COVID-19: s'adapter, innover, s'engager

Publié le 02/04/2020 à 08:00

COVID-19: s'adapter, innover, s'engager

Publié le 02/04/2020 à 08:00

Un coeur dessiné sur une vitre embuée.

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Bouleversé. Je crois que c’est le terme juste pour décrire mon état d’âme, d’être et d’esprit. J’ai l’impression d’avancer à tâtons dans l’obscurité, essayant d’apprivoiser cette nouvelle réalité et de m’adapter à un jeu dont les règles évoluent chaque jour. Un jeu où ce n’est clairement pas le plus fort qui va l’emporter, mais celles et ceux qui s’adapteront le plus rapidement.

Bien que cet adversaire traverse les frontières, les communautés, le commerce et les finances, il est affreusement cruel envers les plus vulnérables. Sans scrupules, il fonce.

Chez moi, plusieurs questions roulent en boucle: j’ai l’impression d’avoir tenu tellement de choses pour acquises. Comme la simple liberté de sortir, jusqu’au plaisir de visiter ma chère mère. Des cadeaux simples de la vie, étrangement lointains.

Comment nous adapter à ce contexte soudain et inédit? Si on prenait un pas de recul pour examiner la situation avec pragmatisme et un soupçon de sagesse?

 

Temps de crise, vent d’opportunités

En 1929, le plus grand krach boursier de l’histoire ouvre la porte à la Grande Dépression qui affectera le monde durant une décennie. Le PIB mondial chute alors de près de 15%. Plusieurs personnes sont ruinées et à l’apogée de la crise, le taux de chômage au Canada frôle les 30%.

Au moment où les indicateurs sont au rouge, en février 1930, l’entrepreneur Henry Luce lance Fortune Magazine. Une publication à coût prohibitif (1 dollar, le New York Times coûte alors 5 cents), étoffée (184 pages pour la première édition), un format démesuré pour l’époque (11x14) et des images de qualité, prises par les meilleurs photographes. Sept ans plus tard, Fortune Magazine comptait un demi-million d’abonnés.

Alors que la misère et le désespoir parcouraient les rues, Henry Luce avait senti, puis saisi l’opportunité de redonner le goût aux gens de rebâtir l’Amérique. Il a misé sur leurs aspirations, l’envie de se prendre en main, de se retrousser les manches et de repartir la machine. Il a confronté l’incertitude en étant, comme on dit dans le jargon, «bold» (audacieux). Plus tard, ce cofondateur de Time a également lancé les magazines Life et Sports Illustrated.

Contrairement à la croyance populaire, les périodes de récession économique sont souvent le laboratoire idéal pour les entrepreneurs capables d’anticiper et d’entrevoir les transformations dans les habitudes des consommateurs. IBM, P&G, GE, Microsoft, CNN, Hyatt: voilà autant d’entreprises nées en des temps maussades.

 

Le moment de (se) poser les bonnes questions

Si je vous demande combien font 2+3, vous me répondrez 5. Si je modifie légèrement la question, par exemple quelle somme de 2 chiffres donne 5, tout à coup, nous passerons d’une seule bonne réponse à une infinité de réponses. Dans les deux cas, il s’agit d’une simple addition. Pourtant, un univers les sépare.

Autrement dit, notre manière d’aborder la vie et ses aléas dépend en grande partie des questions que l’on se pose. En cas de crise, ce référentiel peut sauver des vies. À ce chapitre, peu d’histoires illustrent mieux cette philosophie que l’expérience du capitaine Gerald Coffee.

Capturé durant la guerre au Vietnam, il sera confiné durant sept ans dans une cellule, à Hanoï. Il raconte que s’il a survécu, en gardant l’esprit sain, alors que d’autres soldats s’enlevaient la vie, c’est qu’il évitait de se poser des questions comme «pourquoi Dieu me punit-il ainsi?», préférant se demander «comment puis-je me servir du temps à ma disposition?»

S’il était interdit de communiquer entre prisonniers, ceux-ci développèrent leur propre code, en frappant au mur. «On a créé notre propre langage. Nous partagions de l’information et j’ai même appris de la poésie. Jamais n’ai-je à ce point apprécié la communication humaine. Je me suis rappelé les chansons de mon enfance, qui m’ont accompagné tout le long. Et malgré l’environnement hostile à l’extérieur, ce fut l’une des expériences les plus enrichissantes de ma vie», raconte le capitaine, aujourd’hui âgé de 85 ans.

La présente crise nous force à douter. Douter des systèmes dans lesquels nous vivons, des fondements de notre économie, des relations avec nos proches et parfois même, de nous. En nous inspirant du capitaine Coffee, peut-être devrions-nous éviter de nous poser des questions divergentes, dont on ignore les réponses, pour plutôt privilégier l’idée de donner un sens à notre propre confinement, en nous assignant une mission.

Pour démarrer, projetons-nous dans cinq ans: quelles images aimeriez-vous retenir, quel récit de votre confinement aimeriez-vous raconter? Que ce soit pour apprendre à mieux connaître les nôtres, de manière plus intime et authentique, ou encore pour agir comme bénévole, nous devons empêcher de transformer la distance physique en distance sociale.

 

Gratitude et engagement

Dans cette grande bataille, nos deux principaux ennemis ne sont pas microscopiques, mais terrés en nous: il s’agit de la peur et de la colère.

Ces émotions ont grandement servi les humains des temps anciens, alors que les tribus étaient en constant danger d’attaques d’animaux sauvages ou d’adversaires.

Or, à une époque comme la nôtre, le moment semble plutôt propice à aiguiser notre intelligence émotionnelle, sans trop accorder d’attention aux émotions primitives, pour ainsi privilégier deux clés qui nous aideront à ressortir grandis de cette épreuve: la gratitude et l’engagement.

La gratitude, c’est la prise de conscience d'être extraordinairement choyé par la vie, le tout s'accompagnant d'un puissant sentiment de reconnaissance.

Pensons-y: malgré la situation, nous sommes choyés par notre système démocratique, par nos institutions gouvernementales, par le leadership des politiciens, par le personnel d’un système de santé proactif.

Nous sommes aussi choyés de vivre à une époque où l’on peut rester connectés avec nos proches, sans devoir transmettre une lettre par cheval ou par bateau, à l’autre bout du monde. Une époque où tout le savoir est accessible, en quelques clics. Choyés d’accéder à des créations artistiques, ou encore des productions télés et cinématographiques de haute qualité, à moins de 20$ par mois, bien calés dans notre canapé. Ainsi pratiquer chaque jour la gratitude, c’est changer notre perception de la vie.

Et quand on observe la formidable mobilisation citoyenne, en particulier celle de l’écosystème entrepreneurial québécois, on comprend également à quel point la volonté d’engagement est ancrée en nous. Des compétitions d’innovation sont lancées chaque jour. Idéateurs, concepteurs, geeks, entrepreneurs : tous se mobilisent pour affronter la plus importante bataille de notre époque, peut-être de notre vie. D’où l’importance de contribuer à quelque chose de plus grand que nous, à notre manière, avec nos talents et notre cœur.

Quand on travaille, on atteint un objectif. Quand on consacre notre talent à une cause supérieure à nous-même, l’engagement déploie sa valeur, dans son entière plénitude.

 

L’espoir en action

Dans cette intense zone de turbulence, nous vivons tous des hauts et des bas. Dans mon cas, pour contrecarrer l’énergie négative, je me rejoue la même séquence: j’imagine d’énormes rayons de soleil plongeant sur une rue. J’entends la rumeur des conversations sur les terrasses, les rires au loin. L’air transporte les odeurs de plats et des boissons partagés entre amis et collègues. Je vois des gens se faire l’accolade, des poignées de main échangées, des sourires complices. À proximité, la musique d’un festival flotte dans l’air. À un coin de rue, j’aperçois ma mère, qui m’attend. Je la serre dans mes bras, comme si la vie me donnait une deuxième chance. Un sentiment de victoire et de gratitude m’habite alors.

Je souhaite que cette épreuve nous donne, avec humilité, l’occasion d’apprécier ces petites (et pourtant si grandioses!) choses de la vie.

Explorer de nouvelles perspectives, particulièrement dans un contexte de crise, ce n’est pas simple. Chose certaine, nous devons privilégier l’action. Parce que l’espoir n’est jamais passif, il est actif.

Posons-nous les bonnes questions. Travaillons en équipe. Emplissons notre cœur de gratitude et d’engagement. Passons à l’action, avec détermination et courage. Ensemble, on va y arriver ✌️.

 

À propos de ce blogue

Federico Puebla est directeur du laboratoire d’innovation de SNC-Lavalin, le Lava Lab. Ancien artisan du Desjardins Lab et du Coopérathon, il nous explique comment favoriser l'innovation ouverte dans vos rangs.

Federico Puebla