Quatre titres qu'il est tentant de jouer à l'envers


Édition du 28 Juillet 2018

Quatre titres qu'il est tentant de jouer à l'envers


Édition du 28 Juillet 2018

Tesla ­pourra-t-elle produire le ­Model 3s à grand volume et maintenir sa qualité? ­[Photo: 123RF]

Oh là, cinq recommandations de vente ! Devrait-on jouer ces titres à l'envers ?

Il est assez rare qu'une firme de courtage émette des recommandations de vente. Encore plus rare, qu'elle les intègre à un document baptisé « Top picks - titres avec catalyseurs ».

C'est pourtant ce qu'a fait récemment la firme UBS. Elle retient cinq titres que le marché semble trop aimer et les voit reculer sur un horizon de six mois.

Un titre a déjà baissé (Cummins, CUM, 137,00 $ US) et atteint la cible de la maison. Mais quatre sont toujours à peu près au même niveau qu'au moment de la publication du rapport et à une certaine distance de la baisse anticipée.

Dans un marché qui n'est pas à faibles multiples, et avec un cycle économique très avancé, il peut être intéressant de penser à jouer à l'envers une partie de son portefeuille. Soit par l'intermédiaire du marché des options, soit en vendant à découvert.

Regard sur chacune des situations, avec observations.

Tesla (TSLA, 323,85 $ US)

L'analyste Colin Langan planche sur une série de questions.

1 - Tesla pourra-t-elle produire le Model 3s à grand volume et maintenir sa qualité ? Sa réponse : elle devrait le faire, mais les embûches jusqu'ici rencontrées pour faire que les volumes atteignent les objectifs viennent mettre en doute l'affirmation que l'entreprise a inventé un processus de fabrication supérieur aux autres.

2 - La société générera-t-elle un bénéfice et des flux de trésorerie positifs en deuxième moitié de 2018 ? Il ne le croit pas. Peut-être un bénéfice au quatrième trimestre.

3 - Devra-elle faire un appel de capital ? Oui. M. Langan croit qu'elle tombera sous sa cible d'une encaisse de 1 G$ en deuxième moitié d'année, faute de flux de trésorerie suffisants. Et d'autres capitaux additionnels seront nécessaires dans l'avenir, ce qui viendra ajouter au nombre d'actions en circulation et diluer les bénéfices éventuels.

UBS s'attend à ce que les résultats du troisième trimestre déçoivent, le marché réalisant que Tesla n'atteint pas son objectif de rentabilité, ni celui des flux de trésorerie. Et qu'elle aura au surplus à lever des capitaux supplémentaires. Sa cible est à 195 $ US.

Commentaire. La cible est peut-être un peu basse, mais on a personnellement aussi l'impression que les objectifs ne seront pas atteints. C'est souvent le cas avec les grands projets d'innovation.

Vale (VALE, 13,40 $ US)

Essentiellement, la thèse est que le producteur de minerai de fer bénéficie actuellement d'une assez bonne demande pour l'acier. Lorsque celle-ci augmente, les producteurs d'acier ont apparemment tendance à augmenter leurs approvisionnements en minerai à haute teneur (64 %+) pour maximiser leur productivité. Sous l'effet d'une forte demande, la prime pour le minerai de fer à haute teneur que produit principalement Vale est près de 50 % au-dessus du prix du minerai de fer ordinaire (62 %).

Andreas Bokkenheuser note cependant que les stocks de minerai de fer à faible teneur (sous les 62 %) sont élevés et qu'un ralentissement cyclique pourrait faire en sorte que les producteurs deviennent plus intéressés par ce minerai moins cher. La prime actuelle pour le minerai à haute teneur fondrait alors et le titre corrigerait. Parce que le soutien au crédit ralentit en Chine, l'analyste croit que le marché de la construction va ralentir en deuxième moitié de 2018 et en 2019, ce qui aura des conséquences négatives sur la demande en acier et, conséquemment, sur la prime du minerai de fer à haute teneur. D'où une cible à 8,50 $ US.

Commentaire. Les mouvements des prix des métaux sont difficiles à prévoir. Il y a cependant une bonne probabilité que le fer à haute teneur tombe plus bas à un moment qu'il ne l'est actuellement. La prime avec le fer normal n'a jamais été aussi élevée. Parce qu'on ne sait quand ce moment surviendra, la baisse est plus difficile à jouer sur options (expirations). C'est plus simple à découvert. Mais il faut se garder suffisamment de liquidités en cas de hausse imprévue.

US Steel (X, 37,75 $ US)

Le réflexe initial est de croire que les tarifs de 25 % imposés par l'administration Trump sur l'acier étranger vont aider les producteurs locaux.

Dès l'annonce, les aciéries américaines ont augmenté leur capacité de production, US Steel inclus.

Pendant ce temps, la demande mondiale en acier est incertaine (en progression de 2,3 % depuis le début de l'année, mais en déclin de 2 % en mai).

Andreas Bokkenheuser estime que les tarifs pourraient ne pas réellement garder l'acier étranger hors des États-Unis si le prix de cet acier étranger continue de descendre. Il est actuellement plus de 11 % sous le prix intérieur US. Dans l'éventualité d'une poursuite de la glissade, il risque d'y avoir un afflux d'acier étranger aux États-Unis. Or, comme pour le minerai de fer, l'analyste anticipe que le prix de l'acier baissera en raison du ralentissement du soutien au crédit en Chine et de son impact sur le marché de la construction. La cible est à 28 $ US.

Commentaire. Beaucoup de pièces mobiles dans ce scénario. On ne jouerait certainement pas le titre à la hausse, mais on serait hésitant à le faire à la baisse aussi. Les Américains peuvent éventuellement rehausser les tarifs.

Pinnacle Financial Partners (PNFP, 62,05 $ US)

Une société financière moins connue celle-là. Essentiellement, UBS soutient qu'elle ne bénéficiera pas tellement de la hausse des taux d'intérêt parce que, à la suite d'une acquisition, 70 % de son portefeuille est dans l'immobilier, et est davantage orienté sur les taux fixes.

Brock Vandervliet s'attend à ce que l'institution tente de faire migrer sa croissance vers les prêts commerciaux et industriels, qui sont davantage à marge flottante. Mais il juge qu'elle n'aura pas suffisamment de dépôts pour cette croissance et devra, soit augmenter ses taux d'intérêt sur ceux-ci, soit emprunter au marché.

L'analyste croit que le consensus est trop optimiste. Sa cible est à 56 $ US.

Commentaire. La société est inconnue pour nous. À l'endroit ou à l'envers, quand on investit, il vaut mieux connaître ce sur quoi on mise. À chacun de creuser.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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