Les entreprises doivent se préparer à l’indépendance de l’Écosse

Publié le 15/05/2021 à 09:00

Les entreprises doivent se préparer à l’indépendance de l’Écosse

Publié le 15/05/2021 à 09:00

En 2016, lors du référendum sur le Brexit, les Écossais avaient voté à 68% en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, tandis que l’ensemble des Britanniques s’étaient prononcés à 52% en faveur du Leave. (Photo: Getty Images)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE — Même si on est loin de la tenue d’un référendum et d’un vote en faveur de l’indépendance de l’Écosse, les entreprises québécoises qui brassent des affaires au Royaume-Uni devraient néanmoins se préparer à cette éventualité, car un éclatement de la Grande-Bretagne est un scénario plausible dans les prochaines années.

L’enjeu est de taille pour les sociétés du Québec, car une accession de l’Écosse à l’indépendance aurait un impact sur la valeur de la livre sterling. C’est sans parler d’une possible hausse des taux d’intérêt dans le reste du Royaume-Uni et en Écosse, ce qui aurait un impact sur les coûts d’emprunt des entreprises locales et des particuliers.

Pour les entreprises du Québec actives dans cette région, deux facteurs militent en faveur d’une gestion plus serrée du risque géopolitique que peut représenter le climat politique en Écosse dans les années à venir.

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Il y a d’abord la victoire des indépendantistes aux élections législatives locales du 6 mai. Elle va probablement entraîner la tenue d’un second référendum (le premier gagné par le camp du «non» a eu lieu en 2014), quand la pandémie de COVID-19 sera terminée.

L’autre facteur est la conséquence politique du Brexit sur l’état d’esprit des Écossais. En 2016, ils avaient voté à 68% en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, tandis que l’ensemble des Britanniques s’étaient prononcés à 52% en faveur du Leave (de quitter l’UE).

 

Une majorité d’indépendantistes au parlement

Même si le Parti national écossais (SNP) n’a pas remporté la majorité absolue des sièges le 6 mai (il en a gagné 64, alors que le seuil était à 65), la majorité des sièges au parlement à Édimbourg est néanmoins détenue par les indépendantistes.

Outre le SNP dirigé par la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, les Verts, également en faveur de l’indépendance de l’Écosse, ont récolté huit sièges.

«Le peuple d’Écosse a voté pour donner aux partis pro-indépendance une majorité au parlement écossais», a souligné Nicola Sturgeon devant ses partisans lors de la soirée électorale.

 

La première ministre écossaise Nicola Sturgeon vise un référendum d’ici la fin de 2023. (Photo: Getty Images)

 

La première ministre vise un référendum d’ici la fin de 2023 (et, s'il est gagnant, une adhésion ultérieure de l'Écosse à l'Union européenne), rapporte The Daily Telegraph de Londres. Pour autant, cela ne se fera pas sans heurt, car le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’oppose à cette consultation, du moins pour l’instant.

Chose certaine, Nicola Sturgeon n’a pas l’intention que l’Écosse organise un référendum toute seule, sans l’accord de Londres, souligne le quotidien britannique The Guardian.

En 2014, le premier référendum s’était tenu conformément à l’accord d’Édimbourg, signé en 2012 par le premier ministre britannique, David Cameron, et le premier ministre écossais, Alex Salmond.

Les partisans du maintien de l’Écosse dans le Royaume-Uni avaient alors récolté 55% des voix.

Il est donc probable que Londres et Édimbourg trouvent à nouveau un terrain d’entente pour la tenue d’un second référendum d’ici la fin de 2023.

Selon certains analystes, on pourrait imaginer l’organisation d’un référendum consultatif. Par contre, le résultat pourrait exercer une pression politique sur le parlement britannique si le vote en faveur de l’indépendance est décisif.

Or, pour l’instant, il n’est pas évident que les indépendantistes puissent l’emporter.

En 2020, les sondages ont donné la victoire au camp de l’indépendance pendant plusieurs mois, souligne la chaîne France Info.

Actuellement, le «oui» plafonne toutefois à 50%, mais avec une part d’indécis très importante. La COVID-19 et les difficultés rencontrées en 2021 par Nicola Sturgeon, notamment avec son mentor et ex-premier ministre Alex Salmond, ont affaibli le camp du «non».

 

Le game changer: le Brexit

Dans ce contexte, il est difficile de prévoir de quel côté pourrait pencher l’électorat d’ici quelques années. Pour autant, le Brexit a changé la donne par rapport au référendum de 2014.

Le vote des Écossais à 68% en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne a démontré leur attachement à l’Europe continentale.

Aussi, les Écossais sont-ils prêts à renoncer à l’intégration européenne et au marché commun pour demeurer dans le Royaume-Uni?

Nous serons fixés dans les prochaines années.

Gardons en tête que la fin de la pandémie de COVID-19 (probablement en 2022 ou en 2023) et la reprise économique changeront aussi l’état d’esprit des Écossais, avec le retour de l’optimisme et du goût pour l’action — comme, du reste, dans l’ensemble du monde.

Le vote en faveur du «oui» pourrait alors redevenir majoritaire.

C’est la raison pour laquelle les entreprises québécoises doivent envisager l’idée qu’elles feront peut-être bientôt des affaires dans les îles britanniques avec une Écosse indépendante — et préparer leur planification stratégique en conséquence.

Une Écosse qui deviendrait alors probablement membre de l’Union européenne, mais qui pourrait aussi préférer avoir un statut d’État associé à l’UE — un scénarion possible, mais peu probable — comme la Norvège, qui est membre de l’espace économique européen (EEE).

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand