Le Canada vers 2030, sous l'angle des pandémies (2 de 3)

Publié le 25/03/2020 à 11:18

Le Canada vers 2030, sous l'angle des pandémies (2 de 3)

Publié le 25/03/2020 à 11:18

Un drapeau du Canada

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Pour le lancement du projet Canada vers 2030 et de ses ateliers pancanadiens à l’été 2013, j’avais rédigé un essai qui fut utilisé pour démarrer nos échanges de prospective à long terme. Sans aucune prétention divinatrice, l’essai mentionnait l’enjeu des pandémies comme suit :

 

(1 de 3) LE MONDE EN 2020 – tel qu’imaginé en 1997

• (2 de 3) LE CANADA VERS 2030 (sous l’angle des pandémies) – tel qu’imaginé en 2013

• (3 de 3) L’APRÈS-COVID-19 PAR LA TECHNIQUE DES SCÉNARIOS – exercice pratique

 

GÉOPOLITIQUE VERS 2030

Bien que les conflits traditionnels ne disparaîtront pas, la géopolitique dans les dix ou vingt prochaines années sera plus que probablement dictée par des «cygnes noirs» (black swans) – comme une instabilité en Chine (incitée peut-être par une pandémie majeure …)

 

CANADA DANS LE MONDE VERS 2030

(Un Canada pro-valeurs libérales, échangiste et mondialiste confronté à …) Paradoxalement, nous assisterons peut-être à la renaissance du mouvement anti-mondialisation, peut-être stimulé par plus de récessions, de pandémies, une (re)montée du nationalisme, du syndicalisme, de l'environnementalisme et du protectionnisme qui rendront assez différente la problématique de la gouvernance globale en 2030.

 

MONDIALISATION VERS 2030

À l’avenir, la mondialisation se révèlera à la fois soutenable et réversible. Soutenable par l'augmentation du revenu des pays émergents qui stimulera la demande et par la recherche constante du profit qui favorisera les échanges productifs de biens, de services et de capitaux d’un pays à l’autre. Réversible, la mondialisation n’est pas à l’abri d’une remontée des barrières au commerce, des problèmes surgiront, liés à la manipulation des devises et aux mécanismes des taux de change, des défauts souverains et, peut-être, des cygnes noirs (pandémies, guerres, tempêtes solaires, piratage informatique, qui forcent l’effondrement des réseaux de télécommunication, de transport aérien ou bancaire, des chocs pétroliers, etc.) – le tout pouvant refaçonner la mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui.

 

SCIENCES ET TECHNOLOGIES VERS 2030

Des techno-risques émergeront aussi: d’un grand crash du Net, des télécom ou du réseau électrique aux médicaments de contrefaçon, aux menaces auto-générées (virus informatique «Y2K+», bactérie «D-difficile», des virus résistants aux médicaments antiviraux, la fertilisation croisée d’OGM, etc.), à la cyber criminalité et - Ô surprise ! - à des technologies moins abordables et moins disponibles (en raison de l’inflation, de problèmes d’approvisionnement, de monopoles ou du protectionnisme).

 

Pour nos échanges sur le futur de la démographie, de l’environnement et de l’urbanisation, mon essai offrait le scénario suivant: «... des nouvelles maladies se propageant de nouvelles façons, (avec) des effets sévères». J’extrapolais les risques pour la santé publique de tendances en croissance, soit celle de l’insalubrité environnementale et des maladies animales et de l’urbanisation et du tourisme créant des milieux et des vecteurs propices à la propagation des virus.

La prévision à l’époque entrevoyait des pertes importantes pour l’Asie, la Russie, et des pays l’Afrique et d’Amérique latine, affectant nos exportations et nos importations avec ces régions. Constatant la résilience torontoise lors du SRAS et les leçons tirées, nous n’avions pas imaginé que des pays modernes comme la France ou l’Italie puissent souffrir un jour d’une pandémie virale – et ce avant l’Inde par exemple, un pays vulnérable. Appelons cela un biais de conformité.

Pour discuter des risques idéologiques et systémiques à effets domino ou secondaires, je proposais un scénario de déglobalisation caractérisé par «l'interventionnisme, la nationalisation partielle ou le mercantilisme de toutes sortes, le near sourcing et un découplage graduel sont à prévoir». Nous avions parlé de ruptures d’approvisionnement et de service, d’arrêts momentanés d’usines et de bureaux et de pertes d’emploi dans l’attente de nouvelles chaînes de valeurs et de modèles d’affaires.

Parmi les mirages discutés en 2013, c’est sûrement celui de la fin de la distance qui est le plus pertinent ces temps-ci. On y dénonçait l’enthousiasme de ceux qui pensaient que la mondialisation était irréversible et qu’il était facile d’y participer (The World is Flat), que les distances physiques n’avaient plus d’importance (curieusement, la diapositive projetée montrait le livre avant-gardiste The Death of Distance (1997), écrit par Frances Cairncross, l’épouse d’Hamish McRae).

La fin de ce mirage allait se vérifier lors du retour du commerce de proximité et à boucles d’approvisionnement plus courtes. «La distance n'est pas infranchissable, certaines entreprises feront fi de leur localisation pour attaquer virtuellement tous les marchés du monde, mais une forte économie domestique sera souhaitable tandis que nous nous adapterons à une nouvelle carte géo-économique.» La COVID-19 nous montre la vulnérabilité du tout-sous-traiter-en-Chine, du tout-importer, du zéro-inventaire (just-in-time), et des systèmes financiers et de production hyperintégrés.

Confronté au COVID-19, la prospective moderne peut utiliser des données comme la densité urbaine, les déplacements des personnes, le nombre de personnes âgées (et en santé), le flux de voyageurs, la qualité des normes et des infrastructures sanitaires et de santé et des mesures d’urgence des pays, le nombres de personnes infectées, hospitalisées, etc., afin de modéliser et de prédire certaines trajectoires de l’infection. Pour ce qui est du coronavirus lui-même, la communauté scientifique compte un grand nombre d’experts, des programmes de collaboration avancés, une gamme de vaccins et médicaments sur lesquels s’appuyer, et une quantité grandissante de données permettant, au jour le jour, de mieux comprendre ce qu’est ce virus féroce et ce qui l’arrêtera.

Malgré mon optimisme personnel, une ambiguïté persiste (voir définition d’une ambiguïté ici). Quelles seront les conséquences à court, moyen et à long terme de ce grave coronavirus? Selon les Cassandres, des prévisions catastrophiques nous préparent à une longue récession, à de la stagflation, à une économie de temps de guerre, à de grandes privations et du chaos. Ces vues calamiteuses ne sont pas une vision d’avenir, tout au moins dans sa définition managériale.

Bien que le confinement demeure notre meilleure alliée et que l’improvisation empoigne notre quotidien, l’anticipation de l’après-COVID-19 s’impose. Qu’elle sera votre stratégie lorsque le virus sera contrôlé et curable? Je vous proposerai demain, sur une autre page, un trilemme offrant huit scénarios alternatifs pour vous aider à imaginer votre propre stratégie post-coronavirus. Bonne prospective

 

À propos de ce blogue

Pressé par l’hyperactivité professionnelle et la vitesse de l’actualité, on oublie que la pensée à long terme demeure essentielle à la pérennité de nos réussites. Échouer de planifier, c’est planifier d’échouer, rappelle Eric Noël, qui a plus de 30 ans d’expérience en stratégie à long terme et a conseillé des transactions de plus de 30 G$ dans plus de 30 pays. Le prospectiviste et initiateur du projet Canada vers 2030 nous propose de réfléchir aux macro-tendances pour mieux anticiper leurs conséquences et mieux s’adapter, voire changer l’avenir.