Un divorce tranquille pour le libre échange nord-américain

Offert par Les Affaires


Édition du 28 Juillet 2018

Un divorce tranquille pour le libre échange nord-américain

Offert par Les Affaires


Édition du 28 Juillet 2018

Par Laura O'Laughlin

La théorie de l'avantage comparatif, ou l'idée que le commerce et la spécialisation de la production permettent aux pays d'améliorer leur situation économique plus que s'ils n'avaient pas recours à de telles stratégies, est l'un des premiers concepts enseignés en sciences économiques. C'est aussi le fondement de la croissance et de la stabilité du Canada.

Les relations commerciales entre les États-Unis et le Canada, un des partenariats de commerce les plus stables du monde, illustrent bien les effets bénéfiques du commerce à travers le temps. Rapidement après que le Canada a accédé à son indépendance, les États-Unis dépassaient la Grande-Bretagne en termes d'importance économique pour les Canadiens. Avant la Confédération, environ 60 % des importations canadiennes provenaient de la Grande-Bretagne, et presque 40 %, des États-Unis. En 1900, les États-Unis fournissaient près de 60 % de toutes les marchandises importées par le Canada. Plus de cent ans plus tard, cette proportion a peu changé ; les États-Unis fournissent maintenant 63 % des marchandises importées par le Canada.

Du côté des exportations, il y a presque 150 ans, la moitié des exportations canadiennes étaient destinées aux États-Unis. Depuis la mise en place de l'ALÉNA en 1993, les États-Unis sont devenus encore plus importants pour le Canada en tant que marché d'exportation. Aujourd'hui, ce sont 71 % de nos exportations qui vont vers les États-Unis. Bien que ce chiffre soit en baisse par rapport au sommet de 84 % atteint en 2002, les économies nord-américaines sont plus intégrées que jamais auparavant.

Prenons par exemple le secteur de l'automobile. Les pièces de camions et de voitures - dont les châssis en acier, les sièges remplis de mousse et les volants en cuir cousu - traversent en moyenne huit fois les frontières de l'ALÉNA avant qu'une voiture complètement assemblée ne sorte d'une chaîne de production nord-américaine. Maintenant, les améliorations technologiques, l'automatisation et l'intégration économique obligent les entreprises à acheminer les intrants et les extrants le long des lignes de production qui traversent le continent. Une telle intégration rend presque impossible l'étiquetage national. En effet, il est très difficile de dire qu'une auto est vraiment « fabriquée » ou même « conçue » dans un endroit plutôt que dans un autre.

Alors que les États-Unis menacent d'établir des tarifs supplémentaires sur l'industrie automobile, notre pouvoir de riposter est limité. Les contrepoids de notre économie, qui représente seulement 10 % de la taille de celle des États-Unis, nous sont plus nuisibles que jamais.

Compte tenu de notre intégration et de notre taille relative, nous avons toutes les raisons de craindre l'impact des grands tarifs spécifiques sur le secteur automobile. Les travailleurs et les consommateurs canadiens seront touchés de façon disproportionnée par les nouvelles mesures éventuelles mises en place par notre voisin américain. Un tarif automobile ciblé affecterait immédiatement l'Ontario où les exportations de produits automobiles représentent le quart de l'activité économique provinciale. L'impact se ferait sentir rapidement partout au Canada. À la suite d'une augmentation tarifaire de 25 %, les consommateurs pourraient s'attendre à payer entre 5 000 $ et 9 000 $ de plus sur une voiture neuve qui vaut actuellement 30 000 $. Des répercussions subséquentes pourraient même provoquer une récession au Canada.

Compte tenu de ces risques, c'est actuellement le moment le plus propice pour réexaminer notre plan d'action. Faire du commerce avec des partenaires plus prévisibles - avec l'Europe grâce à l'Accord économique et commercial global (AECG) et avec les pays de l'Asie-Pacifique grâce au Partenariat transpacifique (PTP) - aidera certainement le Canada à se remettre d'une potentielle rupture des partenariats nord-américains.

Nous devrions aussi résister à la tentation de la vengeance. Même si les tarifs de représailles semblent une bonne chose sur le plan politique, l'impact à long terme d'une guerre commerciale sur les économies nord-américaines pourrait être dévastateur. Il n'y a pas de gagnants dans les guerres commerciales - il n'y a que des perdants et des grands perdants. La recherche d'autres partenaires et le maintien de notre stratégie commerciale fondée sur des avantages comparatifs nous permettront de minimiser les pertes.

Comme une bonne partie de l'économie canadienne repose sur nos échanges commerciaux (les exportations et les importations représentent 64 % de notre PIB), notre meilleure réponse à l'augmentation des tarifs est de maintenir le statu quo pendant qu'on prépare tranquillement nos papiers de divorce.

EXPERT INVITÉ

Laura O’Laughlin est économiste principale au cabinet de consultation Groupe d’analyse. Elle est aussi fondatrice de l’Institut des générations, un organisme sans but lucratif qui s’intéresse à l’équité entre les générations.

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