Peut-on avoir des pelouses vertes et une planète en santé?

Publié le 08/07/2019 à 07:00

Peut-on avoir des pelouses vertes et une planète en santé?

Publié le 08/07/2019 à 07:00

(Phoo: Unsplash)

Le gazon a mauvaise presse pour toutes sortes de bonnes raisons. Il exige beaucoup d’entretien, il nuit à la biodiversité, on y épand des engrais, on l’arrose d’herbicides qui sont mauvais pour la santé et se retrouvent dans les cours d’eau, on brûle de l’énergie pour le tondre.

L’entretien des gazons fait partie de ces activités qu’on a de la difficulté à imaginer se faire de façon responsable d’un point de vue environnemental. Le groupe Experts Nutrite a donc fait preuve d’audace en choisissant de se questionner sur l’impact de ses activités commerciales en lien avec l’émission de gaz à effet de serre (GES).

Ce groupe se spécialise dans l’entretien des gazons. Ses experts fonctionnent sur la base d’un modèle de franchises où chaque franchisé dispose d’un territoire. Les services offerts sont variés: ensemencement, engrais, entretien, contrôle des parasites et mauvaises herbes, analyse des sols et contrôle de l’acidité.

Nutrite ne nie pas les impacts environnementaux associés aux gazons. L’entreprise cherche toutefois à les atténuer le plus possible. Ses experts ont identifié certains produits et façons de faire qui comportent des bénéfices environnementaux et les proposent à leurs clients et, doucement, ils modifient eux-mêmes leurs pratiques. Voici la stratégie adoptée par cette entreprise pour réduire ses impacts environnementaux. Je vous la présente, car elle peut être adaptée à plusieurs secteurs d’activités.

Première étape: l’inventaire de GES

L’organisation a réalisé un inventaire de leurs émissions de GES, pour mieux identifier les impacts de leurs pratiques courantes. En collaboration avec une entreprise spécialisée, chacun des franchisés a été invité à compléter une grille d’analyse en lien avec sa consommation d’énergie fossile. Cet inventaire ciblait l’utilisation des véhicules de services, les petits équipements motorisés et les surfaces chauffées et ou climatisées de leurs entrepôts et immeubles administratifs. Suite à cette analyse, le nombre de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre associées aux activités a été calculé: les 20 franchisés émettaient ensemble environ 271 tonnes de GES/an.

Deuxième étape: choisir d’être carboneutre

Une fois l’enjeu identifié, il fallait prendre la décision de le gérer ou non. Le groupe a choisi d’adopter une démarche qui le conduirait vers la carboneutralité.

La carboneutralité implique dans un premier temps d’œuvrer à réduire le plus possible ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Puis, dans un deuxième temps, de compenser ce qui reste de ses émissions de GES.

Troisième étape: identifier des projets de réduction de GES

Des comités se sont formés chez les franchisés afin de revoir leurs processus, optimiser leurs déplacements et initier des projets de réduction de la consommation d’énergies fossiles.

Le dirigeant, Luc Grégoire, veut aller plus loin, en faisant en sorte que les franchisés réduisent davantage leurs émissions à la source. Une avenue identifiée: les ensemenceuses. Ces petites machines finissent par consommer pas mal de carburant. L’idée est née de les électrifier. Avis aux inventeurs qui auraient quelque chose à proposer.

Quatrième étape: compenser les émissions de GES qui restent

Malgré tous les efforts de réduction des GES à la source, on ne peut pas éliminer complètement nos émissions. Celles qui demeurent peuvent être compensées par d’autres projets qui réduisent les émissions ou séquestrent le carbone. Cherchant à faire le lien avec son secteur d’activités, Nutrite a choisi de traiter avec Arbre-Évolution qui plante des arbres avec l’apport de la communauté.

Chacun des franchisés s’est engagé à débourser les sommes nécessaires pour initier des projets de plantations d’arbres, afin de compenser les émissions de GES. En 2019, plus de 1200 arbres seront plantés en collaboration avec l’entreprise Arbre-Évolution.

Cinquième étape: en faire un peu plus

En plus de cet engagement, tous les employés ont accepté de ne plus utiliser de bouteilles en plastique dans leurs véhicules. Des contenants thermos réutilisables seront désormais utilisés.

Sixième étape: mettre en valeur les bons coups

Les franchisés sont fiers de faire leur part pour la planète. Ça comporte toutefois certains coûts et l’initiative doit rapporter concrètement pour être durable. Dans cette optique, le groupe a créé un logo «Carboneutre», pour mettre en valeur tous les efforts déployés, et ainsi se distinguer des concurrents qui n’ont pas adopté de tels changements.

Les Experts Nutrite sont désormais le 3ème groupe en importance au Québec dans leur secteur d’activités. Pour en arriver là, il fallait une vision basée sur la volonté de participer au bien commun, du leadership et beaucoup de pragmatisme pour que les avenues proposées soient endossées par les franchisés et déployées.

L’intérêt du cas Nutrite réside dans le fait que leur secteur d’activités, peu favorable à l’environnement, ne les a pas empêché d’adopter une démarche susceptible de faire une différence. L’organisation est ouverte à agir différemment. Une démarche similaire - basée dans un premier temps sur un inventaire de la situation et ensuite sur la mise en œuvre de projets réduisant les impacts à la source avant de passer à la compensation de ce qui ne peut être éviter - peut être adoptée dans tous les secteurs d’activités, que ce soit dans le secteur des activités primaires ou dans le secteur des services.

Le réseau Experts Nutrite sera peut-être accusé de faire du «green washing», soit présenter comme verte une activité qui ne l’est pas. D’autres diront que comme cette entreprise émet peu de GES, leurs efforts ne feront pas une réelle différence sur les 30 millions de tonnes que le Québec s’est donné comme objectif d’éliminer d’ici 2030. On peut toujours trouver à redire. Il n’en demeure pas moins que la démarche que cette PME a adopté assure des résultats concrets à la mesure de l’entreprise et de son secteur d’activités.

À propos de ce blogue

Jean Nolet est PDG de la Coop Carbone, une coopérative de solidarité qui contribue à la lutte aux changements climatiques en appuyant la mise en œuvre de projets collaboratifs. Chaque mois, la chronique «Climat positif» présentera des initiatives déployées par des entreprises, québécoises et étrangères, pour réduire l’empreinte carbone issue de leurs activités directes et indirectes. Ces initiatives seront choisies pour leur caractère reproductible.

Jean Nolet