Pas très payante, la hausse du salaire minimum

Publié le 04/05/2018 à 06:15

Pas très payante, la hausse du salaire minimum

Publié le 04/05/2018 à 06:15

Les travailleurs s’en réjouissent, les employeurs, un peu moins. Cette hausse du salaire minimum à 12 $ de l’heure en vigueur depuis cette semaine sera, dans certains cas, moins enrichissante qu’on pourrait le croire.

Suivez-moi sur Twitter

C’est un de mes sujets préférés : les fameux taux effectifs marginaux d’impôt (TEMI). Les TEMI sont les impacts réels, exprimés en pourcentage, d’une variation de revenu. Et ils peuvent faire très mal.

Lorsque les médias annoncent que l’augmentation du revenu annuel sera de 1 560 $, soit 24 960 $ par rapport à 23 400 $, on fait référence à une personne qui travaille 40 heures par semaine, ce qui peut ne pas être le cas. De plus, il ne s’agit pas d’argent net dans les poches des travailleurs, il faut soustraire les impacts fiscaux négatifs.

On pourrait avoir comme premier réflexe de soustraire l’impôt de base. Il existe quelques sites Internet qui peuvent être utiles à cette fin. Par exemple, le site EY.com nous permet d’inscrire un revenu et il calcule notamment l’impôt dans toutes les provinces ainsi que le revenu après impôt. En faisant l’exercice d’un revenu de 23 400 $, il nous indique des impôts de 2 710 $, soit un revenu après impôts de 20 690 $.

En inscrivant un revenu de 12 $ de l’heure, soit 24 960 $ pour l’année, il nous calcule des impôts de 3 139 $. Il reste donc un revenu après impôt de 21 821 $. Cela signifie une augmentation de revenu après impôt de 1 131 $. Pas si pire…

Sauf que.

Ces calculs ne sont pas très représentatifs de la «vraie vie».

Allons sur un site qui fait des calculs plus détaillés, le site de SimpleTax.ca. C’est déjà mieux car on tient compte qu’un salarié a certaines cotisations sociales à faire et ces cotisations réduisent son impôt.

En inscrivant les mêmes revenus que sur le site de EY, on obtient les résultats suivants :

Revenu de 11,25 $ de l’heure (23 400 $) :

  • Impôt : 2 377 $
  • Cotisations RRQ et assurance-emploi : 1 463 $
  • Revenu après impôts et charges sociales : 19 560 $

Revenu de 12 $ de l’heure (24 960 $) :

  • Impôt : 2 792 $
  • Cotisations RRQ et assurance-emploi : 1 573 $
  • Revenu après impôts et charges sociales : 20 594 $

L’augmentation serait donc de 1 034 $ au net, soit 100 $ de moins que sur l’autre site. Plus précis.

Mais il y a encore du travail à faire.

Suivez-moi sur Twitter

Le meilleur site pour calculer le véritable impact d’une variation de revenu est celui du Revenu disponible du Ministère des Finances du Québec.

Là, vous aurez l’heure juste.

En inscrivant les mêmes chiffres, on se rend compte que le revenu disponible, après impôts et charges sociales, passe de 20 905 $, avant l’augmentation, à 21 779 $, soit une augmentation de 874 $. Ce montant est de 23 % moins élevé que celui affiché par le premier site. Il est beaucoup plus fiable car il reflète davantage la réalité. Allez voir et vous constaterez que des éléments comme le crédit de TPS et le programme d’Allocation-logement du Québec sont considérés. Il calcule même l’aide sociale!

La différence avec les autres sites, exprimée en dollars, est quand même relativement petite dans cette situation. Regardons-en une autre où la personne n’est pas seule mais a un conjoint qui gagne aussi le salaire minimum. Ajoutons qu’ils ont deux enfants de moins de 4 ans qu'ils font garder dans un CPE.

Les deux premiers sites ne peuvent donner de chiffres car ils ne calculent pas l’impact d’un conjoint ou des enfants. On devrait ainsi doubler les chiffres affichés. Sauf que ça peut être loin de la réalité. Alors que le couple pourrait s’attendre à une augmentation de revenu disponible de plus de 2 000 $ en consultant les deux premiers sites, il se rend compte que, finalement, son revenu n’augmentera que de 742 $, l’équivalent de 371 $ par personne! Toute une différence!

Comment est-ce possible ?

Oui, il y a une différence d’impôt de 803 $. S’il n’y avait que l’impôt à calculer, on aurait une augmentation « brute » de 3 120 $ (2 fois 1 560) moins 803 $, soit une augmentation nette de 2 317 $. Mais la réalité est beaucoup plus complexe. Voici la liste des impacts totaux qui sont calculés :

Impact positif

  • Augmentation du revenu : 3 120 $

Impacts négatifs

  • Impôt du Québec : augmentation de 468 $
  • Crédit de solidarité : diminution de 187 $
  • Prime au travail (un crédit) : diminution de 312 $
  • Impôt fédéral : augmentation de 335 $
  • Allocation canadienne aux enfants : diminution de 421 $
  • Crédit de TPS : diminution de 156 $
  • Cotisation à l’assurance-emploi : augmentation de 41 $
  • Cotisation au RQAP (assurance parentale) : augmentation de 18 $
  • Cotisations au RRQ (Régime de rentes) : augmentation de 169 $
  • Assurance-médicaments du Québec (hypothèse forcée) : augmentation de 273 $
  • TOTAL des impacts négatifs : 2 378 $

Vous voyez ? C'est comme ça qu'on doit calculer. Vous comprenez pourquoi c’est important ? Il reste 742 $ net après une augmentation de salaire de 3 120 $. Ça veut dire 76 % d’impôt et autres…

Alors, si vous êtes touchés par cette augmentation du salaire minimum, allez voir sur le site du ministère des Finances pour avoir une idée juste de ce qui vous restera réellement de plus dans vos poches. Si vous n’êtes pas touchés, c’est quand même un bon réflexe à avoir lors de votre prochaine augmentation de salaire!

Suivez-moi sur Twitter

À propos de ce blogue

Dany Provost possède une formation multidisciplinaire lui permettant d'avoir une vue d'ensemble d'une situation financière. Combinant l'actuariat, la fiscalité, le placement et une grande maîtrise de l'environnement Excel, son expertise lui a permis de développer plusieurs outils de modélisation complexes, notamment en optimisation fiscale et avantages sociaux. Il est directeur planification financière et optimisation fiscale chez SFL Expertise et est l’auteur des livres «Arrêtez de planifier votre retraite, planifiez votre plaisir» et «As-tu réglé ça?» Membre honoraire et expert désigné de l’Institut de planification financière, il est un collaborateur régulier dans les médias en plus d’être chroniqueur en fiscalité dans le journal Finance et Investissement.

Dany Provost