Un portefeuille d'actions, un héritage parfois compliqué

Publié le 05/12/2018 à 07:00

Un portefeuille d'actions, un héritage parfois compliqué

Publié le 05/12/2018 à 07:00

LE COURRIER DU PORTEFEUILLE - Nos sympathies à Josée, sa mère s’est éteinte en septembre. Comme c’est souvent le cas, cet événement s’accompagne d’une paperasse successorale et fiscale qui n’a rien pour alléger son deuil. Notre lectrice, seule héritière, agit à titre de liquidatrice de la succession .

Sa mère a laissé derrière elle un portefeuille d’actions qui fructifiait dans un compte non enregistré. La dame avait elle-même hérité de ces placements au décès de son mari, à un moment non précisé.

Le défunt père était de ces sages pour qui investir consiste à acquérir les titres d’entreprises de qualité, puis à dormir dessus. Il avait un faible pour les sociétés qui versent des dividendes. Il a incité sa fille à en faire autant. Aujourd’hui, Josée détient des actions de blue chips chez un courtier à escompte.

Le portefeuille dont elle hérite est du même type. Sa mère ne s’en est pas occupé, «elle ne s’y connaissait pas tellement», nous confie sa fille.

Si vous êtes le moindrement investisseur, vous savez ce qui s’est passé depuis le décès de la maman de Josée, en septembre. Oui, les marchés boursiers ont perdu de leur superbe. Depuis l’ouverture de la succession, le portefeuille destiné à Josée a reculé de près de 10%.

Notre lectrice se demande comment gérer ces pertes? Que faire du portefeuille? Tout vendre et racheter? Rapatrier les titres dans son portefeuille?

D’abord, Josée ne doit pas paniquer. Ce n’est pas une si mauvaise affaire, ces pertes. Surtout, elle ne doit pas toucher au portefeuille aussi longtemps qu’elle n’a pas dressé un portrait global de la situation. Pour cela, il lui faut trouver un comptable habitué aux déclarations de succession, car s’il n’y a pas matière à s'énerver, la situation peut tout de même être un peu complexe.

Il suffit de se précipiter et de faire les choses dans le mauvais ordre pour payer plus d’impôt que nécessaire. Vous l’aurez compris, la nature du problème est ici fiscale.

Il pourrait y avoir beaucoup d’impôt latent dans le portefeuille qui nous intéresse. «Au décès d’une personne, le fisc considère qu’elle a disposé de tous ses biens, dont le portefeuille d’actions», nous rappelle Luc Lacombe, fiscaliste et associé Raymond Chabot Grant Thornton. En d’autres mots, c’est comme si la mère de Josée avait vendu ses placements la seconde avant de mourir.

Dans le «rapport d’impôt» posthume de sa mère, Josée devra déclarer des gains en capital, soit la différence entre le coût fiscal des actions (grosso modo le prix d’achat) et le prix de ces mêmes titres au jour du décès (la valeur marchande). Il y a ici des nuances qui seraient fastidieuses à expliquer (et à ingurgiter). Restons-en aux grands principes, c’est le but de la chronique.

L’un des moyens d’éviter de payer l’impôt sur un portefeuille de valeurs mobilières au décès de son propriétaire, c’est de le «rouler» en faveur du conjoint. «Rouler», c’est le joli mot qu’ont trouvé les fiscalistes pour désigner le transfert d’un actif d’une personne à une autre sans impact fiscal. Cette possibilité ne s’offre qu’aux conjoints.

Le contenu du portefeuille de la mère ne peut donc pas être roulé vers Josée, mais on présume qu’il l’a été lors du transfert du père vers la mère. Aucun impôt n’a alors été prélevé, et c’est maintenant que le fisc devrait récupérer son dû.

Dans le calcul du gain en capital, le coût fiscal de chacun des titres correspond à peu près au prix payé par le père au moment de les acquérir. S’il est facile de retrouver cette information pour les transactions récentes, ce peut être compliqué pour les plus anciennes, surtout si le détenteur du portefeuille a changé de courtier au cours de sa vie.

Vous comprenez que la facture fiscale peut-être élevée. Qui sait quand le père a acheté ses actions de banques ?

Quant au prix de vente, c’est celui de la clôture le jour du décès. Cela veut dire que la baisse de valeur qui affecte depuis le portefeuille touche la succession. C’est ici qu’il faut du doigté, un bon comptable et un courtier coopératif.

Rappelons que des pertes en capital doivent servir à réduire des gains en capital, donc l’impôt, réalisé à la vente d’autres actifs dans la même année. Les pertes à la vente d’actions de Bombardier, disons, seront utilisées pour réduire l’impôt sur les gains obtenus à la disposition des titres de la BMO. Si les pertes sont plus importantes que les gains, l’excédent peut être utilisé contre des gains obtenus au cours des trois années précédentes ou indéfiniment reporté dans le futur. On garde ces pertes dans sa petite poche pour le moment où l’on déclarera des profits à la revente d’actions.

La succession a jusqu’au 31 décembre de l’année suivant le décès de la mère de Josée, donc 2019, pour cristalliser les pertes du portefeuille. Ce faisant, les pertes pourront être déduites rétroactivement des revenus déclarés de la défunte à l’année de son décès, explique la Natalie Hotte, conseillère principale, planification et fiscalité, à la Financière Banque Nationale.

Il n’est pas nécessaire de liquider l’ensemble du portefeuille. La succession pourrait vendre seulement les actions dont la valeur a baissé depuis septembre, puis réviser la déclaration de la mère afin d’alléger sa dernière facture fiscale, ce qui profitera à la succession, et ultimement à Josée, seule héritière. Celle-ci pourrait ensuite rapatrier les titres restants du portefeuille de ses parents.

Pour connaître la solution optimale, notre lectrice devra ouvrir ses livres à un comptable ou à un fiscaliste, le Courrier du portefeuille ne faisant pas dans le conseil personnalisé.

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Vous avez des questions, votre portefeuille vacille? Écrivez-nous! daniel.germain@tc.tc.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.