Faut-il vraiment épargner le plus tôt possible pour la retraite?

Publié le 05/12/2017 à 11:45

Faut-il vraiment épargner le plus tôt possible pour la retraite?

Publié le 05/12/2017 à 11:45

Je ne pourrais pas vous dire quand ç’a commencé, mais je me souviens d’une époque où ça ne nous polluait pas la boîte de courriels. Aujourd’hui, le petit sondage sur les préoccupations d'argent est devenu le moyen privilégié des institutions financières pour faire parler d’elles.

Pas une semaine ne passe sans qu’une banque, un assureur ou une compagnie de fonds d’investissement n’explore nos angoisses financières. Évidemment, ces coups de sonde sont le plus souvent accompagnés d’un communiqué dans lequel un conseiller de succursale nous livre ses recommandations pour nous libérer de nos tourments.

Hier, un petit bijou s’est fait un chemin jusqu’à ma boîte de réception. L’objet du courriel a piqué ma curiosité, saluons le travail du conseiller en relations publiques: «Les xéniaux québécois coincés par l’épargne-retraite».

Les xéniaux?

Même Google n’est pas sûr. Le moteur de recherche me propose d’essayer plutôt l’orthographe «xénical». Heureusement, pour ce genre de question, il y a toujours le site de l’émission de radio Médium Large, où le sujet a fait débat cet été: «Les « xéniaux », la pseudo-nouvelle génération entre les X et les millénariaux».

On finit par comprendre que les xéniaux sont des personnes nées entre 1977 et 1983, une sous-catégorie sortie sûrement de la tête d’un gourou du marketing. Mais voilà, les pauvres «se sentent dépassés par la nécessité de concilier les obligations financières courantes et l’épargne en vue de la retraite». Si. Le sondage d’une grande banque canadienne vient de nous le révéler. «Trois xéniaux québécois sur cinq affirment que leurs factures mensuelles représentent un obstacle à l’épargne», nous apprend-on. J’en déduis que deux xéniaux sur cinq n’ont aucun compte à payer, car je ne connais pas de facture qui ne soit pas un tant soit peu un obstacle à l’épargne.

Le sondage a été mené auprès de 2500 adultes canadiens, dont 525 Québécois. Cinq cent cinquante-huit (558) «xéniaux» canadiens ont été interrogés. On conclut qu’une centaine de xéniaux québécois ont participé à l’exercice. Assez pour statuer sur le «ressenti financier» d’un groupe démographique? C’est mince comme échantillon.

La seule chose qu’on puisse conclure avec assurance ici, c’est que les personnes nées entre 1977 et 1983 sont aujourd’hui âgées de 34 à 40 ans.

À cet âge, il est normal d’avoir du mal à épargner en vue de la retraite. Il s’agit sans doute de la période la plus tendue sur le plan financier. Au cours de notre vie, nos charges et nos capacités financières ne sont malheureusement pas synchronisées. Dans la trentaine, les obligations atteignent souvent leur maximum, alors que les revenus sont encore loin de leur sommet. À cette étape, les enfants coûtent cher, comme les paiements de la maison et de l’auto, tandis que les promotions professionnelles les plus payantes se trouvent devant. Ce n’est pas propre aux xéniaux, c’est la réalité des jeunes adultes qui viennent de fonder une famille. Leur capacité d’épargne augmentera avec l’âge.

Il ne faut pas voir là le prétexte pour procrastiner et élever son rythme de consommation à la limite de ses moyens. La discipline d’épargne s’acquiert tôt, alors il est important de s’entraîner jeune. Mais faut-il être obsédé par l’épargne retraite à 36 ans? À moins de vouloir arrêter de travailler à 50 ans, il y a plus important.

Mais on vous dira, comme le conseiller de la banque qui a commandité le sondage, que plus on commence tôt à épargner pour la retraite, plus on profitera de l’intérêt composé. L’intérêt composé, c’est l’intérêt qui se transforme en capital sur lequel sera calculé le nouvel intérêt qui deviendra à son tour du capital. Comme une boule de neige qui dévale une pente et qui grossit. Exponentiel!

«Ooooh, de la magie»! On pense alors à cette mauvaise décision financière prise en 1982, quand on a acheté un sac de chips. On regrette soudainement d’avoir dilapidé ces 35 cents qui nous auraient permis de devancer notre retraite d’un an.

Bien sûr, commencer tôt à épargner permet de profiter du phénomène de l’intérêt composé, mais c’est oublier que dans l’économie, tout est boule de neige qui dévale une pente, dont le coût de la vie (l’inflation qui s’ajoute au prix des produits sur lequel est calculé l’inflation l’année suivante) et les salaires (la hausse de cette année s’ajoute à votre salaire sur lequel sera calculée votre prochaine augmentation).

Le secret de l’épargne pour la retraite, ce n’est pas tant de commencer tôt, mais de bien répartir l’effort (j’insiste sur effort) dans le temps, selon ses moyens et ses obligations. Ce qui veut dire aussi que toute nouvelle capacité financière gagnée avec le temps ne doit pas être orientée vers plus de consommation. 

Quant au capital et aux intérêts sur un placement de 35 cents effectué en 1982, il permettrait tout au plus d’acheter un sac de chips gonflé d'air en 2017. Mais il me semble que les chips au BBQ étaient meilleurs dans le temps.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.