Le poids de la réglementation

Publié le 30/03/2015 à 08:44

Le poids de la réglementation

Publié le 30/03/2015 à 08:44

[Photo: Shutterstock]

De plus en plus, l’ennemi numéro un des banques américaines est le poids grandissant de la réglementation.

Lors d’une rencontre récente avec la communauté financière, la direction de la grande banque JP Morgan a montré des données pour illustrer sa résilience depuis la fin de la crise.

Depuis cinq ans, elle a ainsi généré 97 milliards de dollars (G$) US en bénéfices nets malgré des dépenses légales totalisant 22G$US (après impôts) et 13G$US en dépenses liées à la réglementation, incluant l’ajout d’environ 16 000 employés pour gérer le fardeau réglementaire.

C’est une performance impressionnante, mais ce qui me frappe surtout c’est l’importance gargantuesque du poids de la réglementation. Obéir aux lois et réglementations de son secteur a diminué de plus de 13% ses profits en cinq ans. Pour une banque de cette taille, c’est immense.

Lorsque j’ai lu cet extrait, j’ai fait immédiatement le lien avec le rapport annuel de M&T Bank, que j’ai lu la semaine dernière. M&T est une banque de Buffalo, plus petite que JP Morgan, mais tout de même importante avec un actif total tout juste inférieur à 100G$US. JP Morgan est environ 25 fois plus grosse, sur la base de l’actif!

Or, M&T Bank a à subir le même genre de poids réglementaire que JP Morgan parce que les deux ont plus de 50G$US en actif. Ce qui signifie que le coût relatif pour la banque de Buffalo est nettement plus écrasant.

Selon son président du conseil, Robert Wilmers, la banque dépense 441M$US pour des fins réglementaires, par rapport à un bénéfice avant impôts de 1,6G$US. C’est plus de 16% de ses bénéfices, un montant quatre fois et demi le niveau d’il y a seulement trois ans.

M. Wilmers donne des exemples percutants de l’explosion réglementaire. Sa division de gestion des risques est cinq fois plus grosse qu’elle était en 2009 et 56% plus importante qu’en 2013. Elle lui a coûté 181M$ en 2014, 84% de plus qu’en 2013.

Les 190 comités créés pour répondre aux exigences des organismes de réglementation ont produit 7 600 pages de minutes, fruits de leurs réunions. C’est deux fois plus qu’il y a cinq ans. Uniquement le comité de la gestion des risques du conseil d’administration s’est rencontré 18 fois l’an dernier pour examiner des présentations totalisant 4 445 pages. Comme cela doit être fascinant…

Évidemment, étant au cœur des éléments qui ont provoqué la plus importante crise depuis les années 1930, les grandes banques américaines ont bien mérité cette supervision plus restreignante. Sauf qu’il y a un coût de plus en plus important et des conséquences à toute cette énergie consacrée à satisfaire les exigences des bureaucrates et autres gardiens de l’industrie financière.

Comme le disait Charles Munger, vice-président de Berkshire Hathaway et partenaire de Warren Buffett, il est clair que les financiers ont perdu la tête au début des années 2000, provoquant la crise, mais il ne faudrait pas que le gouvernement devienne fou lui aussi. Et nous ne sommes pas loin de cela.

Dans le cas de M&T Bank, son poids réglementaire est particulièrement injuste en raison de son modèle d’affaires traditionnel. La banque est réglementée comme les super-banques à la JP Morgan, dont une partie importante des revenus provient du «trading» alors que M&T Bank est une banque régionale qui prend les dépôts de ses clients pour prêter l’argent aux entreprises et consommateurs.

Le concept clé au cœur de la réglementation des institutions financières est la taille, sur la base de l’idée qu’une grande banque (définie comme ayant plus de 50G$US en actif) qui fait faillite est un risque systémique important. C’est rationnel, mais il faut aller plus loin et inclure l’idée, tout aussi cruciale, que le modèle d’affaires est aussi important. Une institution financière qui transige activement des produits dérivés comporte peut-être plus de risques pour le système financier qu’une banque qui ne fait que des dépôts et des prêts.

Qu’en pensez-vous?

Bernard Mooney

 

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