Le piège des REEE collectifs

Publié le 16/08/2016 à 10:54

Le piège des REEE collectifs

Publié le 16/08/2016 à 10:54

La méconnaissance du régime enregistré d’épargne-études (REEE) me paraît parfois consternante. Pourquoi y a-t-il encore autant de parents qui ne participent pas à ce régime. Et pourquoi d'autres s’astreignent à le faire par l’intermédiaire de fondations de bourses d’études, du type Universitas, Global ou C.S.T., qu’on appelle aussi REEE collectifs?

Pour la majorité des jeunes parents, le REEE est plus avantageux que le REER. L’objectif n’est pas le même, bien sûr, le premier servant à financer les études futures des enfants alors que l’autre, la retraite des parents. Mais les planificateurs financiers sont formels, le REEE rapporte davantage dans la plupart des cas. Et puisqu’il faudra de toute manière puiser dans ses poches pour les études de junior et sa soeur (je vous le souhaite du moins), pourquoi ne pas diriger ses ressources vers le véhicule le plus profitable?

Les contributions au REEE ne donnent pas droit à une déduction fiscale, comme celles versées au REER, mais elles permettent de recevoir de jolies subventions de la part des deux paliers de gouvernement (20% au fédéral, maximum de 2500$ par année, plafonnée à 7200$ par enfant - la moitié de tout cela au provincial). Le capital investi et les subventions fructifient à l’abri de l’impôt. Les parents peuvent récupérer intégralement leur contribution à la fin et faire ce qu’ils veulent avec, comme le mettre dans leur REER, l’utiliser pour payer les études des enfants, faire une mise de fonds pour l’achat un chalet ou faire un voyage autour du monde. Seuls les subventions (presque 11 000 dollars, au maximum) et les rendements seront versés à l’enfant et imposés entre ses mains.

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Bel incitatif, n’est-ce pas?

Inutile d’être génie en marketing pour élaborer un pitch de vente, tout est là pour faire vibrer les cordes sensibles des parents et les faire signer au bas d’un contrat: la réussite professionnelle de leur petit chérubin, des subventions à la clé, le spectre d’une explosion des tarifs universitaires. C’est sur ces trois tableaux que jouent les gestionnaires de REEE collectifs pour convaincre les parents d’adhérer à leur programme.

Je ne vois aucun avantage à contribuer à un REEE par l’intermédiaire de ces organisations plutôt que par un compte REEE tout simple ouvert à la succursale de sa caisse, de sa banque ou dans un cabinet privé. ZÉRO. En fait, moins que zéro, car des parents auront vite fait d’en découvrir les inconvénients.

Le REEE à la banque, c’est comme le REER. Il faut lui accorder une place dans son budget. On tente d’y cotiser de manière à récolter le maximum en subventions et on l’investit en fonction de sa tolérance au risque et de l’horizon de placement (de manière plus prudente qu’un REER, conseilleront certains). Si on investit alors que l’enfant est en bas âge, on peut être plus agressif au début et réduire le risque du portefeuille à mesure qu’on approche de l’échéance, c’est-à-dire le début des études postsecondaires du bénéficiaire. On ne veut pas se casser la tête? Il y a des fonds qui effectuent ce travail.

Et qu’arrive-t-il, si une année, un événement malheureux restreint notre marge de manoeuvre financière? On cesse d’y contribuer le temps de rétablir sa situation. Il est possible de récupérer plus tard les subventions qui nous ont échappées durant la pause des cotisations. Pas compliqué.

Le fonctionnement des Universitas, Global, CST, Héritage et compagnie est nettement plus rigide. La gestion des fonds est entièrement dévolue à l’organisation. Cela est présenté commun en avantage, mais les contributions sont gérées de manière prudente, sans égard à l’horizon de placement. Cela garantit le capital, certes, mais les parents peuvent trouver des véhicules aussi prudents ailleurs.

Mais ce n’est pas ce qui me dérange le plus. Le plus irritant est le contrat qui lie les parents et les frais de souscription que ces derniers doivent débourser. En faisant affaire avec une fondation de bourses d’études, les parents s’engagent à respecter un calendrier de contributions, à défaut de quoi ils perdront les frais de souscription et les rendements, ce qui peut représenter des sommes importantes. Autrement dit, les parents perdent de l’argent s’ils sont incapables d’honorer le contrat pendant une certaine période de temps.

Chez Universitas, on vous émettra un avis en deux semaines au moindre défaut de paiement, selon leur prospectus. Je ne connais pas une entreprise de service publique aussi rapide sur la gâchette quand on a sauté le paiement d’une facture.

Mais la fondation peut se montrer magnanime, voici ce que dit encore le prospectus, au sujet des retardataires engagés au programme REEEFlex (Flex, comme dans flexibilité...) :  «Si vous omettez de verser une ou plusieurs cotisations, vous pourriez vous trouver en défaut selon les modalités de votre plan. Pour poursuivre votre participation au plan, vous devrez verser les cotisations manquantes. Vous devrez également verser une somme correspondant au revenu qu’auraient généré les cotisations si vous les aviez versées à temps. Cela pourrait être coûteux. Des intérêts au taux annuel de 6,50 % sont exigés sur toute cotisation versée en retard.»

Ah oui! le rendement moyen des cinq dernières années indiqué dans le prospectus est de moins de 5%…

Comment fait-on passer la pilule? Les représentants de ces fondations argueront que le calendrier force les parents à la discipline! Et ceux qui le resteront jusqu’au bout récolteront ce que les autres ont laissé derrière eux en rompant leur engagement: rendements et frais de souscription.

Il faut être drôlement audacieux pour avancer ce point comme argument de vente.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.