La Chine domine les États-Unis dans la plupart des secteurs de haute technologie

Publié le 04/03/2023 à 09:00

La Chine domine les États-Unis dans la plupart des secteurs de haute technologie

Publié le 04/03/2023 à 09:00

Ces technologies couvrent une gamme de domaines cruciaux dans la défense, l'espace, la robotique, l'énergie, l'environnement, la biotechnologie, l'intelligence artificielle (IA), les matériaux avancés et les domaines clés de la technologie quantique. (Photo: 123RF)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. C’est connu, la Chine est une puissance technologique. Ce qui l’est moins, c’est qu’elle domine les États-Unis dans la plupart des secteurs de haute technologie, affirme l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), un groupe de réflexion spécialisé dans les enjeux de politique et de défense.

Dans son dernier rapport (ASPI’s Critical Technology Tracker – The global race for future power), l’organisme australien souligne que la Chine est en avance dans les 37 des 44 technologies de pointe que l’ASPI analyse de près depuis quelques années.

Ces technologies couvrent une gamme de domaines cruciaux dans la défense, l’espace, la robotique, l’énergie, l’environnement, la biotechnologie, l’intelligence artificielle (IA), les matériaux avancés et les domaines clés de la technologie quantique.

Ce groupe de réflexion est financé par des gouvernements (celui de l'Australie et d’autres pays) et des entreprises technologiques et de la défense.

Son rapport tire la sonnette d’alarme sur les résultats de son enquête qui risquent d’avoir des impacts économiques et politiques sur les pays occidentaux.

«Les démocraties occidentales sont en train de perdre la concurrence technologique mondiale, y compris la course aux percées scientifiques et de recherche, et la capacité de retenir les talents mondiaux — des ingrédients cruciaux qui sous-tendent le développement et le contrôle des technologies les plus importantes au monde, y compris celles qui n’existent pas encore.»

 

Après le péril japonais, le péril chinois?

Certains analystes y verront sans doute un constat alarmiste et exagéré, alors que les États-Unis et les principaux pays européens investissent chaque année des sommes énormes en R&D.

Certains se souviendront aussi des craintes similaires que plusieurs analystes, rapports et livres véhiculaient dans les années 1980 à propos du Japon.

En pleine ascension, l’économie nippone devait surpasser l’économie américaine, laissant les États-Unis loin dans le sillage de ses secteurs de haute technologie.

On connaît la suite.

Le Japon a connu une grave crise immobilière au début des années 1990, qui a été suivie par des décennies de déflation.

Les cassandres de malheur ont eu tort: le Japon n’a jamais surpassé les États-Unis, et l’économie américaine à continuer de croître et de maintenir son leadership dans les technologies de pointe.

Cela dit, le portrait que brosse le rapport de l’Australian Strategic Policy Institute mérite une attention particulière.

Deux éléments sont frappants.

Premièrement, le Critical Technology Tracker de l’ASPI montre que, pour certaines technologies, les 10 principaux instituts de recherche mondiaux sont basés en Chine.

De plus, ces derniers génèrent collectivement neuf fois plus d’articles de recherche à fort impact que le pays classé au deuxième rang — le plus souvent les États-Unis.

Les États-Unis arrivent en deuxième position dans la majorité des 44 technologies examinées par l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI). (Photo: 123RF)

Deuxièmement, le groupe de réflexion australien a constaté que la Chine met les bouchées doubles afin d’attirer chez elle des talents et des connaissances.

En fait, 21,6% des articles à fort impact que la Chine publie sont rédigés par des chercheurs ayant suivi une formation de troisième cycle dans un pays du réseau de surveillance Five-Eyes (l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni).

De ce nombre, 3,9% des auteurs ont fait leurs études au Canada, comparativement à 9,8% aux États-Unis — mais avec une population 10 fois supérieure à la nôtre.

Le poids relatif du Canada est donc plus important.

 

Les États-Unis sont dans une classe à part

Malgré la domination de la Chine, les États-Unis sont loin d’être déclassés, souligne le rapport de l’ASPI.

Ils arrivent en deuxième position dans la majorité des 44 technologies examinées. Les États-Unis sont aussi les premiers dans des domaines comme le calcul de haute performance, l’informatique quantique et les vaccins.

En fait, la Chine et les États-Unis sont dans une classe à part par rapport aux autres pays.

Par ailleurs, les données du Critical Technology Tracker démontrent qu’il y a un petit groupe de pays de second rang, qui est mené par l’Inde et le Royaume-Uni. Ces deux pays figurent dans le top cinq pour 29 des 44 technologies analysées.

D’autres pays qui apparaissent régulièrement dans ce groupe — dans de nombreux domaines technologiques — incluent la Corée du Sud, l’Allemagne, l’Australie, l’Italie et, moins souvent, le Japon.

La Corée du Sud et l’Allemagne suivent de près, apparaissant dans les cinq premiers pays pour 20 et 17 technologies.

L’Australie est dans le top cinq pour neuf technologies, suivie de près par l’Italie (sept technologies), l’Iran (six), le Japon (quatre) et le Canada (quatre).

Dans le cas du Canada, ces quatre technologies sont l’extraction et le traitement des minéraux critiques, l’informatique quantique, les systèmes de lancement spatial ainsi que les technologies énergétiques dirigées (c’est-à-dire des armes qui peuvent endommager une cible à distance sans projectile solide, en utilisant par exemple des lasers ou des micro-ondes).

La Russie, Singapour, l’Arabie saoudite, la France, la Malaisie et les Pays-Bas figurent dans le top 5 pour une ou deux technologies.

 

Des pistes de solution pour rattraper la Chine

Selon l’Australian Strategic Policy Institute, les pays occidentaux peuvent améliorer leur performance dans les secteurs de haute technologie.

En revanche, cela nécessite des mesures structurantes et à long terme.

Les gouvernements pourraient par exemple s’accorder entre eux des «visas technologiques» et des bourses de R&D.

Ils pourraient aussi «revitaliser» leur secteur universitaire avec des bourses spécialisées pour les étudiants et les technologues travaillant à la fine pointe de la recherche technologique critique.

Les gouvernements pourraient également transformer leurs systèmes fiscaux afin de diriger davantage les capitaux privés vers le capital-risque et intensifier les efforts pour les nouvelles technologies prometteuses.

Ils pourraient enfin stimuler la création de nouveaux partenariats public-privé et des centres d’excellence pour aider à commercialiser davantage les bonnes idées issues des laboratoires ou des centres de recherche.

On parle ici de mettre en place des politiques publiques qui vont bien au-delà des considérations partisanes.

Cela nécessite une vision claire, coordonnée et à long terme.

Si l’Occident ne veut pas un jour se retrouver loin dans le sillage technologique de la Chine.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand

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