Le REER, un piège fiscal?

Publié le 02/02/2018 à 08:30

Le REER, un piège fiscal?

Publié le 02/02/2018 à 08:30

Un vrai cri du coeur, les amis, et je ne fais pas référence à celui de la jeune infirmière épuisée par sa charge de travail. Je vous parle de ce plaidoyer pour le REER publié la semaine dernière par un directeur du département de planification fiscale de la Banque CIBC, Jamie Golombek.

Ça ne vous dit rien? Compréhensible, ça n’a pas enflammé les réseaux sociaux, ni bouleversé l’agenda de ministres. Après tout, on ne pleurera pas pour une histoire de REER racontée par le directeur d’une grosse banque de Toronto, n’est-ce pas? Pourtant…

Nous sommes en plein dans la «saison des REER».

Il reste quatre semaines pour contribuer à son bas de laine pour l’année d’imposition 2017 et c’est le moment que bon nombre d’épargnants choisissent pour le faire. Toutefois, la cohue de février observée dans les succursales bancaires est trompeuse. Le directeur de la CIBC a profité de l’occasion pour se désoler de la perte de vitesse du régime enregistré d’épargne retraite dont la popularité n’a jamais approché son pinacle, il faut le dire.

Au Canada, il y aurait pour un billion de dollars (mille milliards) de droits de contributions inutilisés. De 2000 à 2013, les 25-54 ans auraient réduit leurs cotisations de plus du quart, cite Golombek, et en 2015, «seulement» 28 % des Canadiens de 20 à 54 ans auraient déposé de l’argent dans leur REER, et pas des sommes extraordinaires: 5500 dollars. La catégorie sociodémographique est large et certaines données ne sont pas des plus fraîches. Dans l’intervalle, le CELI a fait son apparition et les prix de l’immobilier ont explosé. Il y a là un début d’explication.

Sur le fond, il reste néanmoins difficile de contredire l’auteur du rapport: on pourrait faire mieux. Celui-ci soulève quelques mythes et croyances assez répandus qui pourraient expliquer selon lui l’impopularité du REER. Permettez-moi de les énumérer dans l’ordre:

1-Il est inutile de contribuer au REER puisque l’argent retiré est imposable;

2-Il est préférable de contribuer au CELI, car il s’agit d’un véritable abri fiscal;

3-Il est préférable de rembourser d’abord ses dettes;

4-Je n’ai pas assez d’argent pour contribuer au REER;

5-Je n’ai pas besoin de contribuer au REER, car j’aurai d’autres sources de revenus;

6-Si je contribue trop au REER, la facture fiscale à mon décès sera énorme.

Les mythes 1 et 2 m’interpellent particulièrement, car il persiste une certaine confusion sur la fiscalité, le REER et le CELI.

Il est vrai que certaines personnes auraient avantage à éviter le REER en faveur du CELI. Il s’agit des ménages à revenus modestes, le plus souvent sans jeunes enfants, donc ne profitant pas des divers programmes gouvernementaux de soutien aux parents. Pour eux, la facture d’impôt au retrait du REER sera disproportionnée en comparaison de la déduction fiscale dont ils ont profité au moment de cotiser, et ce pour une raison maintes fois évoquée ici: pour un retraité à faible revenu, un dollar retiré du REER lui enlève 0,5 dollar en Supplément de revenu garanti, donc imposé à 50% en partant.

Pour les autres? Soit le REER est fiscalement plus efficace que le CELI, soit il est équivalent, soit le CELI l’emporte par une faible marge. Le REER est plus avantageux quand le taux d’imposition de l’épargnant est plus élevé au moment de la contribution qu’à celui du retrait. Lorsque ce taux est plus ou moins le même à l’entrée comme à la sortie, le REER a l’effet d’un abri fiscal pur comme le CELI. Quand l’impôt sur le retrait du REER est un peu plus élevé que la déduction fiscale accordée à la cotisation, le REER est moins efficace que le CELI.

Que conclure? Qu’importe la situation, il ne faut pas bouder le REER. Si on peut émettre des hypothèses réalistes quant au taux d’imposition qui nous affectera à la retraite, qui peut vraiment le savoir avec certitude?

Dans une majorité des cas, le REER sera plus ou aussi efficace que le CELI. Et s’il l’est moins ? Il faudrait prévoir l’avenir et si tel était le cas, on pourrait toujours favoriser le CELI, mais on rencontrerait ce problème: ce qu’on peut y mettre risque d’être insuffisant pour combler les besoins de retraite, l’espace CELI étant plus restreint que celui du REER. Ce dernier reste alors l’outil d’épargne retraite à privilégier puisque la troisième option dont on n’a pas parlé, le compte d’épargne non enregistrée, ne présente souvent aucun bénéfice en comparaison du REER.

Alors que je vous raconte ça, je pense aux statistiques citées plus hautes et aux mythes évoqués par le directeur à la CIBC. J’imagine les gens dans leur cuisine, se grattant la tête, en train de soupeser les éléments du problème.

-«Chérie, tu crois que mon taux d’imposition sera plus faible à 71 ans?»

-«N’oublie pas, mon Nounours, il faut tenir compte du taux effectif marginal, tu sais, ce truc, là… Le TEMI. Germain en a parlé dans Les Affaires»

-«Le tamis ?»

***

S’il faut chercher une explication dans la désaffection des épargnants pour le REER, je regarderais ailleurs.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.