Des patates sous l’église

Offert par Les Affaires


Édition du 15 Décembre 2021

Des patates sous l’église

Offert par Les Affaires


Édition du 15 Décembre 2021

Saint-Camille est situé entre Sherbrooke et Thetford Mines. (Photo: courtoisie)

CHRONIQUE. Une cinquantaine de citoyens sont réunis dans la petite église de Saint-Camille, charmant village situé entre Sherbrooke et Thetford Mines. Est-ce que les citoyens de Saint-Camille sont particulièrement pratiquants et célèbrent en masse la grand-messe du dimanche? Pas du tout: l’église a été désacralisée en 2019 et sert maintenant d’espace communautaire.

Mais qu’est-ce qui s’y passe donc, alors? Rien de moins qu’une réflexion citoyenne pour bâtir une «communauté nourricière». Il s’agit d’un concept assez simple — tout simplement nourrir son monde en créant des maillages entre producteurs et commerçants et, donc, ultimement, avec les consommateurs, tous ces gens étant citoyens de la municipalité, comme de raison.

Pourquoi est-ce intéressant? Rien de très original, direz-vous: consommation locale, solidarité citoyenne et tout ça. Mais il y a plus que ça, parce que Saint-Camille est un petit village d’à peine 550 habitants. Elle bénéficie de deux caractéristiques plutôt uniques au Québec. D’une part, sa population est en croissance, ce qui est rarissime dans nos régions rurales. D’autre part, son maire, Philippe Pagé, est l’un des plus jeunes du Québec et, je dirais, l’un des plus dynamiques. Il fait partie de cette génération montante qui prend les rênes de nos municipalités depuis quelques années. Je ne vous cacherai pas, par ailleurs, mon admiration pour son engagement.

Lors de ces consultations, toutes les idées ont été mises sur la table. La municipalité a agi comme facilitatrice, appuyée notamment par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ). L’idée était que les citoyennes et les citoyens ainsi que les entreprises du village s’approprient le projet visant une plus grande autonomie alimentaire et des maillages forts.

Comment l’épicerie Sonia peut-elle offrir davantage de produits locaux aux consommateurs, favorisant ainsi le développement économique local ? Ces réflexions ne s’arrêtent pas aux aspects purement marchands. Une des idées qui a émergé est la mise en place d’un caveau communautaire sous l’église, afin que tous les citoyens puissent y entreposer pour l’hiver patates, carottes et autres betteraves qu’ils auront cultivées dans leur potager. Un édifice dédié jadis aux rencontres spirituelles devenu maintenant non seulement un centre multifonction, mais aussi le dépositaire du fruit de l’alimentation des citoyens. Absolument inédit et audacieux.

Lorsque j’ai interviewé Philippe Pagé pour écrire cette chronique, il m’a répété à plusieurs reprises à quel point il était important d’établir un plan de match afin que cette initiative soit pérenne. En effet, voilà de défi d’une petite collectivité — l’enthousiasme est grand au départ, mais il peut s’étioler avec le temps, faute de temps ou d’énergie. C’est à l’image de ce caveau. C’est bien beau de faire pousser des carottes et des patates dans son potager, encore faut-il en prendre soin pour que ces légumes nous nourrissent tout l’hiver.

Une cinquantaine de citoyens d’une municipalité de 550 habitants, bébés compris, se sont réunis pour essayer de bâtir cette continuité. Ça n’est pas rien, environ 10 %. Toute proportion gardée, c’est comme si 178 000 de citoyens de Montréal se réunissaient pour créer une solution audacieuse pour conserver leurs patates tout l’hiver.

Je crois profondément aux mouvements citoyens, mais aussi aux élues et aux élus de proximité qui les facilitent et favorisent notre vie économique commune.

 

À propos de ce blogue

Le monde et les temps changent. Rapidement. Le monde industriel se transforme à grande vitesse. Les régions se réinventent. Notre rapport au temps et à l’espace se bouscule très rapidement. Pour le comprendre, il faut souvent un pas de recul. C’est ce que propose cette chronique : ancrée dans l’actualité tout en portant un regard vers l’histoire qui n’est rien d’autre que notre futur. Depuis plus de 25 ans, l’économiste indépendant Ianik Marcil analyse les transformations industrielles et documente leurs impacts sur nos communautés. Ceux-ci sont multiples : économiques, bien sûr, mais aussi sociaux, environnementaux et même culturels. Sa chronique souhaite ouvrir nos horizons sur ces nouvelles réalités changeantes.

Ianik Marcil

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