Note aux studios montréalais: les gamers ne sont pas tous millionnaires

Publié le 29/05/2019 à 10:59

Note aux studios montréalais: les gamers ne sont pas tous millionnaires

Publié le 29/05/2019 à 10:59

Ce matin, le studio montréalais Ludia, propriété de FremantleMedia, une société appartenant à RTL, filiale du plus important conglomérat médiatique d’Europe, Bertelsmann, a lancé son plus récent jeu vidéo sur iOS et Android. Warriors of Waterdeep a la particularité d’être un jeu de rôle mobile tiré de la très populaire franchise Dungeons & Dragons, qui a pratiquement lancé le genre RPG (role-playing game).

Le jeu est téléchargeable gratuitement, et on peut y jouer sous la formule désormais acceptée du free-to-play : des piécettes d’or, des gemmes et des coffres contenant de l’équipement surprise rehaussant la puissance de nos héros sont ainsi vendus au fort prix à même l’environnement de jeu. Un volet «financier» qui pourrait tout autant servir d’introduction 101 aux finances personnelles des jeunes adolescents qui visiteront ce jeu permet aussi d’aller passer du temps sur des applications tierces, ou de s’abonner contre argent sonnant à des services comme le fameux Dollar Shaving Club de Gillette, et d’obtenir une rémunération virtuelle en échange.

Si vous voulez l’avis d’un seul homme (qui a déjà été critique de jeux vidéo à une époque où ils étaient livrés dans une imposante boîte en carton contenant 90% d’air, et 10% de disquettes ou de cd-rom, livret d’instructions inclus), le free-to-play est le symptôme d’une industrie accro aux revenus, qui n’a pas compris que ses clients ne sont pas tous millionnaires. Car free-to-play n’égale pas free-to-win, loin de là!

Une jouabilité attrayante

Signe des temps, il vous faut donc passer à travers les trois paragraphes précédents pour lire sur la jouabilité de Warriors of Waterdeep. Car c’est un jeu où les transactions sont plus importantes que la conclusion des chapitres. Où l’argent prime sur l’action. Ça transpire jusque dans l’évolution de l’histoire, impossible sans que le joueur ne débourse des sommes considérables pour faire progresser ses héros (qui passent d’un à six, au fil des premiers défis). Dommage, car la prémisse, classique, est conçue pour plaire aux amateurs du genre.

Le déroulement des Guerriers de Waterdeep est typique d’un jeu de rôle : on progresse en traversant des donjons comptant trois pièces, menant éventuellement à un ennemi plus important. Chaque niveau est composé d’une série de ces donjons, et débloque, une fois qu’on a vaincu tous ses monstres, un donjon d’une quinzaine de pièces dans lequel on peut retourner à volonté par la suite.

Revisiter ces donjons est essentiel pour découvrir des coffres au trésor qui contiennent de l’équipement qu’on fait monter en performance, permettant aux personnages d’acquérir l’expérience qui les rend plus puissants.

Juste avant le lancement officiel du jeu, on a ajouté une formule d’arènes où on affronte les héros d’autres joueurs, de façon plus ou moins aléatoire. Ça permet de se comparer, et encore là, d’hériter de coffres remplis d’or et d’équipement. 


Le portefeuille, votre arme secrète

C’est un débat qui existe dans le jeu depuis que le mobile est né : où tracer la ligne entre la portion gratuite du jeu et la portion payante? Car autant il serait absurde de tout donner gratuitement, autant un jeu mobile, par son format relativement plus modeste, ne peut pas non plus être vendu au prix d’un jeu de console de type AAA.

Histoire de tester Warriors of Waterdeep en accéléré, Ludia a garni les goussets de mes personnages d’un nombre considérable de pièces d’or et de gemmes. L’idée étant que ça permettrait à mes personnages d’évoluer plus rapidement et d’atteindre les derniers niveaux à temps pour rédiger une critique.

Selon les prix en vigueur dans le jeu, il m’aurait fallu débourser plus de 200$ pour obtenir à peu près la même quantité d’équipement sans «tricher». C’est beaucoup!

Et pourtant, ce n’est pas suffisant pour se rendre au bout de l’histoire. Sans payer davantage, mes héros sont coincés aux deux tiers du jeu, faute de pouvoir continuer leur progression de façon «naturelle». Pas que le jeu soit d’une longueur ou d’une sophistication qui justifierait une telle dépense, c’est juste que quelqu’un, quelque part chez Bertelsmann-RTL-Fremantle-Ludia, a perdu le contact avec une réalité simple du secteur vidéoludique : les joueurs sont loin d’être millionnaires, mais ils ont la mémoire longue.

Les désabuser au premier contact risque de nuire à une éventuelle série de jeux Dongeons & Dragons toute entière. Leur permettre de se rendre au bout de Warriors of Waterdeep sans les ruiner serait probablement plus payant à long terme. Du moins, en attendant Google Stadia et Apple Arcade...

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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