Contrats publics : en finir avec la règle du plus bas prix

Publié le 02/12/2019 à 13:37

Contrats publics : en finir avec la règle du plus bas prix

Publié le 02/12/2019 à 13:37

(Photo : 123rf)

Le gouvernement du Québec veut réviser le mode d’octroi des contrats publics des services d’architecture et d’ingénierie. Et ça inquiète beaucoup les ingénieurs et les architectes, car Québec pourrait appliquer des formules qualité-prix. « Ce type d’approche favorise presque toujours les plus bas soumissionnaires, ce qui compromet la qualité et la durabilité des ouvrages », déplore André Rainville, président-directeur général de l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG). Il sera question de cet enjeu lors du Forum Contrats publics des Événements Les Affaires, le 11 février prochain à Montréal. M. Rainville présentera alors une étude sur les modes d’octroi de contrats, commandée par l’AFG et l’Association des architectes en pratique privée du Québec.

Quel était l’objectif de cette étude ?

André Rainville : C’était de vérifier si les formules qualité-prix couramment utilisées favorisent le juste prix en tenant compte de la qualité ou bien le plus bas prix au détriment de la qualité. La firme MCE Conseils a réalisé l’étude à l’aide de données provenant de vrais appels d’offres. Elle a analysé trois approches : la formule avec un paramètre K qui a été envisagée par le gouvernement du Québec, la formule municipale et la formule proportionnelle qualité-prix du fédéral.

Et quels sont les résultats ?

A.R. : Avec la méthode proposée par Québec et celle utilisée par les municipalités, le prix détermine la soumission gagnante dans la majorité des cas. Il y a une pondération du facteur qualité, mais elle est trop faible pour avoir un impact. Cependant, la formule fédérale est intéressante. Elle donne 90 % de la note à la qualité et 10 % au prix. La qualité est donc un critère prépondérant.

Actuellement, Québec utilise un mode de sélection basé sur la qualité. Préconisez-vous le statu quo ?

A.R. : Dans le meilleur des mondes, ce serait le seul mode d’octroi des contrats publics. On aimerait qu’il soit maintenu. Cela dit, dans le contexte des discussions avec le Conseil du trésor, on est ouverts à un nouveau mode de sélection, mais il faudrait qu’il donne une prépondérance à la qualité. Sinon, ce sera un recul.

Forum Contrats publics

Le Québec pourrait-il s’inspirer des pratiques qui ont cours aux États-Unis ?

A.R. : Aux États-Unis, la sélection basée sur la qualité est utilisée au niveau national et dans plusieurs États. Cependant, si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur les honoraires, le donneur d’ouvrage peut passer à la firme suivante. C’est la grande différence par rapport à ce qui se fait ici avec la sélection sur la qualité. Notre association pense que le gouvernement québécois pourrait avoir cette flexibilité, même si les honoraires des ingénieurs et des architectes sont encadrés par des décrets. On est très ouverts à cela.

Quelles sont les conséquences d’une sélection fondée sur le plus bas prix ?

A.R. : Quand vous rognez sur les coûts de planification et de conception, vous risquez de payer plus cher à long terme. Il y aura un impact sur la durabilité de l’ouvrage, sa performance, ses coûts d’exploitation et d’entretien, son empreinte environnementale. Et que dire de son esthétisme et de son intégration dans son milieu ! La conception représente seulement 1 à 2 % des coûts sur le cycle de vie d’un projet, mais c’est à cette étape qu’on innove et qu’on trouve des moyens d’optimiser la qualité. Il faut donc investir en amont plutôt que de chercher le plus bas prix.