Les TI à Québec : un fouillis coûteux

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Les TI à Québec : un fouillis coûteux

Publié le 13/10/2012 à 00:00

Combien les technologies de l'information coûtent-elles aux contribuables québécois ? Quelques milliards par année. Mais n'espérez pas de données précises.

Dans son précédent numéro, Les Affaires rapportait que le gouvernement québécois dépensait 2,6 milliards de dollars par an dans les ressources informationnelles.

Le Conseil du Trésor, qui tardait à répondre à nos questions, nous a finalement précisé que cette somme, indiquée dans ses documents, ne comprend pas les contrats en sous-traitance donnés par le ministère de l'Éducation et celui de la Santé et des Services sociaux, pas plus que ceux donnés par les sociétés d'État.

«On ne sait pas à combien ça se chiffre au total», a souligné Jean Auclair, relationniste au Conseil du Trésor.

Retombées

Le gouvernement ignore tout autant quelles retombées il tire des investissements dans les TI.

«Si 20 G$ dans les TI généraient un rendement de l'investissement d'un trillion de dollars, ce serait alors un investissement et non une dépense, mais on s'intéresse peu à l'analyse des résultats», déplore Dominic Jaar, associé de KPMG pour la gestion de l'information et l'administration de la preuve électronique.

Il semble néanmoins que les contribuables n'en ont pas toujours pour leur argent, car de grands projets n'ont obtenu aucun résultat, malgré l'investissement de centaines de millions de dollars. Et les plus petits projets ne sont pas en reste.

Sous le couvert de l'anonymat, un informaticien spécialisé nous a raconté avoir travaillé pendant deux ans à un projet qui devait durer six mois chez Hydro-Québec. «Cela a dû coûter quelques millions, et tout a été abandonné, car certains informaticiens de la maison ne voulaient pas coopérer. Ça changeait les façons de faire», se souvient le spécialiste, qui travaillait alors en sous-traitance à un projet mené par deux grandes firmes en TI.

Appelé en renfort auprès des sociétés d'État, le travailleur autonome a observé avec stupéfaction que beaucoup d'employés du secteur privé sont embauchés à long terme, non pour une expertise spécifique, mais pour faire de la maintenance informatique, «au double ou au triple d'un salarié».

La recette d'un désastre

La gouvernance des projets informatiques de l'État doit être améliorée, plaide Dominic Jaar. Selon lui, le tiers du budget d'un projet devrait être consacré à la gouvernance ; un autre tiers, à l'analyse des besoins, à la communication et à la formation pour faire adopter les nouvelles méthodes ; et le dernier tiers, à l'achat et à l'implantation de la technologie. «Actuellement, 100 % du budget va à l'achat et à l'implantation, ce qui est la recette d'un désastre», analyse-t-il.

En finir avec l'approche paquebot

Il faudrait aussi, selon M. Jaar, scinder les appels d'offres pour favoriser l'innovation.

«Les appels d'offres au Québec sont des paquebots. Seulement trois firmes peuvent y répondre (en raison des critères exigés) et on s'aliène l'expertise des petites firmes spécialisées.

«À une autre époque, c'était justifié, l'approche paquebot, parce que si on faisait de petits modules séparés, il y avait des problèmes de compatibilité. Mais aujourd'hui, avec l'approche des services Web, les outils peuvent s'intégrer les uns aux autres», dit celui qui a vendu son entreprise de preuve électronique à KPMG.

Appels d'offres

Scinder les appels d'offres favoriserait aussi la concurrence, laquelle a tendance à tirer les prix vers le bas. Cela permettrait probablement aussi une meilleure gestion des projets.

«Dans les gros projets, ils oublient qui fait quoi, remarque le travailleur autonome anonyme auquel nous avons parlé. Le nombre de fois où j'ai été payé 150 $ l'heure chez Loto-Québec à ne rien faire... Je m'en plaignais, mais ça ne donnait rien. Je suis même allé au cinéma une fois. Il n'y a pas de surveillance.»

Dans la capitale, la VETIQ (Voix des entreprises en TI de Québec) note qu'il y a souvent un problème de continuité dans les mandats en informatique : les donneurs d'ordres changent d'orientation selon les gouvernements et les dirigeants qui se succèdent, ce qui fait grimper les coûts.

Au chapitre de la concurrence, l'association cherche à sensibiliser le gouvernement aux compétences des PME en TI et plaide pour l'abolition des barrières qui les empêchent d'offrir leurs services directement. Outre la certification ISO souvent exigée, la question de la propriété intellectuelle, que le gouvernement exige d'obtenir, pose problème ; particulièrement quand une PME possède une expertise de pointe.

«On siège à des comités de travail avec le Conseil du Trésor, qui portent sur la propriété intellectuelle et le logiciel libre (autre source potentielle d'économie), indique le président de la VETIQ, Claude Racine. Mais ça avance à la vitesse à laquelle on veut bien nous consulter... Il faut aussi que le client veuille faire des changements.»

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