La guerre en Ukraine entraîne de nouvelles occasions d’affaires pour le Québec

Publié le 15/10/2022 à 09:00

La guerre en Ukraine entraîne de nouvelles occasions d’affaires pour le Québec

Publié le 15/10/2022 à 09:00

Les entreprises du Québec qui peuvent installer en Europe de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable — des éoliennes aux panneaux solaires en passant par les biométhanisateurs — sont bien vues. (Photo: 123RF)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a non seulement bouleversé la géopolitique européenne et mondiale, mais elle transforme aussi la demande globale de l’Europe. Les entreprises québécoises peuvent en profiter, particulièrement en raison de l’Accord économique et commercial global (AECG), le libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.

Fait intéressant, nos entreprises ont un avantage notoire par rapport à leurs concurrents américains, car les États-Unis n’ont pas d’entente de libre-échange avec l’UE — ils ont essayé d’en conclure une, mais sans succès.

Cela dit, le Mexique a lui aussi un accord de libre-échange avec l’Union européenne, conférant ainsi à ses entreprises les mêmes avantages que nous avons sur le vieux continent.

Bien entendu, personne ne se réjouit de la guerre en Ukraine, qui a provoqué des milliers de morts et forcé des millions d’Ukrainiens à fuir leur pays, notamment pour se réfugier au Canada.

C’est une catastrophe humaine, politique, économique, voire environnementale.

Cela dit, pour se détacher de la Russie et se rapprocher davantage de leurs alliés occidentaux comme le Canada, les entreprises et les consommateurs de l’UE sont en train de changer leurs habitudes de consommation.

C’est de ce mouvement de plaque tectonique économique dont les entreprises québécoises peuvent profiter, estime la déléguée générale du Québec à Bruxelles, Geneviève Brisson.

Je l’ai récemment interviewée dans le cadre de la commémoration du cinquième anniversaire de l’AECG (le 21 septembre 2022), dont elle brosse «un bilan positif» pour le Québec.

 

Un marché de 447 millions d’habitants

Cet accord a éliminé tous les tarifs douaniers sur les biens manufacturiers et presque totalement ceux sur les produits agroalimentaires (à 94%) du Canada, et ce, dans un marché de près 447 millions d’habitants.

De 2016 à 2021, les exportations totales de marchandises du Québec vers l'UE (les exportations nationales plus les réexportations) ont augmenté de 7,2%, passant de 9,9 à 10,6 milliards de dollars canadiens, selon les données de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Sur la même période, les exportations de marchandises de l’Union européenne au Québec (nos importations) ont progressé de 20,9 à 24,4 G$, soit une hausse de 16,4%.

Nous avons donc un important déficit commercial avec l’UE (13,8G$). Cette tendance a d’ailleurs progressé entre 2016 et 2021, même si le sommet en 15 ans a été atteint en 2019 (14,5G$).

«On cherche à connaître ce que le Québec peut offrir», confie la déléguée générale du Québec à Bruxelles, Geneviève Brisson, précisant que cet intérêt vient d’un peu partout en Europe.

Depuis l’entrée en vigueur de l’AEGC, plusieurs produits québécois se vendent davantage sur le marché européen. On peut mentionner les fruits, le sucre, les parties de véhicules automobiles, les ferro-alliages ainsi que les circuits intégrés et micro-assemblages électroniques, d'après l'ISQ.

La nouvelle conjoncture en Europe fait en sorte que les décideurs politiques et économiques de l’UE ont un intérêt accru pour les produits et les services québécois, affirme Geneviève Brisson.

«On cherche à connaître ce que le Québec peut offrir», confie la déléguée générale, précisant que cet intérêt vient d’un peu partout en Europe.

Selon elle, les entreprises québécoises peuvent répondre à de nouveaux besoins dans une grande variété de secteurs.

Il y a d’abord l’agroalimentaire, notamment pour les fruits de mer. Le Québec exporte déjà des crevettes et des homards surgelés en Europe. La canneberge québécoise est déjà prisée aux Pays-Bas, et elle continue d’être en demande.

 

L’Europe a besoin d’énergie renouvelable

Dans un contexte de pénurie d’énergie en Europe, il y a aussi des occasions d’affaires pour les producteurs québécois de granules de bois, un intrant servant à produire de l’électricité.

Toujours dans le secteur énergétique, les entreprises du Québec qui peuvent installer en Europe de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable — des éoliennes aux panneaux solaires en passant par les biométhanisateurs — sont bien vues.

Par ailleurs, Geneviève Brisson souligne qu’il y a aussi des occasions d’affaires dans les services, notamment en matière de cybersécurité — depuis le début de la guerre, les menaces russes sur les infrastructures stratégiques en Europe sont plus importantes.

Les technologies de l’information et des communications (TIC) et les services d’ingénierie sont aussi des secteurs intéressants pour les entreprises québécoises en Europe.

Malgré les nombreuses occasions d’affaires potentielles, il n’est pas nécessairement facile de savoir par où il faut commencer pour s’attaquer à l’immense marché européen.

Aussi, la déléguée générale estime que la meilleure approche est de contacter d’abord les gens d’Investissement Québec International, qui ont des bureaux dans plusieurs régions de la province.

Par la suite, IQI mettra les entreprises québécoises en contact avec les gens de la délégation générale du Québec à Bruxelles — voire avec d’autres délégations ou bureaux du Québec sur le vieux continent.

L’AECG a déjà ouvert de nombreux marchés aux entreprises québécoises en Europe depuis 2017. Et l’accord est loin d’avoir livré son plein potentiel, notamment parce qu’il demeure encore méconnu au Québec, estime Geneviève Brisson.

Aussi dramatique soit-elle, la guerre en Ukraine donne à cette entente de libre-échange — la plus importante au Canada après l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACÉUM) — une toute nouvelle dimension.

Les entreprises québécoises ont tout intérêt à en profiter.

Dans leurs intérêts.

Et dans celui de nos alliés en Europe.

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Dans la mire, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Canada, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle ainsi que la gestion de l’énergie et des ressources naturelles. Journaliste à «Les Affaires» depuis 2000 (il était au «Devoir» auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières, et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke.

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