Punissez un proche, nommez-le liquidateur!

Publié le 17/11/2017 à 08:00

Punissez un proche, nommez-le liquidateur!

Publié le 17/11/2017 à 08:00

«Ah! C’est vous celui qui gère l’interminable succession!» s’est exclamé le fonctionnaire quand mon ami s’est présenté à son guichet, au bureau du ministère du Revenu du centre-ville de Montréal.

Je ne sais pas si vous mesurez bien la portée de l’anecdote. Quand vous alimentez les conversations autour de la machine à café au ministère du Revenu, où ce ne sont pas les histoires croustillantes qui manquent, on peut conclure que votre dossier a atteint un niveau élevé sur l’échelle du rocambolesque.

L’ami en question s’y enfonce depuis un an et demi et ne voit pas le bout. On lui promet que tout sera réglé avant l’été prochain, mais on lui a déjà fait miroiter une conclusion quelque part en 2017. Il ne se fait pas d’illusions, mais il prie pour que ce soit la bonne. Si tel est cas, ç’aura pris presque deux ans pour régler la succession de son père.

Deux ans, c’est long, mais ce n’est pas exceptionnel. Mais si seulement son père avait une entreprise, des biens immobiliers à profusion, un condo en Floride ou des enfants illégitimes, bref tout ce qui complexifie d’ordinaire le règlement d’une succession. Même pas. Son vieux père habitait une résidence pour personnes âgées et vivait des rentes du régime de retraite de son employeur, des prestations du gouvernement et de quelques économies. Rien de particulièrement motivant, mais quand le devoir appelle…

Après la mort de son père, l’ami n’a pas protesté quand ses trois soeurs, sous prétexte qu’il gérait bien ses propres affaires, lui ont laissé la responsabilité de régler la succession. Il savait que la tâche ne s’annonçait pas simple, son paternel, un personnage obstiné, s’est toujours opposé à faire un testament. Vous savez, il y a des personnes qui refusent de coucher leurs dernières volontés de peur que le geste précipite leur départ. Il y a ceux aussi qui se disent que ce ne sera plus leur problème, une fois de l’autre bord. D’autres enfin sont tout bêtement répugnés par la seule évocation du mot « testament ».

Je ne sais pas pourquoi le père de mon ami n’avait pas de testament, mais on peut présumer qu’il y a un peu de tout ça mélangé, exacerbé par les années. À cela s’ajoute la confusion qui accompagne celui qui avance dans l’âge vénérable.

Alors de quoi avaient l’air ses affaires, pensez-vous? Elles n’étaient pas en ordre, c’est le moins qu’on puisse dire. Il y avait du retard dans les déclarations de revenus, des comptes étaient ouverts à droite et à gauche tandis que ses papiers étaient pêle-mêle. Un vrai casse-tête auquel il manquait des morceaux. Depuis 18 mois, mon ami multiplie les visites et les appels. À la banque, au ministère du Revenu du Québec, à l’Agence du revenu du Canada, chez le notaire.

Par exemple, il a découvert des actions en papier d’entreprises qui n’existent même plus (ma mère a trouvé une chose semblable au décès de mon père, ça ne valait rien), et d’autres de sociétés dont le nom évoque vaguement quelque chose et qui ont fusionné avec d’autres. Est-ce que ça vaut encore quelque chose? Comment disposer d’actions en papier?

Après avoir fait le bilan et entamé la gestion de la succession, cet ami apprend des autorités fiscales que son défunt père détenait un (autre) fonds enregistré de revenus de retraite (FERR) ailleurs et qu’il faudra amender les déclarations de revenus.

Si un compte a pu refaire surface après qu’on ait fait le bilan de la succession, je me dis que ç’aurait pu tout aussi bien être une dette. Dans ce cas, si elle avait été assez importante pour faire basculer la succession dans l’insolvabilité, je ne veux pas imaginer la réaction de cet ami qui estime que la somme dont il héritera est à des années-lumière de compenser les inconvénients que lui impose son rôle.

Le travail de liquidateur est éprouvant. Il faut trouver les héritiers, recenser les actifs et les biens, fermer les cartes de crédit et les comptes bancaires, ouvrir le compte de la succession, payer les dettes, obtenir une quittance des autorités fiscales, payer les héritiers… Le parcours est semé d’employés de banque tatillons, de fonctionnaire obtus et de formulaires à ne plus finir. Tout ça, alors qu’il ne peut laisser en plan le reste de sa vie. Il n’est pas dispensé de son rôle familial et doit continuer à satisfaire les exigences de son employeur.

Par-dessus ça, une responsabilité énorme repose sur les épaules du liquidateur. Au moindre problème, un créancier ou un hériter pourraient se retourner contre lui.

Un cauchemar! Si un proche vous annonce qu’il vous a choisi comme liquidateur, demande-lui ce que vous avez fait pour mériter cela.

Une notaire me disait qu’elle soupçonnait plusieurs de ses proches de l’avoir désignée comme liquidatrice. «De quoi me rendre folle, dit-elle. Et je ne le ferai jamais, c'est trop lourd. Je confierai tout en sous-traitance.»

Oui! Oui!

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.