Le Canada se fait damer le pion par la Chine en Amérique du Sud

Publié le 11/06/2021 à 17:09

Le Canada se fait damer le pion par la Chine en Amérique du Sud

Publié le 11/06/2021 à 17:09

En 2025, le commerce entre la Chine et le Mercosur devrait être multiplié par cinq pour atteindre 500 G$US. (Photo: 123RF)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE — En matière de commerce international, le Canada n’a d’yeux que pour les États-Unis, l’Europe et l’Asie de l’Est. Or, cette stratégie a un prix: nos entreprises perdent des occasions d’affaires dans des marchés émergents dynamiques, à commencer par l’Amérique du Sud, au profit de la Chine.

Même si l’Amérique du Sud compte 10 pays qui abritent quelque 425 millions d’habitants, le marché clé pour les entreprises canadiennes (et étrangères) dans cette région du monde demeure le Mercosur (le Marché commun du Sud), qui regroupe le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay.

Ces quatre pays comptent 261 millions d’habitants, et leur PIB combiné s’élève à 3 000 milliards de dollars canadiens (G$), ce qui représente presque la taille du PIB de la France en 2019 (3 302 G$CA), selon la Banque mondiale.

Le Canada négocie actuellement un accord de libre-échange avec le Mercosur, dont les pourparlers ont débuté en mars 2018.

En 2019 (j’exclus l’année 2020 en raison de la pandémie de COVID-19), les expéditions de marchandises des entreprises canadiennes dans ce marché ont totalité 2,7 G$, dont la part du lion est allée au Brésil à 2,3 G$.

Nos exportations sont relativement stables au Brésil, où le Canada exporte principalement des engrais, des turboréacteurs, des avions et des médicaments. Par contre, les exportations canadiennes sont en déclin depuis quelques années en Argentine, en Uruguay et au Paraguay.

 

La Chine à la conquête du Mercosur

C’est une tout autre histoire avec la Chine, qui est très active dans le Mercosur.

En 2018, les échanges commerciaux entre la deuxième économie mondiale et les quatre pays du marché commun sud-américain s’élevaient à 107 G$US (130 G$CA), selon une analyse de la firme asiatique Dezan Shira & Associates.

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En 2025, le commerce entre la Chine et le Mercosur devrait être multiplié par cinq pour atteindre 500 G$US, sans parler d’y porter les investissements chinois dans la région à 250 G$US sur la même période.

La Chine est par exemple le plus important partenaire commercial de l’Uruguay. L’empire du Milieu achète 27% des exportations des entreprises uruguayennes, en plus d’investir de manière significative dans les infrastructures du pays.

Si la présence accrue de la Chine dans le Mercosur passe sous la radar au Canada, elle commence en revanche à susciter de l’inquiétude en Europe, souligne le quotidien espagnol El País.

En 2019, l’Union européenne a signé un accord de libre-échange avec le bloc économique, mais il n’a pas encore été ratifié par les pays membres de l’UE. Or, pendant ce temps, le Chine en profite pour étendre son emprise sur le marché sud-américain, souligne le quotidien.

 

L'UE peine à ratifier le libre-échange avec le Mercosur

Une vingtaine d’années ont été nécessaires pour conclure cet accord entre l’UE et le Mercorur.

C’est la raison pour laquelle plusieurs voix s'élevent en Europe afin que les pays accélèrent la ratification du traité, tout en déplorant la perte d’influence des entreprises européennes dans le Marché commun du Sud.

C’est notamment le cas du prestigieux institut de recherche allemand IFO. Dans une étude publiée le 25 mars, il met en garde contre la «perte d’importance de l’Europe comme partenaire commercial» des pays du Mercosur au profit de la Chine.

On attend toujours le même type d’analyse en ce qui a trait à la perte d’importance du Canada dans ce bloc économique.

Et il faudra sans doute plus qu’un accord de libre-échange pour renforcer la présence des entreprises et des investisseurs canadiens dans cette région du monde, dont les Chinois semblent avoir compris son fort potentiel économique.

 

 

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand