Le dernier tour de passe-passe d'Universitas

Publié le 13/06/2017 à 11:30

Le dernier tour de passe-passe d'Universitas

Publié le 13/06/2017 à 11:30

Ceux qui fréquentent cette chronique depuis un certain temps connaissent mon opinion sur les régimes enregistrés d’épargne études (REEE) collectifs. J’ai critiqué le produit maintes fois et, à l’occasion, j’ai un peu écorché l’organisation qui l’incarne le plus au Québec, Universitas.

Le REEE collectif est désavantageux à bien des égards en comparaison d’un REEE individuel souscrit auprès d’une institution financière traditionnelle ou d’un cabinet indépendant. Je l’ai écrit ici. Ici. Ici. Et ici.

Je comprends les dirigeants de la fondation qui voudraient bien que je les oublie et que je passe à autre chose. On me l’a signifié une fois par l’intermédiaire d’un huissier. Mais ce n’était pas nécessaire, je n’avais plus rien à dire. Et comme vous avez pu le voir récemment, je m’amusais comme un petit fou dans les histoires de condos.

On n’avait qu’une chose à faire chez Universitas pour qu’on en reste là: toucher à rien. Mais bon, quelqu’un dans cette organisation s’est dit: «Et si on augmentait les frais de souscription?»

S’il est un aspect agaçant dans le REEE collectif, ce sont bien les frais de souscription. Ceux-ci servent à payer les représentants et sont perçus sur les premières cotisations des parents. On laisse entendre à ces derniers qu’ils sont remboursés au moment où leurs enfants entament leurs études postsecondaires, ce qui n’est pas tout à fait le cas. Au bout du compte, ces frais sont soustraits des rendements du régime pour rembourser les parents.

Ces frais, donc, sont plus élevés depuis le début de l’année. Pour comprendre, il faut d’abord expliquer le fonctionnement du REEE collectif.

Les enfants participants sont réunis en fonction de leur âge à l’intérieur de cohortes. Par exemple, la cohorte 2025 est formée d’enfants qui auront neuf ans avant le 31 décembre. En 2025, ces enfants atteindront l'âge de 17 ans et seront mûrs pour les études postsecondaires. Les enfants nés en 2017 seront de la cohorte 2034.

Pour chaque cohorte, les contributions des parents sont gérées en commun. Ceux qui abandonnent en cours de route perdent leurs rendements (et les frais de souscription qu’ils ont payés) au profit de la cohorte. Idem lorsque l’enfant ne poursuit pas des études vers un programme d’études postsecondaires reconnu par la fondation: les rendements profiteront aux autres membres de la cohorte. Il y a des gagnants et des perdants, comme vous voyez. C’est ce qu’on appelle «l’attrition».

Mais comment distribuer la cagnotte équitablement quand un parent contribue deux fois plus que l’autre au REEE collectif ou encore quand des enfants y sont inscrits dès le berceau pendant que d’autres se joignent à la cohorte à l’âge cinq ans?

En implantant un système basé sur des unités. Ainsi, plutôt que de déposer de l’argent au compte REEE, les parents souscrivent un nombre d’unités pour leurs enfants. Pour simplifier l’illustration, dans une cohorte de 37 enfants dans laquelle les parents auraient souscrit ensemble 100 unités, celui qui a participé avec deux unités se verra accorder des paiements d’aide aux études (PAE) proportionnelles, soit 2%. Les PAE sont composés des subventions gouvernementales et des rendements.

Mais combien vaut une unité? Une unité est présentée sous forme de paiement mensuel. Pour un parent dont l’enfant adhère au REEE alors qu’il n’a pas un an, cela représentait 11,25$ par mois. La contribution mensuelle pour une unité est plus élevée quand un enfant plus âgé joint la cohorte, ce qui est normal si on veut qu’elle équivaille à celle du parent qui a commencé à contribuer plus tôt.

C’est à se demander pourquoi ça existe tellement c’est compliqué.

Bref, un parent dont l’enfant joindrait le programme à la naissance ferait 204 cotisations mensuelles de 11,25$. Cette tranche de 11,25$, c’est ce qu’on appelle chez Universitas «l’option de cotisation de référence», soit l’option pour les nouveau-nés. En 17 ans, un parent versera donc 2295$ par unité. De cette somme, 200$ vont au représentant, c’est sa commission pour chaque unité vendue, soit les fameux frais de souscription.

Et c’est là, le tour de passe-passe!

Dans son dernier prospectus, Universitas a réduit la taille de la cotisation de référence, sans réduire la commission aux représentants. De combien? De peu, il faut le dire. Elle est passée de 11,25$ à 10,50$.

Après 17 ans, soit 204 cotisations mensuelles, un parent aura versé 2142$. Une grosse différence de 153 $ par unité au total. Mais le parent aura payé le même frais de souscription, soit 200$.

Des frais identiques pour une unité qui vaut moins, j’appelle ça une hausse de frais. Pourtant, dans une lettre envoyée aux parents, Universitas affirme qu’elle «met tout en œuvre afin de percevoir les frais les moins élevés possible». C’est vrai qu’elle a réduit les frais administratifs de 1,19 % à 1,18%, mais cela ne compense pas la hausse du frais de souscription.

Cette décision fait surgir deux questions. La première: quelle est l’ampleur de la hausse? Regardons d’abord comment la ponction de 200$ affecte le rendement.

Pour le savoir, il faut se demander quel est le rendement nécessaire pour générer 200$ avec une contribution mensuelle de 11,50$ par mois durant 17 ans. C’est autour de 0,97% les amis. Autrement dit, les frais de souscription viennent retrancher près de 1% du rendement. (Pour simplifier le calcul, je n'ai pas tenu compte des rendements sur les subventions, ni du fait que les premières contributions des parents ne sont pas capitalisées pour rebourser le vendeur).

Quand on refait le calcul avec une contribution mensuelle de 10,50$, la commission au vendeur équivaut à des frais de 1,03%. Mes calculs sont approximatifs, mais on est dans ces eaux-là.

Alors que les frais administratifs ont diminué d’un point de pourcentage, les frais de souscription ont monté de quelque 6 points de pourcentage.

Cela nous donne finalement une idée des frais totaux payés par les parents: frais administratifs de 1,18% (taxables = 1,36%), plus 1,03% de frais de souscription, plus 0,17% de frais de gestion, ça correspond à un frais annuel de 2,56%.

Allez comparer avec des fonds communs maintenant.

L’autre question c’est: pourquoi diable cette hausse? J’ai demandé à Universitas, on n’a pas voulu m’accorder d’entrevue, la direction me boude toujours (contrairement à son contentieux). La question est d’autant plus pertinente que les frais de souscription ne profitent pas à l’organisation, mais aux vendeurs. Je ne vois qu’une explication possible, qui reste à valider avec Universitas: stimuler des ventes qui en arrachent.

Stimuler les ventes en augmentant les frais?

Comme dirait mon collègue, «Hein! De la magie!»

***

J’ai sollicité par courriel une entrevue avec un membre de la direction de la fondation pour m’expliquer les raisons de cette hausse. Personne n’a voulu m’accorder d’entrevue. Mais on m’a fait parvenir cette déclaration par courriel: 

« Depuis plusieurs années, nos frais sont en baisse pour l’ensemble de nos clients et se maintiennent dans la moyenne de l’industrie. Récemment, Universitas a pris une décision qui a eu pour effet de faire augmenter légèrement ses frais de gestion. Cependant, les frais de gestion demeurent compétitifs. » explique Pierre Lafontaine, pl. fin., Vice-président, Service à la clientèle et exploitation d’Universitas.

« Universitas se fait un devoir de bien informer sa clientèle au moment où celle-ci choisit d’adhérer à l’un de ses produits. Les clients sont donc bien au fait des frais qu’ils auront à payer, et jugent ce coût raisonnable et compétitif dans la mesure où ils souhaitent bénéficier d’un produit sécuritaire, d’une tranquillité d’esprit et du service spécialisé que nous sommes en mesure de leur offrir. Également, Gestion Universitas effectue une gestion efficace de ses dépenses, et toutes les sommes qui peuvent être économisées sont redirigées vers les paiements d’aide aux études des bénéficiaires. D’ailleurs, c’est ce qui s’est passé en 2016, alors qu’une somme de 500 000 $ a été retournée aux plans des clients.»

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.