Voici comment l'Internet des objets va sauver Hydro-Québec

Publié le 12/12/2016 à 10:10

Voici comment l'Internet des objets va sauver Hydro-Québec

Publié le 12/12/2016 à 10:10

Le thermostat connecté Caleo de CaSA. (Photo: CaSA)

Il existe une solution aux problèmes d’image d’Hydro-Québec et à ses défis de gestion énergétique à venir. Et elle est beaucoup plus simple qu’on le pense. Elle se trouve du côté des objets connectés et du big data. Évidemment!

Pour le commun des consommateurs québécois, ces petits appareils dotés d’une connexion WiFi peuvent avoir des airs de gadgets inutiles et superflus. Surtout ceux permettant de gérer sa consommation d’énergie dans le temps. Dans un monde (le Québec) où la facturation est à tarif fixe et unique, ça ne change pas grand-chose d’allumer ses appareils la nuit plutôt que le jour, le matin plutôt que l’après-midi…

Dans bien d’autres cas, il faut se le dire : les appareils connectés nuisent davantage à la planète qu’ils ne l’aident. Pensez aux cyberattaques des derniers mois, amplifiées par la négligence des fabricants d’appareils connectés (thermostats, caméras, téléviseurs, et même des voitures), puis celle de leurs utilisateurs.

Pourtant, dûment sécurisés, leur potentiel bénéfique existe réellement. Une société énergétique peut y voir un outil de gestion fort utile pour mieux gérer la consommation, puis la production d’énergie sur son réseau. Un seul thermostat électronique, programmable et connecté à internet n'aide peut-être pas beaucoup. Quelques dizaines de milliers de ces thermostats, et surtout, les données qu'on peut en tirer, par contre... 

Des millions de dollars en jeu

Un thermostat connecté peut faire mieux qu'un thermostat programmable. Il peut notamment inciter ses propriétaires à ne pas le laisser en mode «manuel» toute la journée, ce qui élimine carrément son utilité. Ensuite, en allant chercher de l’information sur la météo sur Internet, il peut prévoir une pointe de froid, ou de chaleur, et s’ajuster en conséquence.

Enfin, et surtout, s’il est relié aux serveurs de la société qui produit l’énergie, il peut fournir une information massive et précise des habitudes de consommation sur l’ensemble du territoire desservi.

On parle de gros sous. Un projet d’évaluation chez Hydro-Sherbrooke, qui compte un peu plus de 82 000 clients dans les Cantons-de-l’Est, estime que si un peu plus du tiers des foyers desservis s’équipaient d’appareils de chauffage connectés (thermostats et chauffe-eau), l’économie annuelle pourrait atteindre les 5 millions de dollars.

Imaginez l’économie pour une société d’État comme Hydro-Québec, qui compte un peu plus de 3 millions de clients résidentiels. Et comment une telle initiative pourrait s'inscrire dans une véritable stratégie numérique provinciale. Ah! Et pourquoi, soudainement, l'idée d'un réseau Internet déployé à la façon du réseau électrique québécois redevient intéressante...

Fermez les centrales!

Située à Saint-Mathieu-de-Beloeil, sur la rive sud de Montréal, CaSA est une start-up qui s’est fait connaître il y a 3 ans grâce au Caleo, un thermostat à connexion WiFi dont le lancement a eu lieu sur la plateforme Kickstarter. Forte de cette expérience, elle mise son avenir sur ce potentiel des objets connectés et des données massives pour aider le secteur énergétique à relever les défis des prochaines années.

Aujourd’hui, CaSA et ses 10 employés occupent un hangar en bordure de la piste de l’aéroport de Beloeil, et ne fournissent plus. Le Caleo est assemblé sur place. «Le plus gros de notre clientèle est aux États-Unis», dit Martin Fassier, PDG et cofondateur de CaSA avec Patrick Pépin, son directeur des opérations. «Mais on a des projets partout au Canada. En Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec…»

Ces projets vont plus loin que le chauffage. CaSA travaille de concert avec Giant, l’important fabricant de chauffe-eau de Montréal-Est, afin de mettre en marché, au courant de 2017, un panneau de contrôle électronique conçu exprès pour mieux gérer l’eau chaude dans les bâtiments résidentiels.

Un chauffe-eau, c’est une forme de stockage d’énergie : on chauffe l’eau, puis elle conserve cette chaleur à peu près intacte jusqu’à son utilisation. Mieux gérer cette dynamique dans le temps, estime M. Fassier, aiderait à réduire les pointes de consommation quotidiennes, le matin et le soir. Hydro-Québec, qui produit en fonction de ces pointes quotidiennes, pourrait resserrer ses marges et mieux planifier ses surplus. Pour les revendre à des voisins moins bien desservis, pourquoi pas.

«À grande échelle, si on est plus efficaces, ça éviterait de bâtir de nouvelles centrales superflues», croit-il. Un bénéfice économique, mais aussi environnemental: dans certaines régions, pour suffire à la demande de pointe, on active des centrales au diesel qui, vous l’aurez compris, produisent aussi leur lot de gaz polluant…



Le Caleo de CaSA est assemblé à Saint-Mathieu-de-Beloeil. (vidéo: CaSA)

Le problème d’image d’Hydro-Québec

Éric Martel, l’actuel PDG d’Hydro-Québec, l’a admis d’emblée : la société d’État souffre d’un grave problème d’image au Québec. Disons simplement que l’envoi mensuel d’une facture à chacun de ses clients ne constitue pas une relation aussi riche et fructueuse que plusieurs, au sein de l’entreprise, semblent le croire.

Des campagnes comme celles des premiers thermostats programmables, il y a quelques années, puis celle des ampoules fluocompactes, qui ne livrent pas le bénéfice escompté sur la facture en question, n’aident probablement pas.

Promouvoir des appareils connectés comme des thermostats et des chauffe-eau pourrait-il faire autrement? Après tout, pour qu’ils soient bénéfiques à grande échelle, il faut l’accord de l’utilisateur pour que les données (anonymes) soient partagées avec un tiers, pour créer une base de données que de savants algorithmes iront ensuite analyser, décortiquer, interpréter.

Martin Fassier voit le verre (d’eau chaude) à moitié plein. «Avec mes appareils, je vends du confort aux gens: l’eau est toujours chaude, leur maison aussi.» En même temps, s’il aide Hydro-Québec à éviter la construction d’une énième centrale, ça élimine une des principales raisons avancées pour justifier la hausse des tarifs d’électricité au Québec depuis quelques années.

Bref, il y a là un moyen de retourner la situation à l’avantage de tout le monde. Évidemment, c’est un portrait idéal de la situation. Mais c’est un bel exemple de l’effet que peuvent avoir les start-ups capables de voir dans les tendances technologiques du moment des bénéfices non seulement pour des grandes entreprises, mais aussi, pour le public en général.

Et si, du même coup, on parvient à redorer l’image d’un géant comme Hydro-Québec, ce serait gagnant-gagnant!

À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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