Les enseignements de «mes» hommes d'honneur

Publié le 20/06/2019 à 11:57

Les enseignements de «mes» hommes d'honneur

Publié le 20/06/2019 à 11:57

Des pains sur un comptoir.

La faillite de la boulangerie familiale était honorable puisque le commerce avait été victime d’une grande valeur morale, celle de ne pas laisser les plus démunis dans le besoin. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Mon père travaillait comme commis dans un entrepôt alimentaire. Un jour, victime de la crise économique qui sévissait, son employeur a fait faillite et il s’est retrouvé sans emploi à l’âge de cinquante ans. «Ouvre-toi un dépanneur», avait lancé un membre de ma famille. Il accepta plutôt un travail de nuit chez Metro Richelieu.

Mon père avait dû quitter les bancs d’école très jeune parce que mes grands-parents avaient besoin d’aide à la boulangerie familiale. À force de toujours faire crédit, le commerce ne réussissait pas à atteindre son plein potentiel. Mon grand-père était incapable de laisser les familles les plus démunies du village dans le besoin. «Laisse-leur du pain», disait-il lorsque mon père partait faire ses livraisons. Puis un jour, les boulangeries commerciales firent leur apparition et ce fût la fin de la boulangerie Marcotte.

Je ne sais pas si la faillite du commerce familial et celle de son employeur ont enlevé à mon père toute possibilité ou envie de se lancer en affaires. Mais chose certaine, cet homme d’honneur a figuré parmi les modèles qui ont su inspirer, dès le départ, mon propre cheminement entrepreneurial avec quatre enseignements remplis de sens.

1. Mettre du cœur à l’ouvrage

Le nom de Fernand Marcotte était inscrit en permanence sur la liste des employés disponibles pour faire du temps supplémentaire. Non seulement mon père était un homme extrêmement travaillant mais il aimait aussi le travail bien fait. Plusieurs clients exigeaient même qu’on affecte l’employé Marcotte à la préparation de leurs commandes. Il avait la réputation d’être consciencieux et de ne pas faire d’erreurs.

2. Tenir bon

Malgré un cancer de la gorge, mon père se rendait toujours au travail après avoir reçu, tôt le matin, ses traitements à l’hôpital. «Je ne peux pas mourir, j’ai trois enfants en bas âge à nourrir qui ont besoin de moi…», avait-il lancé à son médecin qui avait peu d’espoir pour sa guérison. Tout au long de son combat, mon père a continué d’assumer pleinement son rôle de pourvoyeur en tant que chef de famille. Il n’a jamais abandonné ses responsabilités et en plus, il a toujours gardé espoir même lorsqu’il a perdu l’usage de ses cordes vocales. Lorsque je le voyais sortir de sa poche de chemise son petit carnet et un crayon de plomb pour communiquer, j’avais en mémoire sa voix qui m’avait souvent répété: «Ma fille, quand ça va mal, tu relèves tes manches et tu continues!».

3. Garder une parole impeccable

Mon père a finalement été déclaré un cas clinique inexpliqué. Une sorte de miracle comme a dit son médecin. Sa voix est même revenue progressivement, elle était plus fragile qu’avant mais sa parole demeurait toujours aussi impeccable. Dans le livre «Les quatre accords toltèques», on dit qu’une parole impeccable en est une qui n’agresse pas, ne juge pas et ne cherche pas à dénigrer les autres. Cela représente l’une des clés d’un code de vie exemplaire.

4. Contribuer au succès des autres

Un jour, j'ai aussi perdu mon emploi. Contrairement à mon père, j’ai alors décidé de me lancer en affaires. «Ma fille, ce n’est pas le bureau qui est important, mais les responsabilités qu’on a derrière», m’avait-il expliqué lorsque je lui disais avoir honte de mes installations improvisées. Il m’avait aussi encouragée à demander un coup de main à son frère. «J’ai quitté l’école pour contribuer à payer ses études, il va sûrement pouvoir t’aider à son tour…», m’avait-il dit d’un ton rassurant.

Mon oncle me fit un prêt, ce qui sauva l’embryon de ma toute petite entreprise qui, un jour, a fini par figurer parmi les plus rentables au Québec dans son secteur d’activité. Curieusement, le destin aura voulu que ma société de solutions Internet réalise le site de l’employeur de mon père. «Metro.ca» avait même remporté, cette année-là, le prestigieux prix du «meilleur site Internet au Québec – grand détaillant» décerné par Infopresse.

Des succès et des échecs «d’honneur»

Papa est mort le 14 juin 2014, quelques jours avant la fête des pères. On a retrouvé, bien caché au fond de l’un de ses tiroirs, un sac «ziploc» rempli de découpures de presse relatant les moments forts de mon ascension jusqu’à la vente de ma société, Marcotte Multimédia inc., à la multinationale Transcontinental*, ce qui changea à jamais mon destin financier.

Via mon parcours, je crois que mon père a pu vivre une expérience différente de ce qu’il avait connu du monde des affaires. Mon histoire entrepreneuriale a eu une fin positive mais nous sommes plusieurs à penser qu’il n’y avait rien eu de négatif avec la faillite de la boulangerie familiale. En fin de compte, il s’agissait d’une fermeture que l’on pouvait qualifier d’honorable puisque le commerce avait été victime d’une grande valeur morale, celle de ne pas laisser les plus démunis dans le besoin.

Ce que j’ai compris? On devrait toujours mettre du cœur, du courage, du respect et de la générosité dans tout ce qu’on décide d’entreprendre dans la vie.

Peu importe les succès ou les échecs, on n’oublie jamais les femmes et les hommes d’honneur. Leurs accomplissements sont éternels.

* Transcontinental est propriétaire du groupe Les Affaires.

 

À propos de ce blogue

«Je suis devenue une entrepreneure le jour de mon congédiement. L’instinct de survie, mon audace et mes paiements à la fin du mois ont figuré parmi mes plus grands actifs. Depuis, j’encourage les gens à aller au bout de leurs rêves et de leurs ambitions à titre de productrice et animatrice télé, conférencière, chroniqueuse et cofondatrice du mouvement Adopte inc. qui vient en aide à la relève entrepreneuriale. Et maintenant, à titre de blogueuse!» Anne Marcotte est cofondatrice du mouvement Adopte Inc et productrice du Groupe Vivemtia inc.

Anne Marcotte