
Le chroniqueur François Pouliot se joint à lesaffaires.com. Suivez ses blogues quotidiens. Photo : Gilles Delisle
(Voici le 1er blogue de notre nouveau collaborateur François Pouliot) Au terme d'une mise à l'enchère, Van Houtte passe d'une américaine à une autre, et laisse sur les lignes de côté le Fonds de solidarité du Québec. Faut-il s'inquiéter?
En 2007, une première inquiétude était arrivée avec la privatisation de Van Houtte par le fonds d'investissement privé Littlejohn & Co. Le Fonds de solidarité conservait alors une participation minoritaire non divulguée (que l'on évalue à autour de 12-13%).
La crainte était à l'époque naturelle, mais plus ou moins fondée. S'il veut obtenir un rendement potable, un fonds privé peut certes exiger de la rationalisation, mais il n'a guère le choix d'aussi miser sur la croissance et l'expansion.
C'est ce qui fut. L'effectif de Van Houtte demeura relativement le même, mais son bénéfice d'exploitation grimpa significativement. Le BAIIA (bénéfice avant intérêts, impôt et amortissement) passa de 72 à 92 M$, ce qui, avec un multiple en expansion (de 8 à 10) permet aujourd'hui à Littlejohn (et au Fonds) de faire un rendement de plus de 50% sur la période.
Changement de donne
La vente à Green Mountain vient cependant changer la donne. La société propriétaire n'est plus une société de placement, mais une société du monde du café, comme Van Houtte. Elle est en outre beaucoup plus grosse: sa capitalisation boursière atteint 4,5 G$, plus de quatre fois celle du fleuron québécois. La question n'est donc plus maintenant comment faire croître Van Houtte, mais comment faire croître Green Mountain?
Dans notre jeunesse, notre patelin d'origine était doté d'une laiterie qui fabriquait un excellent fromage, lauréat d'un prix d'appréciation du public, et qui gagnait des parts de marché. La laiterie fut achetée par un grand groupe et, au bout de quelque temps, tout ce qui resta fut le fromage. Le groupe avait compris qu'il pouvait utiliser l'excédent de capacité dont il disposait dans d'autres usines tout en continuant à tabler sur la recette et la marque. Le patelin perdit plusieurs emplois.
Est-ce ce qui menace Van Houtte?
Telle est évidemment la question. Particulièrement lorsque le Fonds de solidarité indique qu'il aurait aimé rester au capital de Van Houtte et formule le souhait que l'effectif ne sera pas affecté.
Green Mountain, qui n'a de présence canadienne qu'avec la torontoise Timothy's, a indiqué à lesaffaires.com qu'elle entendait notamment utiliser le savoir-faire et les produits de Van Houtte pour poursuivre son expansion au Canada anglais, notamment en Ontario et dans l'Ouest.
Voilà qui semble à tout le moins envoyer un signal de stabilité pour l'effectif québécois dans les unités de production et au siège social. D'autant que le grand patron Gérard Geoffrion demeure aux commandes, et que l'on a fait à quelques reprises référence à ses capacités de développement lors de la conférence avec les analystes.
On notera cependant qu'en entretien avec lesaffaires.com, le président de Green Mountain, Lawrence Blanford, s'est montré plus nébuleux lorsqu'il s'est agi de discuter de l'expansion des produits de Van Houtte aux États-Unis. On sait qu'il continuera d'y en avoir, mais avec quelle force? Le développement et la production de nouveaux cafés passera-t-elle encore par le Québec? Ce n'est pas très sûr.
Jusqu'à hier, l'effort de développement de nouveaux produits et leur mise en marché avait une haute probabilité de passer par le Québec. Les stratégies d'expansion aux États-Unis aussi (en cours tout comme au Canada). Aujourd'hui, la chose apparaît beaucoup moins probable
Si elle ne fait pas nécessairement reculer Van Houtte et le Québec, cette transaction apparaît cependant leur couper une bonne partie de ce qu'était leur potentiel de développement
Une fusion, sans infusion…