Cette élection pourrait affaiblir Donald Trump

Publié le 20/01/2018 à 11:32

Cette élection pourrait affaiblir Donald Trump

Publié le 20/01/2018 à 11:32

Le président américain Donald Trump (source photo: Getty)

ANALYSE GÉOPOLITIQUE – Déjà impopulaire dans les sondages, le président Donald Trump pourrait perdre des plumes lors des élections de mi-mandat du 6 novembre aux États-Unis. Le parti républicain, qui contrôle le Sénat et la Chambre des représentants, pourrait perdre l’une des deux chambres, voire les deux.

La Chambre des représentants compte 435 sièges, dont tous les membres seront en réélection en novembre. Le Sénat compte 100 sièges, mais seulement le tiers des membres tenteront de se faire élire à nouveau –les sénateurs sont élus pour six ans.

Les républicains ont une bonne majorité à la Chambre des représentants, où ils contrôlent 240 des 435 sièges. Par contre, leur majorité est mince au Sénat : 51 à 49, si on inclut les deux indépendants qui votent souvent du côté des démocrates.

Il va sans dire qu’une victoire des démocrates dans l’une des deux chambres, voire les deux, limiterait la capacité de l’administration Trump à faire adapter des lois, souligne Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Financière Banque Nationale (FBN).

«La perte d'une ou des deux chambres du Congrès constituerait un revers majeur pour le président Trump et les républicains», écrit-il dans une note.

Comment Trump serait affaibli

Selon lui, trois facteurs affaibliraient la présidence de Donald Trump :

Facteur #1 Le parti républicain ne serait pas en mesure de faire adopter des projets de loi plus importants uniquement avec un soutien républicain.

Facteur #2 Cela augmenterait le risque que les démocrates amorcent une procédure de destitution (impeachment) contre Trump.

Facteur #3 La perte de contrôle du Sénat par les républicains donnerait aux démocrates un droit de veto contre Trump pour nommer les juges et les dirigeants des agences fédérales. Or, le président a besoin d'une majorité de votes au Sénat pour confirmer les candidats.

Un an après son élection, les intentions de vote à l’égard de Donald Trump indiquent que les républicains sont à risque au Congrès.

«Le fait que Trump ait la cote d'approbation la plus basse de tout président moderne à ce stade de son mandat a exacerbé les craintes que les républicains subissent de lourdes pertes», souligne Angelo Katsoras.

À la fin de 2017, un sondage Gallup montrait que le taux d’approbation de Trump était seulement de 35%.

À titre de comparaison, les présidents démocrates Barack Obama (2009) et Bill Clinton (1993) ont terminé leur première année au pouvoir avec des taux d'approbation respectifs de 50% et 54%, selon le Wall Street Journal.

Malgré tout, ce soutien populaire ne les a pas empêchés de faire très mal lors de leurs premières élections de mi-mandat, comme on peut le constater sur ce graphique publié par le média américain Vox.

Selon certains analystes, les investisseurs exposés au marché américain pourraient ressentir un affaiblissement de l’administration Trump, car ses politiques favorisent le secteur financier et les entreprises américaines.

La FBN affirme que les investisseurs devraient passer plus de temps à se concentrer sur qui dirige les organismes de réglementation clés et moins de temps sur les projets de lois, qui ont souvent peu de chance de devenir une loi.

Car, contrairement aux lois, les responsables des organismes de réglementation peuvent souvent changer des règles sans l’approbation du Congrès. Ils peuvent aussi choisir de ne pas appliquer rigoureusement les règlements ou les lois en vigueur.

Jean-René Ouellette, analyste principal au Groupe conseil en portefeuilles chez Valeurs mobilières Desjardins, est moins inquiet par rapport aux élections de mi-mandat.

«Si les élections de mi-mandat attirent beaucoup d’attention médiatique, l’impact sur l’économie et les marchés devrait s’avérer minimal», affirme-t-il en entrevue à Les Affaires.

Il propose deux stratégies pour les investisseurs, l’une offensive, l’autre défensive.

Stratégie offensive

«Bien qu’il se fasse tard dans le cycle économique, notre stratégie offensive continue de privilégier le secteur financier ainsi que certains segments technologiques», dit-il.

Selon lui, le secteur financier (les banques et les assureurs) continue de se transiger à des multiples raisonnables (par exemple, le ratio cours-bénéfice). «Ce secteur devrait bénéficier des hausses de taux et d’un environnement réglementaire moins hostile.»

Le secteur financier a amélioré sa structure de coûts depuis quelques années. Cela lui a permis d’augmenter ses revenus tout en stabilisant ses dépenses.

Quant au secteur technologique, les investisseurs doivent éviter certaines niches où les évaluations deviennent «stratosphériques», affirme le portefeuilliste de Desjardins.

«Néanmoins, certains segments, dont les services et les logiciels, s’échangent à des multiples similaires à ceux du marché avec cependant une croissance nettement supérieure.»

Il souligne que la réduction des impôts sur les profits étrangers rapatriés aux États-Unis est «particulièrement bénéfique» pour le secteur technologique.

Stratégie défensive

Côté défensif, Jean-René Ouellette affirme que certains secteurs «classiques» sont à éviter.

Parmi eux, on compte l’immobilier et les services publics. Ils souffriront de la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis –des augmentations qui sont indépendantes de la Maison-Blanche.

Le secteur de la consommation de base est aussi à éviter. «Il se transige à des multiples très élevés et la croissance y est inexistante. La protection du passé pourrait ne pas être aussi présente lors de prochains replis», fait remarquer Jean-René Ouellette.

Dans ce contexte, le secteur de la santé est le créneau défensif de prédilection du portefeuilliste de Desjardins.

«Les grandes sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques ont des évaluations historiquement basses et possèdent des bilans excessivement solides», dit-il.

Selon lui, les inquiétudes à l’égard de «la minceur des pipelines de nouvelles molécules sont possiblement surfaites», surtout dans le contexte de la hausse des approbations effectuées par la Food and Drug Administration (FDA), l’équivalent de Santé Canada.

Les élections de mi-mandat seront fatales à Donald Trump?

Pourrait-on assister au début du processus de destitution du président, si les démocrates reprenaient le contrôle de la Chambre des représentants et du Sénat?

Bien malin qui peut le prédire avec certitude. Le vote en faveur du Brexit et l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche devraient tous nous inciter à la prudence.

Bref, méfions-nous des analyses et des prévisions sans nuance.

Quelques jours avant l’élection présidentielle de 2016, Donald Trump avait un taux d’approbation de 36%, rappelle Angelo Katsoras.

Or, il a été élu président des États-Unis, alors que la plupart des analystes politiques avaient prévu une victoire de la démocrate Hillary Clinton.

 

À propos de ce blogue

Dans son analyse Zoom sur le monde, François Normand traite des enjeux géopolitiques qui sont trop souvent sous-estimés par les investisseurs et les exportateurs. Journaliste au journal Les Affaires depuis 2000 (il était au Devoir auparavant), François est spécialisé en commerce international, en entrepreneuriat, en énergie & ressources naturelles, de même qu'en analyse géopolitique. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke. François a réalisé plusieurs stages de formation à l’étranger: à l’École supérieure de journalisme de Lille, en France (1996); auprès des institutions de l'Union européenne, à Bruxelles (2002); auprès des institutions de Hong Kong (2008); participation à l'International Visitor Leadership Program du State Department, aux États-Unis (2009). En 2007, il a remporté le 2e prix d'excellence Caisse de dépôt et placement du Québec - Merrill Lynch en journalisme économique et financier pour sa série « Exporter aux États-Unis ». En 2020, il a été finaliste au prix Judith-Jasmin (catégorie opinion) pour son analyse « Voulons-nous vraiment vivre dans ce monde? ».

François Normand