L'élection de tous les dangers au Brésil

Publié le 10/09/2022 à 09:00

L'élection de tous les dangers au Brésil

Publié le 10/09/2022 à 09:00

Le président sortant du Brésil Jair Bolsonaro (Photo: 123RF)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE. Les entreprises n’ont d’yeux que pour les élections de mi-mandat aux États-Unis, la crise énergétique en Europe ou la guerre en Ukraine. Elles devraient toutefois s’intéresser davantage au Brésil, car cet important partenaire commercial du Canada pourrait bientôt plonger dans une grave crise politique.

Le 2 octobre aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle (si nécessaire, le second tour est prévu le 30 octobre) dans ce pays émergent de 217 millions d’habitants, membre du fameux club des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), en plus d'être la 12e économie mondiale.

Or, le président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro, qui traîne dans les sondages au profit de l’ex-président de gauche Liuz Inacio Lula da Silva (2003 à 2011), menace d’ores et déjà de ne pas reconnaître les résultats.

En fonction depuis janvier 2019, le «Trump des tropiques» — comme on le surnomme à l’international — laisse même entendre que sa défaite au premier tour signifierait qu’il y a eu une fraude électorale massive.

Bref, il a grosso modo la même posture que l’ex-président américain Donald Trump aux États-Unis depuis l’élection présidentielle du 3 novembre 2020.

Cette position de Donald Trump fait bien entendu fausse route.

Les autorités américaines n’ont jamais trouvé de preuve permettant de corroborer le fait qu'il y ait eu une fraude électorale massive. Plusieurs élus républicains continuent toutefois de véhiculer ce mensonge et cette théorie conspirationniste.

 

Le troisième partenaire commercial du Canada

La crise politique potentielle qui se dessine à l’horizon brésilien est un enjeu de taille pour de nombreuses entreprises canadiennes.

Le géant sud-américain est le troisième partenaire commercial du Canada dans les Amériques après les États-Unis et le Mexique.

En 2021, le commerce de marchandises entre le Canada et le Brésil a totalisé 9,8 milliards de dollars, selon les données du gouvernement canadien. Nous avons toutefois avec ce pays un important déficit commercial de 5,2G$.

Les principales expéditions des entreprises canadiennes au Brésil comprennent les engrais (45,4%), les machines et pièces détachées (11,8%), les huiles et combustibles minéraux (7,1%) puis les avions et pièces détachées (5,9%).

Du côté des importations, le Canada importe surtout des produits chimiques inorganiques (27,1%), des pierres et métaux précieux (23,5%), des machines (7,7%) ainsi que du fer et de l’acier (4,7%).

En 2020, le commerce bilatéral de services s’élevait à 984 millions de dollars.

La situation au Brésil est particulièrement inquiétante, car la démocratie n’y est pas aussi bien implantée qu’aux États-Unis (malgré ses imperfections).

Le pays a vécu sous une dictature militaire de 1964 à 1985. L’armée y exerce toujours une certaine influence. Jair Bolsonaro, un ancien militaire de l’époque de la dictature, a nommé plusieurs militaires à des postes clés dans son gouvernement.

Le rôle de l’armée sera d’ailleurs déterminant pour la suite des choses au Brésil, soulignent plusieurs analystes.

Dans le magazine Foreign Policy, un spécialiste de la politique brésilienne souligne que plusieurs généraux ont critiqué le président sortant, et qu’un coup d’État classique (avec des chars d’assaut) était peu probable, même si plus de 6000 membres des forces armées brésiliennes travaillent dans le gouvernement Bolsonaro.

En revanche, il estime que Jair Bolsonaro pourrait s’appuyer sur ses partisans dans les forces de sécurité pour exiger un nouveau vote, voire déclarer l’état d’urgence. Une situation qui entraînerait aussi une crise politique.

 

Comment réagiront la classe politique et les citoyens?

Dans un balado de la radio France Culture, un spécialiste du Brésil estime toutefois que Jair Bolsonaro a peu de chance de réussir dans cette voie, car l’élection du 2 octobre ne vise pas qu’à élire un nouveau président.

Elle permet aussi de choisir des gouverneurs (le Brésil est un État fédéral comme le Canada ou les États-Unis), des sénateurs et des députés, et ce, aussi bien au niveau fédéral qu’au niveau des États.

Or, ces femmes et ces hommes politiques voudront entrer en fonction ou continuer leur précédent mandat.

On ne peut pas prédire comment se déroulera le premier tour de l’élection présidentielle au Brésil le 2 octobre.

Jair Bolsonaro tentera-t-il de s’accrocher au pouvoir s’il le perd?

Peut-il réussir dans cette tentative?

Comment l’armée réagira-t-elle? Sera-t-elle fidèle au président élu et à la République?

Chose certaine, ce sera un gros test pour la jeune démocratie brésilienne.

Un test qui pourrait aussi avoir un impact sur les relations commerciales entre le Canada et le Brésil.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand

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