Une année sous le signe de la fragilité

Publié le 17/12/2011 à 00:00

Une année sous le signe de la fragilité

Publié le 17/12/2011 à 00:00

L'évolution de l'économie québécoise restera fragile en 2012. Les turbulences qui secouent les États-Unis et l'Europe, jumelées aux résistances du marché du travail et à la baisse de confiance des ménages chez nous, augurent d'une année qui sera marquée au sceau de la morosité. Si le spectre de la récession s'éloigne, la croissance économique au Québec sera faible et devra compter sur l'impulsion du secteur privé.

SECTEUR PRIVÉ, C'EST À TON TOUR...

Malgré les crises économiques et financières qui ont secoué le monde depuis 2008, le Québec s'est assez bien tiré d'affaire. La croissance des dernières années a été générée grâce à la vigueur du marché domestique et aux importantes dépenses gouvernementales en infrastructures. Mais cette fois, le Québec a besoin d'un autre moteur de croissance.

«Les facteurs positifs des dernières années ne joueront plus», souligne Robert Hogue, économiste principal chez RBC, en précisant que le marché immobilier résidentiel ne devrait contribuer que modestement à la croissance économique en 2012.

Une baisse des taux d'intérêt n'aiderait pas non plus, la plupart des acheteurs ayant profité de la faiblesse des taux ces dernières années pour assouvir leurs besoins en matière de maisons, d'autos et d'autres produits.

De plus, «la contribution gouvernementale ne peut plus être la même, on perd la partie des stimuli budgétaires qui avait joué un grand rôle depuis 2008», dit Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale.

Même son de cloche de la part de Carlos Leitao, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne : «Le champ d'action de l'État est limité. Cette fois, si l'économie dérape, on ne pourra pas accélérer le programme de dépenses publiques.»

Conclusion : le secteur privé doit prendre le relais, disent en choeur les économistes interrogés. Mais les entreprises ont-elles les reins assez solides pour investir et stimuler la croissance ? Est-ce qu'elles emboîteront le pas à des multinationales comme Alcoa et Alouette, ces géants de l'aluminium qui ont annoncé cet automne des phases d'expansion totalisant plus de 4 milliards de dollars ?

«Les entreprises québécoises sont en bonne santé financière. Les profits sont au rendez-vous, les marges bénéficiaires sont élevées, les liquidités sont importantes et le taux d'endettement est faible», répond Hélène Bégin, économiste principale chez Desjardins, Études économiques, qui précise que certaines industries demeurent toutefois vulnérables.

La valeur élevée du huard favorise aussi l'achat de machinerie et d'équipements. «Avec la hausse du dollar et le coût du capital qui restera bas, les facteurs sont favorables à des investissements pour l'achat d'équipements et l'amélioration de la productivité», note Carlos Leitao, en reconnaissant que les entreprises québécoises ont semblé ignorer ce refrain ces dernières années. «C'est un aspect culturel qui doit changer, ajoute M. Leitao. Aux États-Unis, malgré la crise, les entreprises manufacturières ont continué d'investir en immobilisations.»

L'EMPLOI VACILLERA

L'emploi qui flanche, le taux de chômage qui remonte : ces nouvelles peu encourageantes en cette fin d'année risquent de se répéter en 2012. En novembre, c'est au Québec qu'il s'est perdu le plus d'emplois (30 500) à l'échelle nationale. Ce repli, pour un deuxième mois consécutif, a poussé le taux de chômage à 8 %, au-delà de la moyenne canadienne (7,4 %).

«L'emploi montre des signes inquiétants d'essoufflement», note Hélène Bégin. Et «il faut s'attendre à ce que la progression de l'emploi demeure très faible», souligne Yannick Desnoyers, chef économiste adjoint à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Les données sur l'emploi montrent que «si le Québec s'en est assez bien sorti depuis 2008 et qu'il est en bien meilleure posture qu'ailleurs au pays, ce ne sera pas le cas cette fois», indique Robert Hogue, chez RBC.

D'autant qu'il ne faudra plus compter sur les milliards de dollars investis dans les infrastructures et qui ont dopé l'emploi ces dernières années.

Toutefois, certaines régions s'en tireront mieux, notamment celle de Québec qui continuera d'afficher l'un des plus bas taux de chômage, non seulement du Québec mais aussi du pays. Les régions de l'Abitibi-Témiscamingue, du Nord-du-Québec et de la Côte-Nord profiteront elles du boom minier et du lancement du Plan Nord.

LES CONSOMMATEURS BOUDERONT

Depuis la fin de l'été, «la confiance des ménages a suffisamment diminué pour remettre en question la solidité des dépenses de consommation qui vont rester faibles au moins pendant les premiers mois de 2012», estime Hélène Bégin.

«Il n'y a pas que les chômeurs ; même ceux qui ont un emploi et qui craignent d'être les prochains sur la liste de renvoi vont moins dépenser», souligne Robert Hogue.

Les détaillants en ressentiront les effets. Un récent sondage du Groupe Altus, réalisé pour le compte du Conseil québécois du commerce de détail, révèle que les consommateurs québécois auront consacré moins d'argent à leurs dépenses que ce qu'ils prévoyaient l'an dernier.

L'endettement des ménages nuira aussi à la progression des dépenses des consommateurs qui, avec la décision de la Banque du Canada d'attendre 2013 avant de hausser le taux d'intérêt, «profiteront toutefois d'un répit quant à la capacité de rembourser leurs emprunts», note Mme Bégin.

Autre frein à la consommation : l'augmentation de 1,6 milliard de dollars (G $) du fardeau fiscal des Québécois par rapport à l'an dernier. L'essentiel (1,1 G $) résulte d'une nouvelle hausse d'un point de pourcentage de la TVQ dès le 1er janvier. La taxe passera à 9,5 %. Il s'agit du plus haut taux jamais enregistré au Québec; par contre, le taux combiné avec la TPS (14,975 %) est inférieur à celui en vigueur en 2005 (15,025 %).

MAIS PAS DE RÉCESSION EN VUE

Les économistes penchent plutôt pour une faible croissance oscillant entre 1,5 et 2 % pour le Québec. «La croissance sera très modeste et pourrait aussi se prolonger jusqu'en 2013 et 2014», affirme Carlos Leitao. Mais les perspectives sont fragiles et l'économie québécoise pourrait s'enliser davantage. «Ça ne prend qu'un choc mineur pour déraper : quand votre système immunitaire est faible, un virus en apparence non virulent peut vous mettre K.-O.», illustre M. Leitao.

Les prévisions de récession en Europe pour 2012 risquent-elles d'entraîner le Québec dans le même sillage ? «Une récession dans la zone euro, qui ne serait pas accompagnée d'une crise financière similaire à celle de 2008, ne plongerait pas le Québec en récession», affirme Stéfane Marion. Si la crise financière de 2008 était liée au marché résidentiel américain, celle de 2011 en est une de dettes souveraines européennes, rappelle-t-il. «Les économies nord-américaines résistent plutôt bien aux turbulences et incertitudes de la zone euro», constate d'ailleurs Hélène Bégin.

Autre bonne nouvelle : la bonne santé relative de l'économie américaine «atténue les risques de rechute des exportations vers les États-Unis», dit Mme Bégin. Encore une fois, tout pourrait basculer, prévient Stéfane Marion, si «les gouvernements veulent résoudre leurs problèmes en introduisant des politiques protectionnistes qui mineraient davantage la croissance mondiale».

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