Une nouvelle tuile s'abat sur la croissance chinoise

Publié le 01/05/2021 à 08:00

Une nouvelle tuile s'abat sur la croissance chinoise

Publié le 01/05/2021 à 08:00

Le président chinois Xi Jinping. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE — La population de la Chine est appelée à diminuer, peut-être est-ce même déjà le cas. Ce déclin annonce un affaiblissement du potentiel de croissance économique du pays, et représente une autre problématique qui s’ajoute au déclin de la productivité.

La controverse a fait couler beaucoup d’encres en Asie, mais elle est pratiquement passée sous le radar ici. Le 27 avril, le Financial Times a publié une nouvelle à l’effet que Pékin s’apprêtait à publier un rapport (le septième grand recensement) montrant que la population de la Chine avait diminué, une première en près de 60 ans.

Entre 1959 et 1962, la politique du Grand bond en avant (des réformes sociales et économiques qui ont été un échec, surtout en agriculture) lancée par Mao Zedong a provoqué une famine qui aurait tué environ 20 millions de personnes.

Citant des sources familières avec ce recensement (complété en décembre), le quotidien britannique affirme que les fonctionnaires préparaient une réponse aux données démographiques qui auraient dû être publiées au début du mois d’avril.

Ce retard a alimenté la machine à rumeur en Chine et à l’étranger, laissant entendre que le gouvernement voulait réinterpréter les statistiques.

Car, selon les informations obtenues par le Financial Times, le recensement démontrerait que la population a descendu légèrement sous la barre des 1,4 milliard d’habitants. Or, en 2019, les autorités avaient indiqué qu’elle avait franchi le cap des 1,4 milliard.

Dans ce contexte, l'inquiétude à Pékin en ce qui a trait aux enjeux démographiques s'explique facilement, car c'est la prospérité économique qui permet au parti communiste chinois de se maintenir au pouvoir.

Le 29 avril, le Bureau national des statistiques a réagi aux informations publiées par le Financial Times, assurant qu’il était faux de prétendre que le recensement avait démontré un déclin de la population, rapporte La Presse canadienne.

Découvrez mon dernier livre Zoom sur le monde: 10 clés géopolitiques pour comprendre les États-Unis de Joe Biden.

À partir de 1980, le gouvernement chinois a imposé un contrôle strict des naissances en Chine avec la politique de l’enfant unique.

En 2015, Pékin a mis un terme à cette politique, et a autorisé les Chinois à avoir deux enfants, espérant ainsi augmenter les naissances dans ce pays vieillissant comme le Japon et la Corée du Sud — car un vieillissement mine le potentiel de croissance économique.

Cet assouplissement n’a toutefois pas donné les résultats escomptés.

La démographie en Chine est un sujet hautement politique et économique, comme en témoigne la rapidité avec laquelle le Bureau national des statistiques a donné la réplique au Financial Times.

Nous devrions être fixés bientôt sur l’état de la situation en Chine. Chose certaine, si la population n’a pas diminué, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne décline, selon plusieurs analystes.

 

Libéraliser les politiques en matière de naissance

Au début du mois d’avril, la banque centrale chinoise a d’ailleurs posé « un geste inhabituel », selon le quotidien hongkongais South China Morning Post.

L’institution a appelé à la libéralisation immédiate des politiques chinoises en matière de naissance. Elle a averti que la Chine risque d’avoir une plus petite proportion de travailleurs supportant une charge plus élevée pour les soins aux personnes âgées que les États-Unis d’ici 2050.

L’enjeu est de taille, car la Chine pâtit déjà d’un déclin de sa population active (les Chinois en âge de travailler), selon une analyse publiée le 20 mars dans Le Monde par Patrick Artus, chef économiste à la banque française d’investissement Natixis.

« La population en âge de travailler (20 à 64 ans) augmentait de 1,8 % par an au début des années 2010. Mais elle recule de 0,2 % par an depuis le début des années 2020, et devrait reculer de 0,7 % par an à la fin de la décennie », écrit-il.

Outre sa démographie, la Chine a un autre problème majeur: la productivité des Chinois ne cesse de décliner, selon cet économiste.

Ainsi, entre 2004 à 2010, les gains annuels étaient très rapides; ils s’élevaient à environ 9% par année. Or, à l’heure actuelle, ils s’établissent à 4% par année (un taux fort respectable, du reste), mais ils pourraient diminuer encore.

D’une part, en raison de l’effet rattrapage qui s’estompe. D’autre part, parce que les principaux pays développés comme les États-Unis, l’Allemagne et le Japon sont de plus en plus méfiants à l’égard de la propriété intellectuelle et des transferts technologiques.

La Chine fait encore l’envie du monde entier avec ses taux de croissance économique élevés. Cela dit, cette croissance est en déclin depuis 2010, selon le Bureau national des statistiques.

On l’oublie souvent, mais la croissance économique repose essentiellement sur deux éléments: la croissance de la population et les gains de productivité.

Or, la Chine vit actuellement — ou est sur le point de vivre — un déclin dans ces deux composantes fondamentales de la prospérité économique.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand