L'éthique est une affaire de valeurs, pas une affaire de règles


Édition du 16 Septembre 2017

L'éthique est une affaire de valeurs, pas une affaire de règles


Édition du 16 Septembre 2017

Dans son témoignage en cour criminelle la semaine dernière, l'ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, a justifié les pots-de-vin qu'il recevait de Paolo Catania en disant qu'il n'y avait pas de code d'éthique à la Ville de Montréal.

Puisque cette pratique n'était pas formellement interdite, il lui était permis de recevoir des bouteilles de vin et des billets de spectacle et de se faire payer des billets d'avion pour des voyages à l'étranger. Autrement dit, comme il n'y avait pas de règles, il n'y avait pas de problèmes. De toute façon, c'était la culture de l'époque, a-t-il ajouté, en précisant que ces cadeaux n'influençaient pas ses décisions, qu'il conservait son indépendance. Pas surprenant que cette culture ait été répandue à d'autres échelons de l'Hôtel de Ville. Si le boss le fait...

Commençons par clarifier une chose. L'expression «code d'éthique» est galvaudée. Alors que le mot «code» renvoie à une forme de codification et à des règles, le terme «éthique» est plutôt une affaire de valeurs. Devrait-on dire «code de valeurs» ? Coder des valeurs ? Non.

Une organisation doit plutôt avoir un recueil de valeurs ET des règles déontologiques. Le recueil précise les valeurs de l'organisation, telles que l'intégrité, le respect, la rigueur, la transparence, etc., alors que les règles déontologiques indiquent ce qui est permis et ce qui est interdit dans les comportements avec les collègues, les fournisseurs, les clients, les concurrents, les actionnaires, les pouvoirs publics et la communauté au sens large.

Même si M. Zampino a géré la Ville de Montréal en l'absence de règles de conduite, il aurait dû se préoccuper d'éthique dans le vrai sens du terme, c'est-à-dire ne pas s'exposer aux pressions de fournisseurs, de firmes d'ingénieurs, d'entrepreneurs qui couraient après des contrats de la Ville, dont il était le principal gestionnaire. L'éthique était une notion bien vague dans la tête de celui qu'on appelait «l'homme le plus puissant de Montréal» en raison des milliards de dollars de contrats qu'il pouvait accorder. Malheureusement, la commission Charbonneau, certains procès et des sanctions de l'Ordre des ingénieurs ont bien montré que l'éthique était une notion abstraite pour un grand nombre de gestionnaires et d'ingénieurs dans notre grande industrie de la construction.

Une affaire de culture d'entreprise

Reste à voir si cette culture de corruption dans l'attribution de contrats sera réellement remplacée par des comportements marqués par l'intégrité, l'honnêteté, le respect, la rigueur et la transparence.

Grâce aux médias qui surveillent et enquêtent, aux activistes sur les médias sociaux et à la population en général, qui ne pardonne plus comme avant, les gestionnaires ne peuvent plus prendre le risque d'agir malhonnêtement en espérant qu'ils ne se feront pas prendre... même si c'est bien emmerdant de respecter l'éthique, de suivre des règles et d'agir dans la transparence. Certes, ils se sont dotés d'un code de conduite, mais se sont-ils assurés que les valeurs et les règles qui y figurent sont partagées et respectées à tous les échelons de leurs organisations ?

Pas pris, pas coupable

Dans le domaine politique, les retraits pathétiques des candidats libéral et caquiste dans l'élection complémentaire à venir dans la circonscription de Louis-Hébert, à Québec illustrent un autre manquement à l'éthique.

Il ne s'agit pas ici de cas de corruption, mais de manque de transparence envers leur parti. Comme les enquêtes portent essentiellement sur la probité (condamnations, démêlés avec la justice, faillite, contraventions impayées), les deux candidats ont cru qu'ils n'avaient pas à déclarer les plaintes de harcèlement dont ils avaient fait l'objet. C'était prendre trop de liberté avec la notion d'équité, un aveuglement que les chefs de leurs partis ne pouvaient imiter.

Le leadership moral, ce n'est pas un choix. C'est plus qu'une obligation, c'est une condition de réussite, en politique comme en affaires. Les malversations de certains dirigeants de firmes de génie-conseil et de grands donneurs d'ordres ont sali la réputation de leurs organisations, miné la confiance envers elles et menacé leur survie.

L'éthique n'est pas une notion élastique et n'est pas seulement l'affaire d'un comité ad hoc ou d'un commissaire chargé d'interpréter les règles d'un quelconque code de conduite. Elle doit plutôt être au premier plan de la culture de toute organisation, entreprise privée, agence publique et organisme à but non lucratif, indépendamment de la taille.

Inspirée par le fondateur (s'il est encore en place) ou par le chef de la direction, l'éthique doit être partagée dans toute l'organisation, du haut jusqu'en bas, sans oublier les membres du conseil d'administration, qui doivent se voir comme des gardiens des valeurs. Il se peut qu'elle ne soit pas une condition absolue du succès à court terme de l'organisation, mais elle en est certainement une pour sa réussite à long terme et sa survie.

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À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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