Différents, mais unis


Édition du 25 Février 2017

Différents, mais unis


Édition du 25 Février 2017

Je suis née au Maroc, puis j'ai grandi en Algérie. Depuis 27 ans, je suis une heureuse citoyenne du Québec, une formidable terre d'accueil que j'ai choisie en raison de son ouverture, de sa diversité et de sa tolérance.

Vous comprendrez que l'actualité du dernier mois me touche personnellement. Les événements qui défraient la manchette m'attristent et me consternent. Alors que nos voisins du sud souhaitent refermer leurs frontières, alors que les appels à l'unité succèdent aux attentats les plus bouleversants, il convient de parler de la place des immigrants et des citoyens de différentes religions au sein de notre société en général, puis du marché du travail en particulier. L'intégration dans le milieu économique d'un pays est un passage incontournable pour réussir son immigration. Et ce n'est pas toujours simple...

Pour illustrer mes propos, je partagererai avec vous un pan de mon histoire. Quand je suis arrivée au Québec, je parlais français, j'avais une feuille de route qui avait fait ses preuves, j'avais bon espoir de pouvoir intégrer rapidement le marché du travail et contribuer positivement à la vie économique du pays. Je me suis pourtant retrouvée à la case départ. Comme immigrant, on perd ses alliés, ses ressources, ses repères. J'avais sous-estimé à quel point tout serait à recommencer. Je ne me suis pas apitoyée sur mon sort. Au contraire, je me suis retroussé les manches, puis je suis partie du bas de l'échelle. Quand j'ai voulu construire quelque chose, pour moi comme pour ma famille, j'ai décidé de me lancer en affaire. Comme tous les immigrants qui décident de créer leur propre entreprise, j'ai vite compris qu'il me faudrait avoir une ténacité hors du commun, une foi inébranlable en mes moyens.

Élargir ses horizons corporatifs

En tant que dirigeant et entrepreneur, comment peut-on faciliter l'intégration des immigrants qui arrivent chez nous ? Comment peut-on exprimer plus fort, plus haut, son envie de contribuer à la diversité en entreprise ?

En premier lieu, les gestionnaires doivent faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit, adopter une vision à plus long terme. C'est parfois difficile, j'en conviens. Nous avons des besoins urgents, des postes vacants qu'il importe de combler sans perdre un instant. Nous cherchons la personne la plus apte, la plus adaptée, afin que la courbe d'apprentissage soit rapide, et la productivité, optimale.

Essayons de contrer cette propension que que nous avons tous à nous tourner vers ce que nous connaissons. Essayons de voir plus loin que les premières semaines, les premiers mois. Pour utiliser moi-même cette approche au sein de mon entreprise, je peux attester que les retombées de la diversité en valent la peine.

Je souhaite profiter de ce billet pour faire appel aux entreprises, aux gestionnaires. Donnons la chance au coureur. Soyons un exemple positif d'inclusion. C'est ainsi que nous ferons notre part pour une société plus tolérante, plus inclusive et plus riche, dans tous les sens du terme. J'en suis convaincue.

Déboulonner les mythes

Dans le discours ambiant, nous entendons parfois que les immigrants viennent chez nous pour voler nos emplois, ou pire, pour se laisser vivre par l'État. Quel mythe coriace ! Ces hommes et ces femmes viennent au pays pour se trouver une stabilité, une liberté et une sécurité que nous tenons trop souvent pour acquises. Ils viennent avec le désir profond de s'intégrer, de se tailler une place dans leur communauté d'accueil. Ils veulent contribuer activement à la richesse collective, par leurs connaissances, leurs talents, leur vision unique. Ils paient leurs impôts et ils travaillent fort pour construire un monde meilleur. Plusieurs oeuvrent dans la science, la recherche, la santé, l'ingénierie... Ce sont des spécialistes de leur domaine, des passionnés qui ont à coeur le bien-être de leur nouvelle patrie.

Prenons un exemple parmi tant d'autres : Marwah Rizqy, fiscaliste et professeure reconnue pour ses travaux sur les paradis fiscaux, qui s'engage dans le milieu politique afin de partager sa vision d'une société plus tolérante, ouverte et juste. Une jeune femme brillante et magnifique que j'ai eu le plaisir de côtoyer et qui m'a impressionnée par sa fougue, sa détermination, sa volonté de changer les choses.

Des parcours aussi inspirants, il en existe des milliers. Ils ne sont pas l'exception, ils sont la règle. Certains immigrants ont plutôt choisi de prendre le taureau par les cornes en lançant une affaire. Originaire du Pérou et arrivée à Sherbrooke en 1997, Mercedes Becerra apprend le français, occupe quelques emplois dans l'industrie du tourisme, puis décide de créer sa propre agence de voyages spécialisée en écotourisme. En plus de créer de l'emploi dans la région, elle contribue au rapprochement des deux cultures, en présentant l'Amérique du Sud sous un angle plus solidaire, plus humanitaire.

Saluons ces femmes immigrantes qui ont mis sur pied des entreprises florissantes. Mettons leurs initiatives en avant pour vaincre les fausses croyances et montrer leur apport à notre économie. Faisons attention aux mots que nous employons. Pourquoi segmenter la population en deux camps, les immigrants et les non-immigrants, au lieu de simplement reconnaître que nous sommes tous des Québécois, que nous sommes tous, quelque part, des immigrants ? Notre monde est en plein bouleversement. C'est ensemble que nous pourrons traverser les soubresauts et les changements à venir.

Biographie

Danièle Henkel a fondé son entreprise en 1997, un an après avoir créé et commercialisé le gant Renaissance, distribué partout dans le monde. Mme Henkel a été plusieurs fois récompensée pour ses qualités de visionnaire et son esprit entrepreneurial. Elle est juge dans la téléréalité à caractère entrepreneurial Dans l'oeil du dragon, diffusée à Radio-Canada.