Un écoquartier menacé à Québec

Publié le 08/06/2013 à 00:00, mis à jour le 06/06/2013 à 09:30

Un écoquartier menacé à Québec

Publié le 08/06/2013 à 00:00, mis à jour le 06/06/2013 à 09:30

Nodélo, le premier écoquartier de Québec, est menacé par l'opposition citoyenne, minoritaire selon un sondage, mais détentrice d'un pouvoir de vie ou de mort. Syndrome du «pas dans ma cour» ou préoccupations environnementales sérieuses ? Le débat est ouvert, et la Ville doit décider le 11 juin si elle tiendra le référendum demandé par 111 citoyens qui ont signé les registres.

«C'est du "Pas dans ma cour", regrette le promoteur Sébastien Leboeuf. Les gens ne saisissent pas qu'on va couper le boisé pour faire un développement standard si Nodélo est bloqué. Il y a toujours une minorité de personnes qui s'oppose à tout projet.»

Leboeuf Société immobilière possède des terrains depuis 2006 dans le nord du quartier Charlesbourg. Le conseil de quartier a suggéré au promoteur de retourner à sa table à dessin après qu'il eut présenté un premier projet de construction de maisons unifamiliales et jumelées. C'est ainsi que, 10 millions de dollars et des années de travail plus tard, Sébastien Leboeuf a proposé un projet d'écoquartier privé comptant 1 600 logements, des commerces de proximité au rez-de-chaussée, 53 % d'espaces verts, un lac, un système de récupération de l'eau de pluie et un système de gestion des déchets qui en réduira le volume de moitié.

Mais Nodélo nécessite des changements de zonage et voilà que des citoyens s'y opposent, entre autres à cause de l'augmentation de la circulation automobile. Il suffisait de 39 signatures dans un territoire qui compte 2 700 résidences pour obtenir la tenue d'un référendum.

«Notre système actuel donne trop de pouvoir aux citoyens. C'est légitime de vouloir protéger son milieu de vie, je les comprends. Mais qu'est-ce qui est pire, le projet Nodélo ou le projet [traditionnel] que permet le zonage ?» demande l'urbaniste Alexandre Turgeon, fondateur et président de Vivre en ville.

Loin du centre-ville

Son organisme considère que Nodélo ne correspond pas en tous points à la définition qu'il donne d'un écoquartier, essentiellement parce qu'il est situé à une douzaine de kilomètres du centre-ville, aux limites du périmètre d'urbanisation de Québec. Cette zone est mal desservie par les transports en commun. La densification pourrait toutefois bonifier l'offre de transport, admet M. Turgeon, mais il souhaiterait qu'un haut niveau de service soit offert dès le début.

Pour Vivre en ville, Nodélo a beaucoup d'atouts par rapport à l'offre habituelle, mais il est situé dans une zone forestière qui aurait pu être développée beaucoup plus tard, après que les terrains en friche plus près du centre eurent d'abord été utilisés.

«Le problème, c'est que nos périmètres d'urbanisation sont trop étendus par rapport aux besoins. Mais le premier fautif, c'est la Ville, pas le promoteur qui a acheté des terrains et veut les développer», dit M. Turgeon.

Il considère injuste que Sébastien Leboeuf se retrouve au centre d'une controverse, alors qu'il tente de faire mieux que la plupart des promoteurs immobiliers. «S'il faisait le même développement ordinaire que les autres, on n'en entendrait pas parler et un mal silencieux s'étendrait», dit-il.

Comme une soixantaine de résidents du secteur, Marcel Dancause a signé en 2009 un mémoire pour la préservation du boisé et des milieux humides que le projet Nodélo sacrifiera en partie. Mais il préfère quand même la disparition complète de la forêt que causerait un projet traditionnel, plutôt que l'ajout de 1 600 logements et la circulation automobile que Nodélo occasionnera.

«J'aime autant des maisons unifamiliales et jumelées ; c'est ce qui correspond au secteur», dit l'homme installé dans le nord de Charlesbourg depuis 26 ans.

Le moment de décider

Vivre en ville voudrait pouvoir s'asseoir avec le promoteur et les citoyens pour bonifier le projet. Sébastien Leboeuf estime en avoir assez fait de ce côté ; il avait même offert aux citoyens de former un comité pour améliorer Nodélo, mais personne n'y a participé.

«On a été prêt pendant quatre, cinq ans à les rencontrer. Là, on est rendu à l'étape de décider : le projet A (traditionnel) ou le projet B (Nodélo)», dit le promoteur.

«Je suis pour le fait que les citoyens se prononcent, mais là, il y a un non-sens. On est face à un projet d'envergure, et 3 % de la population devrait décider pour l'ensemble ?» dit M. Leboeuf, non sans découragement.

Un sondage CROP qu'il a commandé montre que 86 % des gens de l'arrondissement Charlesbourg sont en faveur d'un écoquartier. Plutôt que d'accepter un référendum qui risquerait de bloquer un projet de 500 M $ qui répond aux objectifs de la Ville de densifier et de bâtir vert, M. Leboeuf espère que Québec proposera un programme particulier d'urbanisme. «Il n'est pas trop tard», dit-il.

PLUSIEURS PROJETS CONTESTÉS

Sébastien Leboeuf a eu beau se mettre au vert, ce n'est pas la première fois que le promoteur immobilier se heurte à la contestation de citoyens. En 2012, à Lac-Beauport, son projet Silva a failli être bloqué par un référendum. Il prévoyait 166 maisons en rangée certifiées LEED, et la cession de 60 % de ses terrains à la municipalité pour en faire des espaces verts et construire l'école dont la municipalité avait grand besoin.

Le maire de Lac-Beauport a sauvé le projet en utilisant un programme particulier d'urbanisme. Si les résidents des zones contiguës ne voulaient pas de Silva, un sondage montrait que 81 % des citoyens de la municipalité étaient favorables à la construction d'une école. L'idée des maisons en rangée suscitait plus de réserves. Il y avait aussi des craintes relatives à la hausse de la circulation. Finalement, les maisons en rangée ont été remplacées par des résidences unifamiliales.

Au centre-ville de Québec, un projet de copropriétés (Îlot Irving) sur neuf étages avec logements sociaux (dans un quartier où les immeubles ont quatre étages) a été bloqué par référendum l'an dernier. Revu à six étages, sans logements sociaux, le projet a ensuite été rejeté par le conseil de quartier.

Un projet de six étages au centre-ville se heurte actuellement à de l'opposition. La construction d'une garderie à Sillery avait aussi suscité la contestation citoyenne en 2011. Encore une fois, les citoyens craignaient que le projet n'entraîne une hausse de la circulation automobile et une baisse de la valeur des maisons du quartier.

valerie.lesage@tc.tc

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