«Québec déroule le tapis rouge à un monopole chinois du bitcoin»

Publié le 02/06/2018 à 12:00

«Québec déroule le tapis rouge à un monopole chinois du bitcoin»

Publié le 02/06/2018 à 12:00

«Des politiques intelligentes peuvent atténuer les effets à court terme de la perturbation technologique et ouvrir la voie à des gains à long terme», souligne le FMI dans l'édition de juin 2018 de son magazine F&D.

«Les politiciens doivent s’adapter à la réalité»

Malgré la levée officielle et imminente du moratoire sur les entreprises cryptographiques, le climat actuel demeure peu propice pour le développement du secteur dans la province. Une situation préjudiciable pour plus d’un intervenant de ce nouvel écosystème très diversifié.

Car, contrairement à ce que laisseraient encore penser certains mandataires ou économistes, le domaine de la blockchain et des cryptomonnaies ne réunit pas que des trafiquants de drogue, des proxénètes et des charognards financiers.

«Nous soutenons les efforts d’innovation technologique de nos clients. Le Québec a tout pour être une juridiction à la pointe de cette industrie prometteuse», insiste Daniel Rafuse, directeur des opérations de la montréalaise GPU.one, une espèce de «data center pour data center» spécialisée en processeurs graphiques, qui propose des services d’hébergement de systèmes pour d’autres sociétés à haute densité de données.

Ancien président du Tribunal de la Sécurité Sociale du Canada, Daniel Rafuse plaide en faveur d’un «accès raisonnable» aux tarifs d’électricité les plus avantageux d’Amérique du Nord pour les acteurs de la crypto.


« Il faut désormais de la stabilité et de la cohérence politiques »

«Le moratoire a freiné la mise en place d’ambitieux projets. Afin de restaurer la confiance et relancer le développement économique, il faut désormais de la stabilité et de la cohérence politiques», recommande-t-il simplement.

Surtout qu’en sa qualité de cadre d’entreprise, Daniel Rafuse est souvent amené à rencontrer diverses instances politiques et constate que l’appui des municipalités est bien plus conséquent que le traitement administré au niveau provincial.

«Comment sensibiliser au mieux les décideurs», s’interroge le directeur des opérations de GPU.one, «afin qu’ils appliquent des mesures pondérées et compréhensibles. Ce n’est pas clair d’aller d’un côté subventionner les alumineries, particulièrement polluantes, et de l’autre augmenter les tarifs d’électricité pour des entreprises créatrices de valeur».

Lui qui était dans une autre vie l'un des plus jeunes juges de tribunal administratif au Canada ne conçoit pas pourquoi le gouvernement manque à ce point d’attention sur ce dossier.

«Les politiciens doivent s’adapter à la réalité économique et ne pas décourager l’entrepreneuriat ou l’emploi au Québec. Sinon, tout ça partira au Saskatchewan ou en Alberta», estime Daniel Rafuse, «ce serait illogique de perdre notre avantage compétitif».

Et il ne s'agit pas d'un appel à la mobilisation isolé, provenant d'un commercial défendant bec et ongle son gagne pain. Les stratégistes internationaux vous le répèteront: impossible d'arrêter la révolution technologique, raison impérieuse pour instaurer des mesures qui aident à en tirer pleinement les bienfaits et à atténuer les perturbations.

«La réponse ne réside pas dans le déni mais dans l'élaboration de politiques intelligentes. La clé est de se concentrer sur les politiques qui répondent aux changements organisationnels entraînés par la révolution numérique», écrit d'ailleurs Martin Mühleisen, directeur du département de stratégie du Fonds monétaire international, dans l'édition de juin 2018 du magazine institutionnel Finance & Développement.

À quelques encablures des élections générales provinciales, des voix s'élèvent pour que les cryptomonnaies deviennent un enjeu politique à part entière. «Ou à tout le moins un sujet dans la campagne électorale», nous partageait le premier pétitionnaire du Québec à s’opposer aux monnaies d’internet.

À l’heure où, tout autour de la planète, on s’interroge sur la meilleure façon d’apprivoiser la crypto, les décideurs politiques se voient offrir une chance inouïe de marquer l’histoire. Par leur sagacité ou leur médiocrité. Les tentatives laborieuses de dompter, fiscalement ou juridiquement, les Google-Amazon-Facebook-Apple de ce monde devraient nous inspirer plus de créativité et de proactivité.

Avec un terroir riche en cerveaux comme le nôtre, abreuvé d’une hydroélectricité tout aussi abondante, imaginons que succèdent aux géants du web américains et chinois, les Québécois.

Après tout, si certains pensent rejoindre la Lune à dos de bitcoin, pourquoi pas?


À propos de ce blogue

Une nouvelle ruée vers l’or, numérique cette fois? Une arnaque, un piège sans fonds? Le débat s'est intensifié fin 2017 alors que la valeur des «monnaies virtuelles» a rapidement passé le cap des 200 milliards de dollars. De la blockchain aux kitties, en passant par le bitcoin, qui ne voudrait pas exploiter ces filons technologiques? Mine de rien est un blogue qui cherche les pépites de l’info dans le monde de la crypto.

François Remy