Laissez les devises aux pros

Publié le 21/01/2015 à 07:34

Laissez les devises aux pros

Publié le 21/01/2015 à 07:34

(Photo: Bloomberg)

BLOGUE. Hier, en après-midi, lorsque j’ai jeté un oeil aux principaux indices financiers, j’ai été estomaqué en constatant que le dollar canadien perdait plus d’un sou face à la devise américaine, une perte de plus de 1,5%.

À lire aussi: Le dollar canadien chute à un nouveau creux

Pas que de tels mouvements soient si rares. La semaine dernière le franc suisse a explosé de 20% en une journée par rapport à la devise européenne à la suite de la décision de la banque centrale de ce pays de ne plus limiter la valeur du franc par rapport à l’euro. Ça c’est une fluctuation quotidienne exceptionnelle qui se retrouvera dans les livres de record.

C’est que je sais que la baisse de notre devise est telle qu’elle est susceptible d’attirer ces chasseurs d’aubaines, motivés par des gains rapides et gargantuesques. Et le marché des devises se prête bien à ces rêveurs, mais je n’ai pas de bonnes nouvelles pour eux.

D’abord, un mot sur notre dollar. Il a longtemps été surévalué, pendant plusieurs années et je ne me suis pas gêné pour le mentionner. Je n’ai jamais acheté cette thèse d’un temps nouveau pour le Canada, reposant sur le supposé super-cycle des matières premières. Vision qui poussait nombre de stratèges à prédire que notre dollar continuerait de s’apprécier par rapport au dollar US, bien au-delà de la parité.

Je me rappelle avoir changé des dollars canadiens en américains et avoir reçu plus de dollars américains. Je croyais rêver. Je savais que ce rêve ne durerait pas et j’en ai profité (évidemment, avec le recul, je me dis que j’en ai pas assez profité… c’est le porc avide en moi qui parle).

Bref, le temps et la réalité ont fait leur travail, et la bulle canadienne est chose du passé.

Si vous vous attendez à ce que je vous prédise ce que fera notre dollar à partir de maintenant, je vous encourage à aller lire une chronique d'astrologie. Je peux vous dire que notre dollar n’est plus surévalué, ce qui est plus un retour à la normale que d’autres choses.

À partir de maintenant, tout dépendra des circonstances, des événements et des humeurs. Ce qui dépasse mes compétences (et mes intérêts).

Si vous voulez vous essayer à négocier les devises pour vous enrichir, laissez-moi vous décourager. En commençant par une anecdote: il y a quelques années, lors d’une rencontre sociale, une personne m’a lancé: « Bernard, je me suis procuré un logiciel et je vais commencer à négocier des devises….»

Spontanément, j’ai répliqué: «Pour qui tu te prends kriss (oui, je l’admets, j’ai sacré)… tu vas affronter des gens qui font ça toute leur vie, avec des ressources incroyables et des relations partout dans le monde… tu n’as aucune chance! »

La conversation s’est terminée là et elle m’a jamais reparlé de cette ambition.

C’était une idée profondément stupide, ce qui explique ma réaction violente. Cette personne est comme beaucoup de mes lecteurs. Elle suit les marchés de temps en temps, à la retraite, mais c’est loin d’être sa passion. Elle ne s’est pas levée un matin en se disant, «je vais partir mon entreprise pour négocier les devises et faire de l’argent». Non, elle s’est fait vendre cette idée, par un fournisseur qui lui, fait de l’argent en vendant son produit et ses services. Pas en négociant les devises, ça j’en suis convaincu.

Parce que si vous connaissez la Bourse comme je la connais, vous savez qu’il est difficile d’y faire de l’argent année après année. Or, négocier les devises et y faire de l’argent est 10 fois plus difficile, au moins.

Je crois que vous avez une chance de réussir en Bourse, si vous vous concentrez sur le placement à très long terme, approche que la plupart des professionnels sont incapables d’appliquer. C’est l’avantage compétitif significatif qui reste à l’investisseur indépendant. Dans le marché des devises, le petit investisseur n’a aucun avantage, bien au contraire.

En plus, les devises se négociant sur les marchés à terme impliquent l’utilisation massive de l’effet de levier. Encore là, si je suis un vendeur de produits, cet effet de levier peut me servir à vous faire miroiter des gains mirobolants. En effet, lorsque vous avez seulement besoin de 1$ pour acheter 50$ en devises, une fluctuation de 2% vous permet de doubler votre capital (si on oublie les commissions).

Imaginez donc les gains potentiels!

Ouais, mais je ne suis pas un vendeur, bien au contraire. Et je dois, moi, mettre l’emphase sur l’aspect dangereux d’un tel effet de levier. Une baisse de 2% de la valeur de votre placement vous fait perdre 100% de votre capital. Si vous pensez que cela ne peut pas arriver, arrêtez de rêver en couleurs.

D’ailleurs, ceux qui avaient acheté le dollar canadien lundi ont presque subi une perte totale hier, sur la base d’un effet de levier 1/50.

Ce n’est pas pour rien que la plupart des petits investisseurs qui s’essaient dans le marché des devises ne font pas d’argent. Ça c’est le scénario moyen, car le résultat peut s’avérer bien pire.

La réalité c’est que si vous vous lancez dans les devises, ce ne sera pas du placement; ce sera de la spéculation. Au moins, ne vous racontez pas d’histoire.

Bernard Mooney

 

Blogues similaires

Canada Goose : le coup de froid

Édition du 26 Janvier 2019 | François Pouliot

CHRONIQUE. Le Canada a bon nom à l'étranger. Utilisons-le pour tenter de donner du levier à nos produits. Bonne ...

Shopify: prochaine victime de la malédiction boursière canadienne?

BLOGUE INVITE. Shopify est-elle différente des Nortel, Research in Motion, Valeant, Barrick Gold et autres?

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.