Freeland, planche de salut du gouvernement Trudeau


Édition du 09 Septembre 2020

Freeland, planche de salut du gouvernement Trudeau


Édition du 09 Septembre 2020

(Photo: Robbie Palmer pour Unsplash)

CHRONIQUE. Arrivé au pouvoir dans la gloire en 2015, Justin Trudeau navigue maintenant sur une mer agitée.

Sur le plan extérieur, le premier ministre doit endurer un président américain ignare, hargneux et méprisant et affronter une pandémie qui menace la santé des citoyens, l'économie et les finances de l'État.

Sur le plan intérieur, le chef libéral a vécu des crises politiques, perdu des ministres et s'est permis des manquements éthiques. La dernière élection a fait perdre à son parti sa majorité parlementaire, et le pays s'enfonce dans une grave récession et les finances publiques sont en crise.

Sa dernière bouée de sauvetage est Chrystia Freeland, qui succède aux Finances à Bill Morneau, qui s'était empêtré dans l'affaire UNIS (WE Charity), dont ont aussi profité l'épouse, la mère et le frère du premier ministre.

Freeland hérite d'un déficit de l'ordre 400 milliards de dollars (G$) puisque 40 G$ de nouvelles dépenses se sont ajoutés depuis l'estimation de 343 G $ à la fin de juillet. L'agence Fitch a réduit d'un rang sa notation de crédit pour les obligations du Canada. Ottawa emprunte à 1 %, mais ce n'est pas une raison pour dépenser de façon irresponsable. Ce sont des intérêts politiques qui coûtent cher. En six mois, la dette fédérale a doublé, atteignant 1 200 G$.

Ayant été ministre du Commerce international et des Affaires étrangères, Freeland a gagné le respect des grands dirigeants de la planète. Diplômée de Harvard et d'Oxford et ex-journaliste au Financial Times et à The Economist, elle a renégocié avec succès l'ALENA.

Parlant cinq langues, elle a travaillé à Londres, Kiev, Moscou et New York. Elle a écrit trois ouvrages, dont Plutocrats, sur les nouveaux super riches et les inégalités de revenus. C'est après avoir parcouru ce livre que Trudeau l'a invitée à se présenter à une élection complémentaire en 2013, après la démission de Bob Rae.

Social-démocratie

Appelée à parler du discours du Trône à venir, Chrystia Freeland a dit voir des «perspectives fabuleuses» pour le pays et espérer une société «plus verte, plus équitable et plus inclusive». Malgré l'explosion de la dette publique, le gouvernement veut faire rêver les Canadiens sur le plan du développement durable et de la réduction des inégalités, ce qui est en ligne avec les trois programmes lancés à la fin d'août, soit : 1. une prestation assurant un revenu minimum de 400 $ par semaine, qui semble être une amorce de revenu minimum garanti ; 2. une compensation pour les jours de maladie ; et 3. une prestation pour les proches aidants.

On réfléchit aussi à un programme de garderies, une idée chère au Nouveau Parti démocratique (NPD). En faisant sien cet engagement, le gouvernement libéral éviterait d'être renversé par un vote de confiance sur le discours du Trône, qui est attendu le 23 septembre.

La pandémie a totalement changé la perspective des élus sur la gestion des finances publiques. En 2015, Thomas Mulcair, alors chef du NPD, un parti social-démocrate, avait imité le conservateur Stephen Harper et fait sien le principe de l'équilibre budgétaire. Justin Trudeau l'avait doublé sur la gauche. Cinq ans plus tard, on imprime de l'argent pour financer des programmes parfois mal conçus, mal gérés et électoralistes, comme les chèques de 300 $ envoyés aux retraités, la prestation de 1 250 $ à 2 000 $ par mois offerte aux étudiants et les bourses de bénévolat pour les étudiants, un programme de 900 M$ que devait gérer le Mouvement UNIS (WE Charity). Les 2 G$ récemment promis pour les écoles n'avaient été demandés par personne.

Pendant ce temps, le gouvernement néglige des questions fondamentales, comme l'innovation, la productivité, la réforme de la taxation des multinationales du Web et la saine gestion des finances publiques.

Voilà un court portrait des défis auxquels devra s'attaquer Chrystia Freeland. Le succès ou l'échec qu'elle connaîtra par rapport à eux pourrait régler le sort de son gouvernement et déterminera son propre avenir politique.

***

J’aime

Le Réseau mondial de renseignement de santé publique, qui était inactif depuis mai 2019, a été réactivé. Basé à Ottawa, ce réseau a été créé il y a 20 ans par le gouvernement canadien et l’Organisation mondiale de la santé pour détecter, identifier, prévenir et atténuer les épidémies, les maladies infectieuses et autres menaces pour la santé humaine. Aux États-Unis, le président Trump a fait démanteler un service analogue mis en place par Obama après l’éclosion de l’Ebola en 2014. La COVID- 19 vient de démontrer la grande utilité de ces dispositifs.

Je n’aime pas

La cimenterie McInnis, de Port-Daniel–Gascons, dans laquelle le gouvernement du Québec et la Caisse de dépôt ont investi environ 900 millions de dollars (M$) en capital-actions et en prêts, revient nous hanter. Pour bloquer sa vente à Votorantim du Brésil, Béton Provincial, de Matane, demande un prêt de 150 M $ du gouvernement pour l’acquérir. François Legault ne veut pas que le Québec investisse « la majeure partie » dans son rachat, ce qui veut dire qu’il pourrait participer. Bilan : cette cimenterie, qui a coûté 1,6 G $, sera vendue avec une lourde perte pour les contribuables. Tout cela pour moins de 200 emplois, avec, en prime, la plus grande production de GES pour une usine au Québec.

À propos de ce blogue

Tour à tour rédacteur en chef et éditeur du journal Les Affaires pendant quelque 25 ans, Jean-Paul Gagné en est l’éditeur émérite depuis 2007. En plus de publier un commentaire hebdomadaire dans le journal et de tenir un blogue dans LesAffaires.com, il participe à l’organisation d’événements et représente le journal dans les milieux d’affaires. Il est aussi appelé à commenter l’actualité dans d’autres médias et à prononcer des conférences. Jean-Paul Gagné a consacré sa vie professionnelle au journalisme économique. Avant son entrée aux journal Les Affaires, qu’il a contribué à relancer pour en faire la principale publication économique du Québec, il a passé une douzaine d’années au quotidien Le Soleil, où il était journaliste économique et cadre à la rédaction. Jean-Paul Gagné est diplômé en économie et en administration. Il a reçu de nombreuses marques de reconnaissance, dont les prix Hermès et Gloire de l’Escolle de l’Université Laval, le prix Carrière en journalisme économique de la Caisse de dépôt et placement et Merrill Lynch et le Prix du livre d’affaires remis par Coop HEC Montréal et PricewaterhouseCoopers. Il siège au conseil d’administration d’organismes sans but lucratif.

Jean-Paul Gagné

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