Élections américaines: la menace protectionniste s’amenuise

Offert par Les Affaires


Édition du 26 Octobre 2022

Élections américaines: la menace protectionniste s’amenuise

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Édition du 26 Octobre 2022

Le Capitole des États-Unis héberge la Chambre des représentants et le Sénat. (Photo: Harold Mendoza Unsplash)

ZOOM SUR LE MONDE. La montée du protectionnisme est toujours un risque lors d’une élection aux États-Unis, à commencer par les élections de mi-mandat, le 8 novembre. Or, trois facteurs semblent réduire ce risque: le protectionnisme est devenu un enjeu bipartisan, les États frontaliers du Québec sont favorables au libre-échange et la notion du Buy North American fait son bonhomme de chemin au sud de la frontière.

Lors des prochaines élections de mi-mandat, outre une forte majorité de postes de gouverneurs (36 sur 50), le tiers des 100 sénateurs et l’entièreté des 435 représentants siégeant à Washington sont en élection.

Actuellement, les démocrates du président Joe Biden contrôlent à la fois le Sénat et la Chambre des représentants.

Or, selon les prévisions du site FiveThirtyEight, les républicains sont favoris pour gagner le contrôle de la Chambre des représentants. En revanche, les démocrates devraient garder le contrôle du Sénat. Cela dit, le résultat des élections de mi-mandat au Congrès ne devrait pas causer de mauvaises surprises pour les entreprises actives aux États-Unis.

 

Une question bipartisane

Mentionnons d’abord le fait qu’il n’y a pas de nouvelle menace protectionniste Le protectionnisme est devenu une question bipartisane depuis la récession de 2008-2009, ce qui représente un nouveau paradigme idéologique en rupture avec celui de l’après-guerre.

Durant des décennies, les républicains (près du monde des affaires) étaient en faveur du libre-échange, tandis que les démocrates (près des syndicats) y étaient opposés, rappelle Bernard Colas, associé au cabinet CMKZ et avocat spécialiste en droit du commerce international.

Ce nouveau paradigme fait en sorte que des entreprises québécoises doivent s’implanter aux États-Unis afin de préserver leur accès à ce marché en raison du Buy American (pour les achats de biens du gouvernement fédéral) ou du Buy America (pour les projets de transports publics).

C’est le cas de la société manufacturière Marmen. En janvier 2021, l’entreprise a annoncé la construction d’une nouvelle usine à Albany, dans l’État de New York, afin de pouvoir participer à un gros projet de parcs d’éoliennes en mer dans l’Atlantique.

Bref, les entreprises québécoises connaissent la musique et s’adaptent.

Par ailleurs, même si les postes de gouverneurs sont en jeu dans la plupart des États du Nord-Est améri-cain, les favoris sont plutôt favorables au commerce avec le Canada, à commencer par ceux des quatre États limitrophes du Québec, explique Frédéric Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste de la politique américaine.

On n’a qu’à penser, par exemple, au gouverneur républicain sortant du Vermont, Phil Scott (qui a voté pour Joe Biden en 2020). Il milite pour un renforcement des liens économique entre le Québec et son État. Malgré tout, il y a des sources d’inquiétude, notamment dans le Maine. Deux candidats s’y s’affrontent, soit la gouverneure démocrate sortante, Janet T. Mills, et l’ancien gouverneur républicain, Paul Lepage. Ils sont tous les deux en faveur du projet énergétique d’interconnexion Appalaches-Maine afin d’accroître les capacités d’échange entre le Québec et la Nouvelle-Angleterre, souligne une source gouvernementale qui requiert l’anonymat.

En revanche, à la fin de 2021, la gouverneure Mills a suspendu les travaux dans le Maine à la suite d’un référendum, au terme duquel des citoyens se sont prononcés contre le projet NECEC (New England Clean Energy Connect). Ce dernier — qui a reçu toutes les autorisations — pourra-t-il être mené à terme? Chose certaine, il y a un risque que ce projet subisse le même sort que le projet Northern Pass d’HydroQuébec au New Hampshire, l’État voisin, qui est passé à la trappe parce qu’il n’a pas reçu toutes les autorisations réglementaires.

 

Un point de bascule

Malgré tout, le portrait de la situation est plutôt favorable aux États-Unis dans les prochaines années, peu importe le résultat des élections de mi-mandat. Les projets de l’administration Biden pour relancer l’économie et pour accélérer la transition énergétique ont été adoptés au Congrès, tout comme les budgets qui y sont associés.

Ces projets représentent des occasions d’affaires, et ce, de technologies propres aux minéraux critiques et stratégiques en passant par les énergies vertes.

De plus, une nouveauté est apparue dans les récentes législations adoptées au Congrès, soit la notion du Buy North American, notamment pour les voitures électriques vendues aux États-Unis. Ainsi, pour bénéficier du crédit d’impôt pour acheter ces véhicules, celles-ci ne doivent plus être assemblées aux États-Unis, mais en Amérique du Nord. C’est une petite «révolution mentale»dont on peine encore à saisir toute la portée, et qui va transformer à terme les chaînes de production en Amérique du Nord. Une petite révolution qui s’inscrit dans une volonté des États-Unis de se rapprocher de leurs partenaires fiables — à commencer par le Canada — afin de réduire leur dépendance à la Chine. Cette clause concourt en même temps à réduire le risque politique pour les entreprises québécoises qui brassent des affaires aux États-Unis.

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand