«Le bitcoin profite aux petits investisseurs»

Publié le 21/11/2017 à 15:39

«Le bitcoin profite aux petits investisseurs»

Publié le 21/11/2017 à 15:39

Vous connaissiez peut-être déjà Jonathan Hamel. Eh bien pas moi. Alors quand le gars m'a qualifié de «semi érudit» sur Facebook en réaction à ce billet, je lui ai proposé de venir étaler tout son savoir autour d'un café. Ce qu'il a gentiment accepté. Je lui ai donc offert un cappuccino, j'ai pris un petit corsé pour l'accompagner, et me suis finalement retrouvé à boire ses paroles pendant près d'une heure.

Car j'avais face à moi, sans le savoir, le fondateur de l'Académie Bitcoin de Montréal, une firme de formation et consultation pour les dirigeants d’entreprises. C’est que Jonathan a adopté précocement le bitcoin vers 2013. Formé en informatique et réseautique, entrepreneur spécialisé dans le paiement mobile, il s’est intéressé très tôt aux promesses de cette nouvelle technologie. Et conseille maintenant jusqu'à l'AMF.

Voilà le résumé de notre discussion sur les enjeux, défis et limitations du bitcoin en tant que révolution informatique mais aussi en tant qu'opportunité financière.

Bitcoin, l’incontournable actif financier

- L’amalgame tenace dans l’opinion publique, entretenu par les médias, les institutionnels et les banquiers centraux, est que le bitcoin c’est SilkRoad, MtGox, bref, le paradis des criminels.

Je réponds à ça que près de 99,8% des transactions de drogue sont faites avec de l’argent à cours légal. Est-ce que ça enlève les propriétés de l’argent comptant? Non. Est-ce qu’on va interdire l’argent comptant? Non.

Regarde qui a déclaré que le bitcoin était une fraude:  le patron de JPMorgan. Je ne me souviens pas qui on a dû sauver en 2008 mais ce n’était pas le bitcoin.

Autre exemple, le président de Credit Suisse pour qui le bitcoin est aussi une fraude et une bulle. Credit Suisse qui a payé le bonus de ses banquiers en 2009 avec l’argent de prêts toxiques. Il faut remettre tout ça un petit peu en perspectives.

Je préfère regarder qui est pro-Bitcoin. Tel que Reid Hoffman, l’un des fondateurs de LinkedIn ou Peter Thiel, un des premiers investisseurs dans Facebook et cofondateur de PayPal. L’histoire donne plus raison à ces gens-là qu’à l’autre gang.

- Avec la succession de records en 2017, certains reviennent à la charge en présentant le bitcoin comme un système de Ponzi.

Il n’y a aucune barrière à l’entrée ou à la sortie de bitcoin. Je peux me mettre à miner, je peux échanger sans intermédiaire, c’est un très mauvais Ponzi scheme alors.

En plus, il y a ce fameux portefeuille initial ouvert par le(s) fondateur(s) –le mystère plane toujours. Ce portefeuille renferme 1 million de bitcoins. Fois 8000 $US au cours actuel, ça chiffre! Mais il n’y a pas un bitcoin qui a bougé depuis. À mon avis, ils ont peut-être perdu la clé ou ne le contrôlent pas. Mais à partir de 100 millions, tu commences à magasiner, non? Et à 1 milliard $, ça change quelqu’un.

- Ce qui dérange l’establishment, c’est que les prouesses informatiques derrière bitcoin exhibent les travers de notre système financier. Il suffit de remonter l’historique, sa création date de la crise…

C’était vraiment une réponse. Et maintenant le bitcoin souligne la faiblesse des monnaies fiduciaires. Un exemple avec l’inflation, on pense que notre pouvoir d’achat diminue, mais ça, c’est la conséquence de l’inflation, de la quantité de monnaie qui augmente.

Au Venezuela, avec 9000% d’inflation l’année dernière, le juge, le professeur ou le plombier qui ont joué honnête toute leur vie ont vu leurs économies en bolivar s’évaporer. Le bitcoin est d’un grand secours là-bas. Pour nous, c’est moins évident.

Il y a beaucoup de battage médiatique comme quoi la blockchain et le bitcoin vont disrupter toutes les institutions. Dans un certain sens, il faut rappeler qu’on a des institutions ici en grande partie honnêtes. On n’a pas à prouver la propriété de son terrain à la fin de chaque année. Ce qui est le cas par contre en Afrique de l’Ouest. Où les gens doivent défendre leur territoire avec des clôtures ou en usant de la force.

- Ça pourrait modifier en profondeur la réalité de ces pays et, par là,  influencer l’économie mondiale.

C’est révolutionnaire et ça ne favorise pas que les geeks et les riches qui peuvent y mettre de l’argent mais aussi les plus vulnérables de la société. Ils peuvent acquérir un actif numérique qui va permettre de se prémunir contre des politiques monétaires désastreuses, des gouvernements dictatoriaux, comme au Zimbabwe où le bitcoin s’échange le double du prix d’ici.

C’est vraiment un principe monétaire, politique et économique qui est prouvé. Ce n’est plus une question, ou moi qui dit que c’est mieux. C’est un actif pour se hedger contre la dévaluation d’une monnaie. À une autre échelle, ça pourrait être utilisé pour se protéger de la dévaluation du dollar canadien face au dollar US.

Bien sûr, c’est difficile de prédire ce qui va se passer et de se poser en prophète. Mais on le voit avec la financiarisation du bitcoin, à commencer avec les joueurs les plus audacieux, comme les hedge funds et autres fonds privés. Je pense qu’on va voir de plus en plus les grands joueurs financiers, ultimement les investisseurs institutionnels, accepter cette classe d’actif.

- En entendant tout ça, un portefeuille doit inévitablement contenir du bitcoin? 

Je pense que oui. De là l’intérêt de plusieurs groupes de lancer un fonds négocié en Bourse, un FNB adossé à bitcoin. Parce qu’à présent, la seule façon de s’exposer directement aux cryptomonnaies, c’est GBTC, un fonds qui se trade OTC.

Mais GBTC s’échange avec une surprime de 40 à 60% sur l’actif sous-jacent. Donc vous payerez nettement plus cher. Mais si on a de l’argent en Bourse et qu’on ne veut pas casher out, c’est une alternative.

Sinon, il faut acheter directement l’actif. À mon avis, comme va te dire tout bon gold bug, que je ne suis pas même si j’apprécie l’or comme actif, avoir une promesse d’or et avoir de l’or dans un coffre-fort, c’est deux choses.

En fait, les FNB sont un autre exemple de disruption financière qu’on prend désormais pour acquis. Ça a été créé pour permettre aux petits investisseurs de shorter le pétrole, d’être long sur l’or, de s’exposer au S&P500 ou au TSX. Avant pour avoir ce genre d’exposition-là, tu devais passer par un courtier qui devait choisir des actions ou se rendre sur un parquet.

L’histoire de ces innovations en finance se résume toujours par de nouvelles opportunités pour les petits investisseurs. Normalement, les joueurs institutionnels devraient voir d’un bon œil le bitcoin et non pas comme une menace.

- Le bitcoin serait la suite logique de cette révolution du placement.

Oui, la révolution du placement par soi-même. Le courtage en ligne, même chose. J’investirais peut-être moins si je devais passer par un intermédiaire.

Quelqu’un qui est habitué à investir via Questrade ou RBC Courtage va être très à l’aise pour acheter avec Coinbase ou Quadriga ou Krachen. C’est le même genre d’écosystème qui est aussi très contrôlé.

Il faut dire que ces sites ont des protocoles de sécurité et d’identification qui sont équivalents aux banques. Tous les aspects AML, anti-blanchiment d’argent, et KYC, d'identification, sont aussi élevés que pour ouvrir un compte d’investissement ailleurs.

Je pense que ce sont des entreprises assez solides et crédibles: elles ne disparaîtront pas le matin avec votre argent car leur réputation vaut bien plus cher.

- L’adoption semble chose certaine selon toi, elle ne va aller qu’en grandissant, les investissements vont suivre et la valeur du marché des crypto va s’apprécier considérablement alors?

Oui, je peux même te donner des chiffres. D’ici 2020, le marché des cryptomonnaies pourrait tourner autour de 1000 milliards $US. C’est 200 milliards actuellement.

Ce n’est pas un jeu à somme nulle. J’ai des placements en Bourse, j’aime beaucoup les commodités, j’investis dans les options, dans les secteurs tech et énergie. Pour moi, c’est vraiment une nouvelle classe d’actif qui vient s’ajouter à l’offre.

Et, à mon avis, le bitcoin va demeurer en quelque sorte le standard or des cryptomonnaies. C’est le cas d’utilisation le plus intéressant. Il y en a d’autres aussi tels que les micropaiements: le fait d’avoir un actif numérique nativement est révolutionnaire.

Je pense d’ailleurs que le marché n’a pas encore pricé le fait que la cryptographie de bitcoin est inviolable, du moins reconnue comme telle par la communauté mondiale des cryptographes.

- Pour boucler la boucle, assurer la viabilité du bitcoin en tant que nouvel actif financier va demander des efforts de marketing, d’information claire.

Évidemment. Les grands joueurs, même pour vendre un FNB, vont devoir assurer une certaine éducation.

C’est un secteur qui étonne tout le temps. Ça attire des gens brillants en finance qui font un pivot vers la blockchain et oriente leur pratique vers de nouveaux services, pas seulement un fonds pour faire de l’argent rapidement.

Et de plus en plus, les sites d’échange pour particuliers sont plus conviviaux, plus ergonomiques. Ces sites produisent de plus en plus de contenu éducatif. C’est le défi. Il y a encore plein d’opportunités.

- Surtout pour des consultants comme toi…

(Sourire) Oui, c’est le début d’un nouvel internet en quelque sorte. Il y a eu une bulle techno avec des sites en .com qui n’avaient aucune proposition de valeur et qui ont dû fermer. Mais les Google, eBay ou Amazon ont créé de la valeur et a dépassé toutes les prévisions. Beaucoup disaient qu’internet ne fonctionnerait jamais.

 

À suivre:

Bitcoin, le «miracle» technologique


À propos de ce blogue

Une nouvelle ruée vers l’or, numérique cette fois? Une arnaque, un piège sans fonds? Le débat s'est intensifié fin 2017 alors que la valeur des «monnaies virtuelles» a rapidement passé le cap des 200 milliards de dollars. De la blockchain aux kitties, en passant par le bitcoin, qui ne voudrait pas exploiter ces filons technologiques? Mine de rien est un blogue qui cherche les pépites de l’info dans le monde de la crypto.

François Remy