Imposition du gain en capital: le terrain miné d'Ottawa

Publié le 21/03/2017 à 10:51

Imposition du gain en capital: le terrain miné d'Ottawa

Publié le 21/03/2017 à 10:51

Un budget à Québec offre depuis quelques années très peu de suspens. On en connaît souvent les grandes lignes avant la sortie, et parfois certains menus détails, tellement les fuites sont nombreuses. Je me demande qui, du ministre des Finances Carlos Leitao, ou de certains membres de la presse parlementaire à Québec, devrait enfiler des souliers neufs…

À la veille du dépôt du 2e budget du gouvernement Trudeau, les rumeurs en provenance d’Ottawa sont par contre plus diffuses. Elles flottent sans qu’on en connaisse la source, elles prennent de l’ampleur, mais le flou persiste.

La seule chose qui soit claire, c’est qu’Ottawa est bien engagé sur la voie des déficits chroniques et qu’on ne voit plus le moment où il arrivera à équilibrer ses finances. Comme l’économie canadienne crachote, on ne voit pas non plus comment Ottawa peut réduire substantiellement ses dépenses sans craindre de nuire davantage. Et il a déjà coupé dans ses transferts aux provinces.

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Il faudra bien aller chercher de l’argent quelque part pour juguler le problème, mais où? Le gouvernement fédéral épargnera vraisemblablement Monsieur et Madame Tout-le-monde, surtout s’ils ont des enfants, Justin Trudeau s’étant porté à la défense des familles et de la classe moyenne. Il en a fait sa marque de commerce.

Alors il y a les riches.

Selon une rumeur qui circule depuis quelques semaines, après avoir haussé le taux d’imposition le plus élevé à 53,3% l’année dernière, Ottawa aurait l’intention de relever de 50 à 75% la part imposable des gains en capital, ce qu'on appelle l'inclusion. Une telle mesure vise sans conteste les plus fortunés. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui réalisent des gains en capital à l’extérieur de comptes enregistrés (REER et CELI), à part lorsqu’ils vendent leur chalet ou un immeuble à logement. Vous aurez compris, je fréquente de pauvres gens. 

Parenthèse. On réalise un gain en capital lorsqu’on vend un bien à profit. Ce peut être de l’immobilier (la résidence principale est exemptée), des valeurs mobilières, des oeuvres d’art, une entreprise… Actuellement, la moitié du gain s’ajoute aux revenus d’un particulier. Selon les bruits qui courent, donc, Ottawa voudrait porter la partie imposable à 75%.

Si cela se réalise, les entrepreneurs qui tentent de vendre leur entreprise seraient sévèrement touchés. C'est vrai qu'ils bénéficient d’une exemption pour gain en capital qui dépasse 800 000 dollars. Cela semble beaucoup, mais ça représente bien peu en réalité pour ceux détiennent leur entreprise depuis longtemps.

Sur le site du Financial Post, Stephen Jarilowsky expliquait la semaine dernière pourquoi il était opposé à une hausse de la portion imposable du gain en capital. M. Jarislowsky figure sur la très courte liste de milliardaires québécois. Sa fortune sur papier est constituée, vous le devinez bien, de gains en capital non réalisés. Il a démarré son entreprise de gestion de portefeuilles en 1955 et depuis, la valeur de sa société s’est démultipliée. À un âge vénérable, il va encore au bureau. S’il vendait ses parts dans la firme Jarislowsky Fraser, non seulement cela pourrait le tuer, mais je ne voudrais pas voir l’avis de cotisation que lui enverrait l’Agence du revenu du Canada.

Le financier rappelait donc la semaine dernière que lorsqu’il a fondé sa société, un café pour emporter coûtait quelques sous. C’est une manière de dire que son entreprise vaut certes plus cher aujourd’hui que dans les années 1950, mais qu’il y a dans cette appréciation une part non négligeable d’inflation. Un dollar d’aujourd’hui vaut neuf fois moins celui de 1955. Faudrait-il qu’il soit imposé pour ça?

C’est bien compliqué, je vous l’accorde, car pour satisfaire M. Jarilsowsky, il faudrait soustraire l’inflation lors du calcul du gain en capital. Et dans ce cas, pourquoi ne devrait-on pas aussi en tenir compte au moment où les retraités réalisent des gains sur la vente de leurs actions de GE achetés quand les Beatles étaient encore réunis? Le dollar qu’ils ont investi à 30 ans en vue de la retraite n’a pas la même valeur que celui qu’ils vont retirer 50 ans plus tard pour s’acheter des médicaments. Et que dire du chalet qu’on a acquis il y a 20 ans? Le gain en capital serait sans doute important, mais sous le seul effet de inflation, un chalet payé 40 000 dollars en 1997 vaudrait 57 000 dollars aujourd’hui.

Cela met en relief une partie du problème que représente la fiscalité entourant les gains en capital. De quoi parle-t-on au juste? Il est traité uniformément sans égard à sa provenance. C’est ce qui fait qu’un entrepreneur est parfois incapable de vendre à ses enfants son entreprise vieille de 30 ans. Et qu’un habile spéculateur est imposé que sur une fraction des gains rapides réalisés sur l’achat et la vente d’un terrain ou grâce à un flip immobilier.

Le terrain est miné. Nous verrons demain jusqu’où s’y aventura Ottawa.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.