Google Daydream View: une dernière chance pour la réalité virtuelle?

Publié le 08/12/2016 à 11:00

Google Daydream View: une dernière chance pour la réalité virtuelle?

Publié le 08/12/2016 à 11:00

Avec Daydream, Google tente le même coup qu'avec Android. (Photo: Google)

N’en déplaise à ses partisans, la réalité virtuelle semble prendre la même direction que la télé 3D il y a 5 ans. Malgré une technologie attrayante, les ventes d’équipement sont décevantes, et le contenu continue de se faire rare. C’est dans ce contexte que Google débarque avec une nouveauté, le Daydream View, afin de détrôner l’improbable leader dans ce créneau: Sony.

On parle de l’Oculus Rift depuis tellement longtemps qu’on a l’impression qu’il n’était initialement disponible qu’en noir et blanc. Pourtant, cet automne, les chiffres indiquent que l’onéreux casque vendu par Facebook se fait surclasser par un appareil qu’on ne voyait pas dans le portrait il y a six mois à peine : le PlayStation VR de Sony.

Comme on le dénotait vendredi dernier, avec des ventes projetées de 745 434 exemplaires pour 2016 (par la société SuperData Research), le PlayStation VR double littéralement le Rift (355 088 ventes), et surclasse même les «casques téléphoniques» (faute d’un meilleur terme) de HTC (450 083 pour le Vive) et d’autres fabricants.

Sony profite sans doute de la popularité de sa console PlayStation 4, présente dans 40 millions de foyers sur la planète. En même temps, par comparaison, on voit bien que la réalité virtuelle est encore bien marginale. On est loin de ce qu’on pourrait appeler un engouement.

Avant tout ça, pourtant, en janvier dernier, Google disait avoir écoulé quelque 5 millions de casques Cardboard. Conçu par ses ingénieurs pour être universel, il était fabriqué par des tiers, et vendu à un prix généralement dérisoire (souvent moins de 20 $).

Daydream View: les petits pas de Google

Le View est un casque minimaliste, vendu 100$ au Canada, livré avec une petite télécommande Bluetooth qu’on jumelle à un Pixel XL (ou un Moto Z, un de ces jours) et qui se recharge par connexion USB-C. Daydream, c’est la plateforme applicative, l’environnement 3D virtuel dans lequel on trouve la boutique et les applications compatibles avec ce casque.

Le souhait de Google est que d’autres casques soient mis en marché par des tiers, compatibles avec sa plateforme Daydream. Celle-ci est mieux structurée que l’environnement Cardboard, et semble avoir été réfléchie avec soin, mais elle possède tout de même ses limites.

La première: les applications créées pour Cardboard ne fonctionnent pas naturellement dans Daydream. Une autre limite? Le socle sur lequel on couche le Pixel XL afin de s’immerger dans l’environnement virtuel recouvre la totalité du téléphone. Incluant son objectif photo, lequel ne peut donc pas transformer l’expérience en réalité augmentée.

Ce socle comporte une puce NFC qui lance automatiquement l’application Daydream, dès qu’on y dépose le téléphone. Pour contourner l’incompatibilité avec les applis Cardboard, vous pouvez toujours éteindre le signal NFC du Pixel et le tour est joué… Autre irritant: il faut régulièrement «recentrer» l'image au centre du champ de vision (même en plein jeu d'action). Le capteur de mouvement n'est pas aussi précis que celui d'autres casques plus coûteux.

Enfin, revenons à la télécommande, qui est pour ainsi dire la clé de voûte de toute l’affaire. Ses trois touches décuplent l’interaction avec l’environnement virtuel. Ce n’est pas aussi excitant que si le casque traduisait le mouvement des mains dans les airs en commandes directes, mais c’est définitivement mieux qu’un pavé tactile logé sur le côté du casque, formule adoptée par Samsung pour son Galaxy Gear VR.

Le seul défaut de la télécommande: son autonomie est très courte. Elle mettra fin à votre évasion virtuelle bien avant que le téléphone ne souffre du même problème. Celui-ci, en revanche, est brûlant, littéralement, après un quart d’heure d’utilisation seulement. Ça n’affecte pas sa performance, mais personne ne voudra prendre un appel et se le coller au visage immédiatement après l’avoir détaché du casque…

Dernier détail: l’environnement virtuel est exigeant pour la mécanique du Pixel XL, pourtant bien équipé, sous le capot. À tel point que certains jeux et certaines applications auront de la difficulté à émettre un son fluide vers un casque Bluetooth. Un casque filaire est préférable pour jouir pleinement de la réalité virtuelle du Daydream View.

Bref, Google y va un pas à la fois. Le Daydream View ne résout pas tous les problèmes de la réalité virtuelle. C’est un premier pas dans la bonne direction. L’accessoire est vendu à bon prix, et surtout, Google a une présence massive dans les magasins de la chaîne de boutiques Best Buy au Canada. Ça risque d’aider à écouler le Daydream View aux côtés du Pixel XL, d’ici Noël.

Tout ça mis ensemble, la facture risque toutefois d’être salée.



Le Daydream View, de Google. (Vidéo: Google)

Le prochain Android?

En 2011, Marc Andreessen, un des créateurs du premier navigateur web au début des années 90 (Mosaic), a dit : «les logiciels sont en train de dévorer le monde.»

Pas faux. Pensez au temps des Fêtes qui s’en vient. Au-delà des appareils, ce sont les applications et les services dématérialisés qui font de beaux cadeaux. Les cartes cadeaux d’Apple, de Google et des autres se glissent particulièrement bien dans une carte de souhaits…

Une telle carte risque d’être fort utile pour tout propriétaire d’un casque Daydream View. Les jeux et les applications compatibles coûtent cher. La plupart tournent autour des 10$ pièce. Et pourtant: l’expérience est généralement de courte durée, ou rapidement redondante, et en un mot, lassante.

Google met actuellement les bouchées doubles afin d’aider les développeurs à lancer leurs produits le plus rapidement possible. Une cohorte de nouveaux jeux a été lancée cette semaine. Ça fait grand bien. On ne les passera pas tous en revue, mais on sent le désir (enfin!) d’aller au-delà du premier contact avec l’immersion 3D: de l’action sur 360 degrés, des scénarios non-linéaires, une interaction plus riche avec le joueur que du pointe-et-clique banal.

Deux exemples : DRIFT et Need for Speed No Limits donnent le goût de les revisiter régulièrement.

Cela dit, on attend toujours le fameux «killer app», cette appli qui va établir la notoriété d’une plateforme dominante dans le monde de la réalité virtuelle. Car pour le moment, tout le monde joue de son côté: Oculus, Sony, Google, et bientôt, Microsoft.

Avec son environnement Daydream, Google tente le même coup qu’avec le système Android: fournir une plateforme centrale à partir de laquelle l’écosystème pourra se développer, et dans lequel même des appareils s’écoulant à petit volume, comme les HTC Vive et Galaxy Gear VR, donneront accès à un catalogue élargi de jeux et d’applications.

L’avenir de la technologie dépend peut-être d’une initiative comme l’application Daydream. Et l’avenir de cet environnement dépend peut-être de la popularité du casque Daydream View, qu’on pourra évaluer aussi tôt qu’au retour de Noël.

Autrement dit, c’est peut-être le Noêl de la dernière chance pour la réalité virtuelle.

À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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