des retombées économiques véritables de cet événement ni de la reddition de comptes qui devrait être faite à cause de son coût énorme pour les contribuables. Pas sûr que ce soit une bonne affaire, le Grand Prix ! Il est légitime que l’État exige une reddition de comptes rigoureuse.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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