Droit de la famille: connaissez-vous les règles actuelles?

Publié le 23/11/2018 à 09:00

Droit de la famille: connaissez-vous les règles actuelles?

Publié le 23/11/2018 à 09:00

Le droit de la famille fera l’objet de modifications majeures au cours des prochains mois. La société québécoise a évolué et il était temps que les dispositions sur le droit de la famille le reflètent pour mieux protéger les conjoints de fait, leurs enfants... et même de nombreux époux!

Parlant de «droit de la famille», quelques notions fondamentales méritent d’être clarifiées parce qu’elles sont souvent mal interprétées et peuvent mener à de coûteuses erreurs.

Patrimoine familial... c’est quoi déjà les règles ?

Si vous êtes marié (ou uni civilement), vous êtes assujetti aux règles du patrimoine familial. Ce n’est pas un choix, c’est automatiquement en vigueur dès le mariage. D’ailleurs, on évoque souvent le manque de connaissances des conjoints de fait à l’égard des conséquences possibles d’une séparation ou d’un décès mais combien d’époux sauraient dire exactement les conséquences légales et financières d’un mariage?

L’un des principaux éléments dont il faut tenir compte dans une union légale est le patrimoine familial.

Lorsque les règles ont été instaurées en 1989, les couples qui souhaitaient s’y soustraire ont eu la possibilité de le faire au cours d’une période limitée de 18 mois, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Par contre, avec ce qui est proposé dans le rapport Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales produit en 2015 par un groupe d’experts dirigé par Alain Roy, professeur de droit à l’Université de Montréal, il serait notamment possible pour un couple qui se marie de renoncer aux règles du patrimoine familial.

Plusieurs personnes pensent, à tort, que tout est partageable en cas de divorce. Ce n’est pas le cas.

Plusieurs biens ne font pas partie du patrimoine familial. Ils ne sont donc pas partageables. Et lorsqu’ils le sont, c’est peut-être en partie seulement.

Les biens qui font partie du patrimoine sont les suivants :

  • Résidences et les meubles qui servent à la famille ;
  • Véhicules servant à la famille ;
  • Régimes de retraite et REER ;
  • Droits accumulés en vertu du Régime de rentes du Québec.

Le reste n’en fait pas partie.

Par exemple, un CELI, un immeuble à revenu, des actions d’une société (compagnie), un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB)... Cela ne signifie pas que ces biens ne sont pas partageables, cependant. Ils pourraient l’être si vous n’avez pas de contrat de mariage.

Dans le patrimoine familial, ce qui est partageable, c’est la valeur des biens acquis pendant le mariage.

Par exemple, si vous possédez un REER de 100 000 $ avant de vous marier et que ce même REER (sans y avoir contribué davantage) vaut 150 000 $ au moment du divorce, les 50 000 $ additionnels ne sont PAS partageables.

Si vous désirez contribuer à un REER après vous être marié, vous auriez ainsi avantage – pour fins de simplification – à vous ouvrir un deuxième compte REER pour ne pas devoir retracer chacune des transactions dans l’éventualité d’une séparation.

Le même principe s’applique avec une maison entièrement payée avant le mariage. Peu importe de combien la valeur de la maison augmente, la valeur totale n’est pas partageable en cas de divorce.

Si vous êtes propriétaire d’une résidence qui n’est pas entièrement payée au moment de prononcer « Oui, je le veux », c’est la proportion de l’équité au moment du mariage qui s’appliquera en cas de séparation. Par exemple, si votre maison vaut 250 000 $ et que vous avez une dette de 150 000 $, votre équité est d’une valeur de 100 000 $, soit 40 % de celle de la résidence. C’est donc 40 % de la valeur de l’équité finale qui ne sera pas partageable en cas de divorce.

Pour continuer notre exemple, si la maison vaut 500 000 $ à la date de la séparation (le double de sa valeur initiale au moment du mariage) et qu’elle est entièrement payée, le montant auquel vous aurez droit en cas de partage est calculé comme suit :

  • Vos 100 000 $ d’équité initiale valent 200 000 $ (le double, soit la même augmentation que celle de la maison). C’est aussi 40 % de la valeur de la résidence au moment du divorce.
  • Ces 200 000 $ seront soustraits de la valeur partageable. Ils sont à vous. Sur les 500 000 $ de valeur totale, il reste 300 000 $ à partager moitié-moitié, soit 150 000 $ pour vous et le même montant pour votre conjoint. C’est normal, il est considéré avoir contribué à la moitié du paiement de la dette qui existait au moment du mariage.
  • Vous aurez ainsi droit à un montant total de 350 000 $ (200 000 + 150 000) sur les 500 000 $ que vaut la maison.

Il est important de faire la part des choses pour éviter d’être victime d’iniquité en cas de divorce.

Mais qu’en est-il des biens qui ne font pas partie du patrimoine familial ?

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Contrat de mariage ou régime légal (société d’acquêts) ?

Si vous désirez ne rien partager d’autre que la valeur des biens faisant partie du patrimoine familial et que vous désirez vous marier, c’est un contrat de mariage qu’il vous faut. Comme c’est un contrat privé entre deux individus, vous pouvez y insérer à peu près n’importe quelle clause, tant que l’ordre public n’est pas atteint.

La plupart du temps, on dit qu’on est marié « en séparation de biens » lorsqu’on a signé un contrat de mariage. Ça signifie que les clauses du contrat stipulent que chacun conserve ses biens et qu’aucun calcul de partage ne s’effectue autre que ceux relatifs au partage du patrimoine familial.

Mais les personnes qui n’ont pas signé de contrat de mariage ont des règles à respecter. On dit que c’est le régime légal appelé «société d’acquêts» qui s’applique alors.

Et les règles ressemblent beaucoup à celles du patrimoine familial.

C’est-à-dire que la moitié de la valeur des biens acquis pendant le mariage doit être partagée également entre les époux. Lorsqu’un bien appartient à l’un des époux avant le mariage ou qu’il est reçu en héritage ou par don, on dit que c’est un bien «propre» et sa valeur n’est pas considérée en cas de divorce.

Dans ce cas, si vous êtes marié sans contrat de mariage, votre CELI, vos immeubles à revenus, vos actions de sociétés, vos comptes de banque, vos comptes de placement non enregistrés, vos droits acquis en vertu d’un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB) ou un régime enregistré d’épargne-études (REEE), en somme tout le reste, doivent être considérés dans le calcul du partage, à moins qu’ils soient des propres.

Et, sauf exception, les revenus des propres sont des acquêts! Les revenus de location, le rendement de vos portefeuilles et les dividendes de vos actions seront comptabilisés.

Attention gens d’affaires mariés sans contrat : si vous détenez des actions de sociétés privées qui vous ont été données (ou léguées) par votre parent, il est important que ce parent stipule que les revenus tirés de ces actions sont des propres, sinon, ils seront des acquêts. Aussi, si vous avez payé 100 $, après le mariage, pour acquérir des actions de la société de votre parent, les revenus tirés de ces actions sont inévitablement des acquêts. Vaut mieux vous faire donner les actions par votre parent et que l’acte de donation stipule que les revenus de ces actions sont des propres. Ça peut signifier des millions de dollars dans un divorce éventuel...

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À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost