L'argent qui tue l'amour

Publié le 07/12/2018 à 07:00

L'argent qui tue l'amour

Publié le 07/12/2018 à 07:00

COURRIER DU PORTEFEUILLE - Les histoires d’amour et d’argent sont parmi mes préférées. Elles nous révèlent le pouvoir singulier des sentiments amoureux.

Les coups de foudres, vous en avez peut-être entendu parler, stimulent la production d’hormones. À moins que ce ne soit l’inverse, je ne sais plus. Toujours est-il qu’il y a des glandes qui s’activent dans l’affaire, et je soupçonne leur sécrétion d’inhiber certaines fonctions du cerveau.

Ne voyez rien de péjoratif ici. Quand notre tête n’est pas occupée à aimer, car c’est là que ça se passe, peut-être n'a-t-elle tout simplement plus de temps pour compter, allez savoir.

Encore récemment, une lectrice du journal nous a écrit pour qu’on se penche sur son cas dans le cadre de la Clinique Retraite. Après des années de célibat, elle avait enfin trouvé son âme soeur. Épargnante tout sa vie, disciplinée et rangée, elle s’est soudainement mise à prendre des risques pour aider son nouvel amoureux qui, bien que plus âgé et mieux payé qu’elle, est débarqué dans sa vie sans un clou. Endetté, même.

Non seulement a-t-elle puisé dans sa marge de crédit pour restructurer les dettes de son homme, elle s’est donné comme mission de le transformer en son clone financier, c’est-à-dire en faire une personne frugale et prévoyante. Il a passé 50 ans et il vient de s’acheter un truck à l’aide d’un financement à plus de 10% d’intérêt. Elle ne manque pas d’ambition, notre lectrice, et elle est entièrement consciente du défi : «Je sais, mais j’assume le risque.»

Ici, l’amour n’est pas aveugle. Disons qu’il a quelque chose magique. Du moins on l’espère.

***

Une autre lectrice, ç’aurait pu être un lecteur, vient de m’écrire pour m’exposer sa situation qui diffère à plus d’un égard de celle que je viens de vous raconter, mais tout de même, on peut y voir une similitude: l’amour.

Katia se déclare célibataire. Elle dit aussi avoir un conjoint. En fait, elle vit seule et son amoureux pourrait venir la rejoindre sous son toit, dans trois ans, quand il n'aura plus ses enfants à loger.

Notre lectrice est à la recherche d’une solution équitable sur le partage des dépenses pour le jour où le couple habitera à la même adresse.

Voici quelques chiffres. Elle habite une maison évaluée à 450 000$ hypothéquée en grande partie (371 000$). Il reste 24 ans à l’amortissement de l’hypothèque et les mensualités s’élèvent 1825$.

«Puisque je ne crois pas qu'il puisse me donner un montant d'argent pour acheter une partie de ma maison […], j'ai pensé que s'il partage la moitié des dépenses reliées à la maison (hypothèque, électricité, gaz naturel, assurances, réparations et entretien, etc.), automatiquement je lui donnerais 1% de la maison par année.»

Ainsi, dans 25 ans, il aurait le quart de la maison.

« Croyez-vous qu'il s'agit d'un accord gagnant-gagnant ?» demande-t-elle.

Non.

Je n’ai pas fait appel à mon maître es Excel pour arriver à cette conclusion, j’ai simplement utilisé un calculateur de remboursement de prêt hypothécaire comme il en pullule sur Internet.

D’abord, disons qu’il n’y a rien d’anormal à ce que soient partagées les factures lorsqu’on habite sous le même toit, je n’ai tenu compte que de l’hypothèque. Si tout va bien, le conjoint de Katia, je vais l’appeler Fred, la rejoindra dans sa maison dans trois ans. Il restera alors 21 ans avant la fin de l’hypothèque. Repoussons d’un an l’arrivée de Fred, quand il restera 20 ans, vous connaissez mon faible pour les chiffres ronds.

Dans quatre ans, donc, Fred emménage chez Katia, alors qu’il reste 20 ans avant que l’hypothèque ne soit entièrement remboursée.Vingt ans plus tard, considérant que le conjoint reçoit 1% de la maison en payant la moitié des mensualités, Katia possèdera alors 80% de la maison et lui, 20%.

Pour devenir propriétaire de 20% de la maison, Fred aura participé à la moitié des paiements de 1825$ par mois, soit 912,50$, durant 20 des 25 années sur lesquelles s’est échelonné le remboursement de l’hypothèque. Ça ne comprend pas la mise de fonds versée par Katia à l’achat.

Je ne me suis pas vraiment embarrassé de tous ces détails, je me suis contenté de calculer ce qu’il en couterait à Fred d’acheter un cinquième de la maison à son arrivée dans ce ménage. Disons qu’à ce moment-là, la maison vaut 500 000$, ce qui est tout à fait plausible. Il devrait payer 100 000$ pour sa part.

Les mensualités pour le remboursement d’une hypothèque de 100 000$ sur 20 ans, au taux que paie actuellement Katia (autour de 3,5%), reviendraient à 578$ par mois. On est loin des 912,50$ qu’il paierait dans le plan proposé par Katia. Fred perdrait au change alors que Katia, visiblement, veut l’aider.

Cette démonstration ne s’attaque cependant pas à l’essentiel du problème. À l’instar de nombreux couples récents, Katia écarte d’emblée la possibilité d’une entente formelle, donc une discussion franche au sujet de l’argent, de crainte, sans doute, de contaminer une belle histoire avec de vulgaires considérations financières.

Sans entente juste et officielle, l’argent risque au contraire de pourrir tranquillement leur relation.

Les éléments présentés ici sont d’ordre général. C’est le principe du «Courrier du portefeuille». Nos lecteurs sont invités à consulter un professionnel pour obtenir des conseils répondant à leur situation personnelle.

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Vous avez des questions, votre portefeuille vacille? Écrivez-moi à daniel.germain@tc.tc. en inscrivant dans l'objet «Courrier du portefeuille».

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.