Apple: pourquoi le marché semble voir trop grand

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Août 2017

Apple: pourquoi le marché semble voir trop grand

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Édition du 26 Août 2017

Photo: Gettyimages

Alors, allez-vous l'acheter, ce fameux iPhone 8? La question est dans tous les esprits tandis qu'approche la date de lancement de l'appareil.

Avec une autre: devrait-on acheter le titre d'Apple, puisque les ventes augmenteront assurément dans les prochains mois?

Malheureusement, comme chaque fois, ce n'est pas aussi simple que cela. La question est davantage de savoir si les ventes battront les attentes.

À combien sont les attentes?

Autour de 244 millions d'unités iPhone 8 pour l'exercice 2018 (qui commence et se termine en septembre).

Trop haut?

Certains le croient, d'autres trouvent le consensus trop bas.

L'école des pessimistes

L'argumentaire le plus intéressant est probablement celui de l'analyste Sherri Scribner, de la Deutsche Bank.

Mme Scribner juge le consensus trop élevé et ne croit pas que la société puisse vendre 13 millions de iPhone de plus que ce qu'elle avait vendu en 2015, année de lancement des modèles 6 et 6 Plus.

Quelques motifs sont évoqués par l'analyste.

-Le marché du mobile est à maturité. Peu de gens dans le monde n'ont pas de téléphone mobile. Dans les trois dernières années, les expéditions de téléphones ont chaque année atteint les 2 milliards d'unités. Sachant que le cycle de remplacement d'un appareil est d'environ 3 ans, nous en sommes à 6 milliards de téléphones. Or, la population mondiale est de 7,4 milliards de personnes. En retranchant les 14 ans et moins (1,9 milliard), on voit bien que l'espace de croissance est limité.

Vrai, il y a plus d'un téléphone par personne dans certains pays, et moins d'un dans d'autres. Aux États-Unis, par exemple, on compte 512 millions d'appareils mobiles pour 323 millions d'individus. Phénomène semblable, quoiqu'en proportions moindres, en Europe de l'Ouest et en Chine. Cependant, aux yeux de l'analyste, il s'agit d'une autre indication que ces marchés sont saturés.

-Dans les marchés non saturés, Apple est à maturité en raison du prix. Dans les marchés saturés, la croissance ne peut venir que par des gains de parts de marché. Or, aux États-Unis, la part de marché du iPhone demeure à 38% depuis trois ans.

Dans les autres pays non saturés, le prix demandé fait douter de possibles gains de parts de marché. Le iPhone se vend à plus de 600 $ US (et le prix moyen du iPhone 8 devrait être autour de 680 $ US), alors que le prix moyen des téléphones mobiles dans le monde est inférieur à 300 $ US. En Chine, le revenu disponible moyen est de 3 000 $ US, comparativement à 21 000 dans la zone euro et 41 000 $ aux États-Unis. Il est difficile d'accroître ses parts dans des marchés pauvres lorsque le prix est élevé.

- Le marché secondaire prend de l'expansion. La firme de recherche IDC publiait récemment les résultats d'un sondage concluant que 40 % des propriétaires de téléphones vendaient ou donnaient leur appareil lorsqu'ils en achetaient un nouveau. Mme Scribner croit que ce marché secondaire, qui était autour de 8 % en 2015, est en augmentation à probablement près de 12 ou 13 % et pèsera sur les ventes de nouveaux appareils.

L'école des optimistes

L'école des optimistes mise plutôt sur le fait que le iPhone 7 n'a pas été une si grande révélation et qu'un certain nombre d'utilisateurs ont plutôt décidé de reporter le remplacement de leur appareil au lancement du suivant.

On fait aussi valoir que le produit sera supérieur en plusieurs points aux autres options sur le marché, avec notamment un écran OLED, la reconnaissance faciale, une conservation de charge plus longue et une capacité de recharge sans fil. Ce qui amènera des utilisateurs d'autres marques à opter pour Apple.

Qu'en penser ?

On ne serait personnellement pas étonné que le iPhone 8 atteigne le consensus des analystes. Le iPhone 7 avait en quelque sorte déçu, et il semble probable qu'un certain nombre d'utilisateurs aient reporté l'acquisition d'un nouvel appareil. Cette fois, ils ne la reporteront pas.

Ce qui est un peu plus agaçant, cependant, c'est le consensus pour les livraisons 2019. Il est également à 244 millions d'unités. Difficile de concevoir que les ventes d'unités puissent se maintenir la deuxième année au même niveau que la première. L'engouement devrait diminuer.

Alors que l'on spécule, le titre d'Apple se négocie à près de 15 fois le bénéfice anticipé pour 2018. C'est à première vue faible, mais c'est en réalité plutôt fort. Le titre s'est négocié entre 13 et 14 fois le bénéfice dans les trois dernières années (moyenne à 13 depuis 2010). Le danger est que, à un certain moment, devant la déception probable des ventes de 2019, le multiple se compresse et le bénéfice aussi.

Certains diront qu'il faut aussi tenir compte de l'importante encaisse de 260G$US d'Apple. Il n'est pas sûr que l'on puisse lui donner autant de valeur qu'à une certaine époque. Avec les dividendes spéciaux et les rachats d'actions des dernières années, le ratio dette nette/équité est passé de 19,2% en 2014 à 68,2% en 2017, selon les calculs de la Deutsche Bank. C'est comme si cette encaisse avait déjà été utilisée en bonne partie par le recours à l'emprunt. Il est possible que le gouvernement américain permette le rapatriement d'une partie de l'encaisse sans impôt (et qu'une marge inattendue plus importante se dégage), mais c'est un scénario hypothétique auquel il est préférable de ne pas accorder plus de poids qu'il n'en a actuellement.

Conclusion?

Il ne serait pas étonnant que le consensus sur les ventes du iPhone 8 soit atteint ou dépassé en 2018, mais si tel est le cas, il vaudrait sans doute mieux profiter de l'élan pour sortir du titre. Quitte à y revenir plus tard.

À propos de ce blogue

Diplômé en droit de l'Université Laval, François Pouliot est avocat et commente depuis plusieurs années l'actualité économique et financière. Il a été chroniqueur au Journal Le Soleil, a collaboré au Globe and Mail et dirigé les sections économiques des différentes unités de Quebecor Media, notamment la chaîne Argent. Au cours de sa carrière, il a aussi fait du journalisme d'enquête ce qui lui a valu quelques distinctions, dont le prix Judith Jasmin. La Bourse Southam lui a notamment permis de parfaire son savoir économique à l'Université de Toronto. François a de même été administrateur de quelques organismes et fondation. Il est un mordu des marchés financiers et nous livre son analyse et son point de vue sur diverses sociétés cotées en bourse. Québec inc. sera particulièrement dans sa mire.

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