Comment, et quand, résorbera-t-on le déficit d'Ottawa?

Publié le 22/02/2016 à 20:17

Comment, et quand, résorbera-t-on le déficit d'Ottawa?

Publié le 22/02/2016 à 20:17

C'est une drôle de mise à jour pré-budgétaire que le ministre des finances du Canada, Bill Morneau, a présenté lundi.

L'ajustement des hypothèses économiques fait voir que le déficit de 3,9 G$ anticipé pour 2016-2017 lors de la mise à jour économique de l'automne atteint désormais 18,4 G$.

Vous trouvez le bond important et cela vous inquiète?

Vous n'avez encore rien vu. L'ajustement des hypothèses ne tient pas compte des engagements électoraux libéraux, comme des dépenses supplémentaires en infrastructures. Le 22 mars, estiment plusieurs économistes, le déficit prévu pour l'an prochain devrait davantage se situer près des 30 G$.

Est-ce la fin du monde?

Un déficit de 30 G$ représenterait 1,5% du PIB, (en supposant que le PIB nominal avance de 2,6% en 2016 et 4,6% en 2017, comme le prévoient les nouveaux chiffres du gouvernement).

Ce chiffre de 1,5% est à mettre en perspective avec ce qui suit.

La dette nette du gouvernement fédéral se situe actuellement à environ 35% du PIB. L'endettement du fédéral est plus faible que celui du Québec (50,1%) ou de l'Ontario (39,4%).

Pendant ce temps, le Fonds monétaire international (FMI) évalue que la dette nette de l'ensemble des administrations publiques du Canada (fédéral, provinces, etc.) est de moins de 40% du PIB alors que la moyenne du G-7 est plutôt autour de 80%.

Constat?

Ajouter 1,5% par année à la dette fédérale pendant quelques années n'aurait rien de déstabilisant par rapport aux autres. À dire vrai, le fait que la croissance nominale du PIB soit plus élevée que le déficit (2,6% en 2016 et 4,6% en 2017) ferait même reculer le ratio de la dette par rapport au PIB, note l'économiste Sébastien Lavoie de Banque Laurentienne.

Quelques déficits de 25-30 G$ sont-ils la fin du monde, donc?

Réponse: non.

Mais est-ce souhaitable?

Peut-être, mais prudemment.

Dans le passé, c'est avec ce genre de calculs et de comparaisons qu'on a fini par tout échapper. Il faut pouvoir ramener les déficits à zéro.

Rien ne garantit que les revenus seront ceux des anticipations. La seule variation des hypothèses économiques depuis novembre les a fait fondre de 12,2 G$. En trois mois, le déficit anticipé pour l'an prochain a quadruplé sur une simple erreur d'anticipation des revenus.

D'accord pour embarquer dans le projet libéral et accroître les investissements dans certains secteurs où la maison doit être retapée ou mise à niveau (traitement de l'eau, transport collectif, etc.). Il faut progresser sur ces axes de nécessité. Et il n'y a pas de mal à progresser maintenant, étant donné les ratios actuels.

Moins d'accord pour dépenser uniquement à des fins de stimulation s'il n'y a pas de plan pour tout ramener à l'équilibre à l'an 4 ou peu après. Et si l'on n'est pas disposé à éventuellement ralentir la cadence des investissements si jamais l'économie se dégradait fortement dans un an ou deux et faisait trop enfler le déficit.

Le plan de match était initialement de gérer rigoureusement et de n'être que temporairement en déficit. Le 22 mars, le ministre doit clarifier si le plan est toujours le même.

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À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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